Accueil Culture Présentation-débat autour de l’ouvrage de Mohamed Kerrou à l’IRMC: «Jemna, l’oasis de la révolution» 

Présentation-débat autour de l’ouvrage de Mohamed Kerrou à l’IRMC: «Jemna, l’oasis de la révolution» 

«Jemna est ce qui subsiste en tant qu’expérience qui a relativement réussi de la révolution qui, pour moi, est finie si toutefois elle a commencé…»

L’Institut de recherche sur le Maghreb contemporain (Irmc) a organisé, le 10 février dernier, dans ses locaux, une présentation-débat autour de l’ouvrage de Mohamed Kerrou «Jemna, l’oasis de la révolution» en présence de l’auteur et de Marouen Taleb, chercheur à l’Irmc, pour alimenter le débat.

Situé au sud-ouest de la Tunisie, Jemna est devenue, depuis la révolution, le lieu d’une implication citoyenne responsable et participative à travers le réinvestissement d’un ancien domaine agricole: le «Henchir».

Cet ancien domaine colonial avec ses 300 hectares et sa production de dattes de qualité, nationalisé en 1964, et exploité par l’Etat, fut loué à des particuliers, en 2002, moyennant de modestes sommes.

Depuis 2011, le «Henchir est géré par l’association de protection des oasis de Jemna qui revendique une économie participative sociale et solidaire. Les bénéfices des récoltes sont investis dans des projets en faveur de la communauté.

Cela fait de Jemna un exemple de réussite post-révolutionnaire grâce à l’implication de ses habitants qui ont su accepter, instaurer et animer un débat libre autour des «affaires de la cité».

Cela fait aussi de Jemna au niveau sociologique et anthropologique un intéressant sujet d’étude et d’enquête, une manière aussi de comprendre ce qui fait défaut dans d’autres terres tunisiennes…

Sociologue, anthropologue et professeur de sciences politiques à la Faculté de droit et des sciences politiques de l’Université Tunis El Manar, auteur de «Tunisie l’autre révolution», «Nouveau voile et espace public», «D’ici et d’ailleurs» et bien d’autres ouvrages et publications, Mohamed Kerrou s’est intéressé à cette oasis et son exceptionnelle expérience qu’il a présentée dans son livre (400 pages) «Jemna, l’oasis de la révolution» (Cérès éditions).

La naissance de cet ouvrage a pris trois années avec deux années d’enquête de terrain et une année d’écriture où l’auteur dit avoir eu du mal à s’arrêter tant la matière était dense et riche.

Il y aborde trois grands aspects de Jemna : la spécificité de son environnement, car elle est à la fois une ville et un village, «4 maisons sont classées rurales et donc en dehors de l’arrondissement municipal», souligne-t-il , les rapports entre ses habitants et les liens sociaux qui la régissent. Son intérêt pour Jemna remonte aussi à ses propres origines, lui qui est né dans la ville oasis Gafsa (qui a malheureusement perdu son oasis). «J’ai choisi Jemna pour faire du terrain, retrouver mes racines et renouer avec l’oasis», note-t-il dans ce sens.

Pour lui, faire du terrain était primordial, ainsi, il a séjourné à Jemna et s’est rapproché de ses gens. Il voulait aussi à travers ce livre redonner ses lettres de noblesse à la monographie, un genre scientifique qui a disparu. Le troisième aspect qu’il a traité est les nouveaux rapports entre société locale et Etat central à l’ère de la globalisation…

Après une année et demie de terrain, Mohamed Kerrou dit s’être rendu compte que ce qu’il avait collecté était de provenance masculine et que les entrevues étaient toutes avec des hommes. «J’ai alors prolongé l’enquête pour faire des entretiens avec des femmes. J’ai failli rater l’essentiel car je n’ai pu réellement comprendre Jemna que grâce aux femmes et leur rôle à la fois visible et invisible…», souligne-t-il.

Marouen Taleb, qui est chercheur associé à l’Irmc et docteur en urbanisme et aménagement du territoire à l’Enau, a parlé d’un livre sur les mobilisations sociales et les voix inaudibles des ruraux à qui la recherche n’a pas prêté beaucoup d’attention depuis 2011 et bien avant, estimant que les ruralistes sont une espèce en voie de disparition en Tunisie.  «Jemna, l’oasis de la révolution» est une monographie qui relate l’expérience de Jemna sur le temps long, mais aussi sur les événements qui ont suivi la révolution tout en revenant sur les origines de cette mobilisation autour de l’oasis.

Pour ce dernier, le titre adopté porte à croire que la révolution a réussi à Jemna…  Selon l’auteur, la force de l’expérience de Jemna est de ne pas avoir divisé le domaine qui est géré  par la communauté : «Jemna est ce qui subsiste en tant qu’expérience qui a relativement réussi de la révolution qui pour moi est finie si toutefois elle a commencé…»

Pour lui, l’expérience survivra dans la mesure où elle a permis non seulement de réactiver une mémoire historique de la rébellion, mais également d’instaurer une identité communautaire, un nouveau modèle économique et un rapport horizontal avec l’Etat.

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