L’économie de la fonctionnalité et de la coopération est un nouveau modèle économique qui consiste à accorder des valeurs économiques pour les entreprises. Plus d’informations avec Elodie Guyot, animatrice de l’association «Terres EFC», qui a passé douze années dans l’industrie qui lui ont permis de connaître et d’exercer l’ensemble des activités qui composent l’organisation d’une PME : vendre, concevoir, produire, assurer la qualité et la sécurité, acheter, réceptionner et livrer. Interview.
Comment présenteriez-vous les théories de l’économie de la fonctionnalité et de la coopération ?
L’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie) définit l’économie de la fonctionnalité et de la coopération (EFC) comme étant la perspective d’une économie circulaire, la volonté de réduire la consommation des ressources naturelles et d’augmenter le bien-être des personnes et le développement économique. Pour cela, l’objectif est de vendre de la performance d’usage et pas simplement des biens et des services. Il est possible de dire que l’économie de la fonctionnalité et de la coopération repose sur quatre grands principes. L’EFC soutient la notion de territoire en prenant en compte les externalités sociales et environnementales qui sont liées au modèle initial. L’objectif est de passer d’une dynamique de performance industrielle, centrée sur les ressources matérielles, à une dynamique de contribution «servicielle», centrée sur les ressources immatérielles. Un autre principe important de l’EFC est l’effet ciseau. Il s’agit de transformer la valeur d’usage en valeur monétaire et d’accroître les facteurs immatériels dans les processus de création et de production de valeur. Les modèles EFC permettent de générer un impact positif sur la qualité du travail et sur les modes d’organisation du travail par l’utilisation de ressources immatérielles.
Quelle est la valeur de l’Economie de la fonctionnalité et de la coopération ? Comment se la procurer ? Quels sont ses clés et son but ? Ce modèle est-il lucratif ?
L’économie de la fonctionnalité et de la coopération est un modèle économique qui repose sur la vente de solutions incluant produits et services plutôt que sur la vente du bien ou du service séparément. La valeur du produit réside dans les bénéfices de son utilisation et non dans la possession de ce produit. L’objectif de l’Economie de la Fonctionnalité et de la Coopération est de replacer l’économie au service de l’Homme et de la Nature. Elle compte 7 clés principales : la valeur plutôt que le volume, la coopération plutôt que la coordination, la localité dans sa globalité, le développement durable comme avantage stratégique, le territoire comme ressource, la performance globale et le travail comme facteur d’émancipation.
L’Economie de la Fonctionnalité et de la Coopération est-elle un nouveau prototype de développement durable pour les entreprises ?
L’EFC est intimement liée au développement durable car elle cherche à limiter les externalités environnementales ou sociales du modèle économique traditionnel. Et pour cela, elle s’inspire des formes de coopération entre différents acteurs du territoire.
Quelles sont les entreprises qui se préoccupent de l’économie de la fonctionnalité et de la coopération ?
Toutes les entreprises sont susceptibles d’être intéressées. Les pionnières étaient de grands industriels français : EDF, La Poste, Michelin. Aujourd’hui, la majorité des entreprises sont des TPE-PME dans les secteurs de l’industrie et des services. A titre d’exemple, Michelin a rencontré des difficultés à faire accepter la hausse des prix de vente de ses pneus. Ainsi, ils ont eu l’idée de ne plus vendre de pneus mais de les louer. De plus, ils prenaient en charge le cycle de vie du produit chez le client. De ce fait, Michelin s’occupe du gonflage des pneus pour réduire la consommation de carburant, recreuse et rechape les pneus afin d’augmenter la durée de vie du produit, forme les chauffeurs en éco-conduite pour la réduction des accidents et l’amélioration des conditions de vie au travail et la baisse de la consommation de carburant. Le client ne paie plus les pneus mais les kilomètres parcourus. Des économies ont été faites en carburant, en gestion interne et en coûts pour le client (en comparant le coût des kilomètres parcourus avec celui des achats de pneus). Michelin a pu passer outre la barrière du prix et a augmenté sa marge en valeur absolue.
Les autorités doivent-elles être un moteur dans le développement de l’Economie de la fonctionnalité et de la coopération ?
Historiquement, les premiers sommets de la Terre de Stockholm (1972), Nairobi (1982), Rio (1992) et Johannesburg (2002) viennent placer les questions écologiques et, notamment, de consommation durable et d’économie durable au niveau des préoccupations internationales. La notion EFC a émergé en 1986 aux Etats-Unis, dans un contexte où la finitude des ressources devient un enjeu clairement identifié. Au début des années 2010, ce concept a été développé par les économistes Christian Du Tertre et Christophe Sempels. Aujourd’hui en France, Ademe et de nombreuses régions sont des partenaires qui participent à la diffusion de l’EFC dans les territoires.
La crise sanitaire actuelle est-elle un facteur de changement de modèle pour les entreprises ?
Oui, tout à fait. L’EFC est un avantage considérable pour les entreprises. Elle permet de continuer de se développer, d’améliorer la rentabilité tout en respectant la vie. Dans un contexte particulier de crise économique et écologique, l’EFC propose une innovation stratégique.
Comment peut-on progresser sur cette orbite?
Pas à pas, c’est un chemin long et attrayant. Il est profitable aux fabricants, aux clients, aux usagers et aux territoires. Changer de modèle économique, avec l’économie de la fonctionnalité et de la coopération, c’est se permettre d’inverser ce rapport à la responsabilité sociale des entreprises, de ne plus devoir inévitablement considérer la prise en compte d’enjeux sociaux et environnementaux comme de simples suppléments d’âme, mais comme des avantages stratégiques dans une perspective de développement économique durable.
laurent
22 février 2022 à 06:34
Article bien approfondie. Il manque quelques coordonnées.