De l’accueil à la prise en charge, en passant par la prise de rendez-vous, rien ne va plus dans les structures hospitalières publiques de seconde ligne où la qualité des services et des prestations s’est détériorée à un point tel que la sécurité des patients est souvent mise en danger.
Les drames qui se sont succédé ces dernières années et qui se poursuivent dans les hôpitaux locaux et régionaux sont révélateurs d’un système de santé exsangue, dont les nombreuses failles constituent une sérieuse entrave au droit inaliénable des citoyens à des prestations de qualité. Ceux qui se rendent dans les structures hospitalières publiques se retrouvent confrontés à la dure réalité de ces établissements, empêtrés dans une crise sans précédent qui n’a fait que s’accentuer au cours de ces deux dernière années marquées par la pandémie de Covid-19. De l’accueil à la prise en charge, en passant par la prise de rendez-vous, rien ne va plus dans les structures hospitalières publiques de seconde ligne où la qualité des services et des prestations s’est détériorée à un point tel que la sécurité des patients est souvent mise en danger.
Sameh Sahli fait partie de ces citoyens qui ont failli payer de leur vie le lourd tribut des graves défaillances d’un système qui tarde à se réformer. Ce qui devait être un accouchement ordinaire a tourné au drame pour cette jeune femme âgée de 35 ans qui vient de donner naissance à une petite fille dans des conditions atroces. La grossesse s’était pourtant déroulée normalement et sans heurts pour cette femme originaire de la délégation d’El Ksour (gouvernorat du Kef) qui vit à la campagne. C’est au cours d’une consultation médicale de routine que son médecin gynécologue lui a fait savoir, sur la base de l’échographie réalisée, qu’elle doit se présenter à l’hôpital le 14 février pour accoucher. Le jour J, la parturiente se rend à l’hôpital d’El Ksour. Mais elle essuie un refus net de la sage-femme responsable du service de gynécologie obstétrique et de maternité qui refuse de la prendre en charge au motif que l’établissement ne pratique pas d’accouchements à froid. Elle lui signifie qu’elle ne doit revenir que lorsqu’elle commence à ressentir que les contractions deviennent de plus en plus intenses annonçant que l’accouchement est proche. Ces contractions avaient pourtant déjà commencé pour Sameh qui refuse de partir, craignant de ne pas pouvoir revenir à temps, faute d’accompagnateur et de moyen de transport pour se rendre à l’hôpital d’autant plus qu’elle habite en rase campagne, loin de l’hôpital. Après un échange tendu avec le mari de la jeune femme, la cheffe de service, après avoir ausculté la jeune femme, finit par reconnaître à contrecœur, que l’accouchement est imminent.
Seule, désemparée et sans assistance médicale
Hospitalisée depuis vendredi dernier au service de maternité, la jeune femme, dont les contractions deviennent de plus en plus douloureuses, souffre le martyre dans l’indifférence la plus totale. Alors qu’elle s’épuise et que ses forces l’abandonnent, aucun repas ne lui est servi. Pas même un verre d’eau pour étancher sa soif. Pensant pouvoir se rafraîchir, elle ne trouve pas d’eau dans les sanitaires qui se trouvent à l’étage et qui sont dans un piteux état. Pis encore, voyant que l’accouchement se fait attendre, la cheffe de service qui est une sage-femme — l’établissement hospitalier ne disposant d’aucun médecin gynécologue — fait volte-face et contre toute attente revient sur sa décision de garder la jeune femme à qui elle demande de rentrer chez elle parce qu’elle n’a toujours pas accouché. Mais face à l’insistance de la patiente qui a peur d’accoucher sur le trajet du retour à la maison, la sage-femme finit par la garder dans une chambre du service. Alors que les heures s’égrènent longuement pour Sameh, qui se tord de douleur, aucun membre du personnel paramédical ne lui rend visite pour vérifier si le bébé a commencé ou non à pointer le bout de son nez. Le dimanche matin, sentant enfin que l’heure de la délivrance est arrivée, la jeune femme, qui vient de perdre les eaux, appelle à l’aide, désemparée. Mais personne ne répond. La cheffe de service, qui était en poste, vient de rentrer après avoir terminé ses heures de service et celle qui doit prendre la relève n’est toujours pas là. C’est dans les toilettes que Sameh va finir par mettre au monde sa fille sans aucune assistance médicale! La scène est surréaliste: le bébé atterrit violemment sur le sol alors qu’il est encore relié au cordon ombilical de sa mère qui l’enveloppe dans son fichu. C’est en tenant son nouveau-né serré contre elle et attaché au cordon ombilical dégoulinant de sang qu’elle se rend à la salle d’accouchement, aidée par l’ambulancier de l’hôpital qui a entendu ses cris et qui a, entre-temps, ramené la sage-femme de service. Une chose est sûre : la jeune femme, qui n’a pas encore quitté l’hôpital, n’oubliera pas de sitôt cet accouchement cauchemardesque. Toujours est-il qu’aucun médecin n’est venu vérifier si le bébé se porte bien et ne présente aucun problème de santé!
Ridha bouajin
22/02/2022 à 11:07
Bravo
C est authentique
Bouleversant
Et très bien écrit
Merci Madame
Fatnassi
23/02/2022 à 07:19
Franchement. Des dysfonctionnement ainsi qu’un manque flagrant de matériel, de personnel et d’infrastructure sont réels.
il n’en reste pas moins que l’article est un peu enrobé de sensationnel puisqu’heureusement pour la maman et le bébé tout finit relativement bien et moins dramatique qu’annoncé pompeusement. Vous semblez accabler le personnel plus que l’organisation et l’autorité de tutelle du centre d’accouchement alors qu’ils subissent quotidiennement tous les inconvénients de leurs missions. Finalement(par exemple) c’est quoi sa faute si le médecin n’est pas là???
Restons objectif sinon ce que dénonce le citoyen perdra de l’ importance et l’indifférence risque de s’installer durablement.
Sans rancune.