Selon les dernières informations qui parviennent de Washington, où se trouve le siège du FMI, les négociations techniques entre les représentants du bailleur de fonds et les autorités tunisiennes seraient fructueuses.
Depuis la nuit du mercredi au jeudi, les bruits de bottes aux frontières de l’Ukraine ont cédé la place aux bruits assourdissants des bombardements. Dans les salles des marchés, ce sont les chiffres du prix du baril de pétrole qui s’affolent. Ils dépassent, pour la première fois depuis 2014, la barre des 100 dollars. Pour l’exécutif, qui avait fixé le prix du baril au prix trop optimiste de 75 dollars dans son budget de 2022, la facture pourrait être très salée.
Quel que soit le montant du déficit pour 2022, la Tunisie, incapable de lever des fonds à des taux d’intérêt raisonnables, a plus que jamais besoin d’un appui et même d’un fort engagement du Fonds monétaire international (FMI).
Selon les dernières informations qui nous parviennent de Washington, où se trouve le siège du FMI, les négociations techniques entre les représentants du bailleur de fonds et les autorités tunisiennes seraient fructueuses. En effet, une mission pilotée par Chris Geireat, économiste du FMI, s’est déroulée à distance entre le 14 et le 22 février, avait pour objectif « d’encadrer le programme de réforme des autorités tunisiennes ». Autrement dit, de se mettre d’accord sur un plan de réforme sérieux et applicable avant « d’envisager la possibilité de conclure un nouveau programme de financement avec la Tunisie », peut-on lire dans le communiqué publié par l’institution financière.
Un round de négociations qualifié de « constructif » et « fructueux » par les deux parties, et qui devrait ouvrir la voie à la signature d’un accord de financement.
« Des contacts positifs »
Au cours de ces négociations techniques, les équipes du FMI ont pu s’entretenir notamment avec la ministre des Finances, Sihem Namsia, le ministre de l’Économie, Samir Saied, ainsi qu’avec le gouverneur de la Banque centrale, Marouane El Abassi. Rien, en revanche, sur l’implication, dans ce processus de négociation, des partenaires sociaux. Si le patronat représenté par l’Union tunisienne de l’industrie, du commerce et de l’artisanat (Utica) aurait interagi avec le gouvernement à propos du plan de réforme qu’il devra présenter au FMI, les contacts sont encore timides avec la centrale syndicale. Aux dernières nouvelles, « des contacts positifs » auraient été établis avec l’Union générale tunisienne du travail (Ugtt) et des rencontres seraient prévues dans les prochaines semaines entre les représentants du gouvernement et le principal syndicat du pays.
Si la Tunisie est optimiste quant à la possibilité de trouver un accord de financement avec le FMI avant la fin du premier semestre de cette année, la crainte des partenaires sociaux et des économistes est que cet accord aboutisse à la mise en place de réformes douloureuses, notamment pour les classes moyennes et les moins nantis.
Un « programme de réformes » non officiel « fuité » il y a plusieurs mois dans les médias, avait provoqué le courroux de l’opinion publique, craignant de payer les pots cassés d’une gestion calamiteuse des finances de l’Etat par les gouvernements qui se sont succédé depuis 2011.
Points d’achoppement
Principal point d’achoppement qui pourrait mettre l’exécutif dans l’embarras face à des citoyens qui voient leur pouvoir d’achat s’amincir de semaine en semaine, est, sans aucun doute, l’idée de supprimer, même graduellement, les subventions. En fait, plus clairement, certaines réformes viseraient à rediriger les montants des subventions vers les classes les plus pauvres, au lieu de les saupoudrer à l’aveuglette, avec au passage l’espoir de faire des économies. Mais problème : pour les classes moyennes, dont le pouvoir d’achat n’a cessé de diminuer ces dernières années, les subventions des produits sont devenues une véritable nécessité. D’ici 2024, la Tunisie espère diviser par deux le taux de dépenses en subventions.
Même ambition en ce qui concerne la maîtrise de la masse salariale qui devrait passer de 16,4% du Produit intérieur brut (PIB) en 2020 à 14,4% en 2024.
Des économies, conjuguées à des efforts en termes d’investissements et de production, qui permettraient de générer de la croissance, malgré un taux de chômage endémique qui frôle les 20%, et les risques d’explosions sociales. Un test grandeur nature pour la résilience de l’économie tunisienne.