Tanit de bronze aux JCC 2021, le film de Jilani Saâdi est actuellement sur nos écrans. Notre point de vue.
La complainte soufiste de « Aljallad » ( dis au bourreau ) interprété par Abdullah Miniyaoui ouvre « Insurrection » . C’est le même artiste d’ailleurs qui a composé la bande sonore du film. Une complainte sur les images d’une insurrection musclée dans l’un des quartiers populaires de Tunisie. De cette foule en colère émergera un vieillard tétraplégique et amorphe qui sera le fil conducteur du film. Une longue déambulation nocturne avec le vieillard sur chaise roulante tombée par un miracle du ciel entre les mains de quelques malfrats. Des personnages laids et violents qui surfent sur la vague des insurrections qui ont jalonné ces dix dernières années de post-révolutionnaires. La ville est livrée à elle-même. De temps en temps jaillit la voix off d’un « Big Brother » dans les airs. On reconnaîtra Mechichi, Kais Saïd, entre autres…
Jouant sur le registre du fantastique et du réel en introduisant des images à la Meliès et à la bande dessinée, Jilani Saâdi plante un mood particulier (qui ne trahit pas son style d’ailleurs) et qui nous place dans des situations étranges avec des personnages égarés. Le constat politique du film décrivant un pays à va-l’eau est présenté dans un dispositif de tournage particulier.
Un Jilani Saâdi qui continue à briser les règles classiques du filmage, mais, cette fois, en ayant les moyens. L’une des particularités dans « Insurrection » est l’utilisation du drone avec une esthétique particulière et qui enrichit l’écriture cinématographique. L’œil de Dieu ? Celle d’un satellite qui surveille les mouvements de cette Tunisie à la dérive ? La distribution de la musique sur les points de montage qui introduisent le drone est d’une justesse irréprochable. Elle donne en même temps de la respiration à la narration. Avec «Insurection », Jilani Saâdi semble tirer le meilleur de son expérience avec la série des Bidouns tout en livrant un film plus audacieux teinté d’un humour noir et cruel.