Les 136 centres de soins de santé de base et les hôpitaux de circonscriptions répartis sur tout le territoire souffrent encore de beaucoup de carences.
La plupart des citoyens considèrent la santé comme une priorité absolue. Ce classement dans l’échelle des valeurs est lié au fait que tout individu doit jouir de toutes ses facultés physiques et mentales afin de pouvoir bien vivre et exercer une activité professionnelle. Tout le monde doit donc avoir les mêmes chances de conserver et de rétablir sa santé. Or, cet objectif n’est pas totalement atteint dans toutes les délégations du gouvernorat de Kairouan, où les hôpitaux de circonscriptions souffrent de beaucoup de carences. Le matériel existant est souvent en panne sans oublier les lavabos cassés et les toilettes repoussantes et en piteux état. Au niveau de tous les dispensaires, la consultation se fait une fois par semaine, et le médecin généraliste ausculte un grand nombre de patients qui passent toute la journée, ou presque, dans de longues files d’attente. Le reste de la semaine, les infirmiers assurent les premiers soins, font des injections ou contrôlent le diabète et la tension. En cas de maladies graves, le malade doit se déplacer à Kairouan, ce qui occasionne beaucoup de dépenses.
Et comme ces dispensaires ne disposent ni d’ouvriers ni de gardiens, c’est l’infirmière qui fait le ménage, achète les produits détergents et affronte, seule, les agressions de certains individus qui veulent se procurer des médicaments, souvent en rupture de stock.
Habiba Oueslati, 42 ans, originaire de la localité de Dhibet (délégation d’El Ala), nous explique que pour se faire opérer d’un kyste à Kairouan, elle a dû louer 4 fois une camionnette à 50D pour le trajet entre son village et Kairouan. «Une fois, c’est pour les analyses, une autre c’est pour les radios, une troisième pour me dire qu’il n’y a aucun médecin anesthésiste-réanimateur, une quatrième pour me dire que les radios sont à refaire, il y a de quoi… déprimer». C’est pour toutes ces raisons que la population kairouanaise souhaite la mise en place de structures de première ligne, à même de mieux répondre aux besoins des villageois avec des services plus réactifs.
Un CHU où rien ne va plus…
Construit en 1900, l’hôpital Ibn-El Jazzar, avec son unité chirurgicale «les Aghlabides» entrée en service en 1997, est sollicité non seulement par les Kairouanais, mais également par des citoyens en provenance des gouvernorats limitrophes. De ce fait, il y a beaucoup d’engorgement du sein des 19 services et tout n’est pas pour le mieux dans le meilleur des mondes.
Le service «covid», par exemple, dont la porte principale a été saccagée par le fils d’un patient sous oxygène, devient accessible à tout le monde, ce qui encourage certains citoyens indélicats à venir à n’importe quelle heure de la journée ou de la nuit pour agresser le cadre médical et paramédical, en proférant des insultes et des mots grossiers pour montrer leur mécontentement quant à la qualité des soins prodigués. Et cela sans être inquiétés, ni poursuivis en justice, faute de gardiennage et de surveillance.
Par ailleurs, l’unité chirurgicale «les Aghlabides», située à 3 km de CHU Ibn-El Jazzar, ne dispose ni de scanner, ni d’équipement sophistiqués, ni suffisamment de cadres médicaux et para-médicaux, son service des urgences est souvent confronté à beaucoup d’encombrement à cause de la présence des familles des patients hospitalisés, mécontentes de la qualité des prestations fournies et de la mauvaise organisation.
Samira Titouh, 54 ans, dont le fils devait subir une intervention chirurgicale d’urgence, était très en colère, en cette soirée du mois de février 2022: «Figurez-vous qu’il n’y a aucun spécialiste en anesthésie et en réanimation depuis une semaine (l’un est en congé maladie, l’autre a subi un accident de la route). D’ailleurs, hier, au sein de ce service, à cause d’une hémorragie interne provoquée par un accident, le patient est décédé. Il n’a pu être secouru à cause de l’absence de spécialistes en réanimation, d’où la colère de tous les membres de sa famille qui ont tout saccagé, les équipements médicaux, les vitres, les poches, sans oublier les agressions envers les médecins et les infirmiers…
Notons, par ailleurs, que le personnel soignant est souvent obligé, en cas d’urgence, de transférer l’accidenté au CHU Ibn-El Jazzar pour un scanner, puis de le faire revenir pour le faire opérer et il arrive que cet accidenté en détresse respiratoire meure en cours de route. Or, il aurait suffi qu’on dote cette unité chirurgicale d’un scanner, comme le souhaitent tous les citoyens, pour que des vies humaines soient sauvées… En outre, beaucoup d’accompagnateurs viennent, surtout le soir, dans un état anormal et dans l’incapacité de contenir leur tension nerveuse. Ainsi, ils sèment la terreur et la gabegie, surtout lorsqu’ils apprennent le décès de l’un de leurs proches. Ils n’hésitent pas à gifler le personnel paramédical et médical. Toute cette ambiance malsaine a contribué au ras-le-bol des médecins, des infirmiers et des ouvriers dont les sit-in sont devenus de plus en plus fréquents, et ce, pour dénoncer les agressions récurrentes, l’insuffisance d’équipements médicaux et le manque de spécialistes. D’ailleurs, le dernier sit-in a été organisé, le 21 février 2022, pour faire comprendre à tous les responsables que la situation actuelle des hôpitaux de Kairouan est devenue alarmante et ingérable.
Pour utiliser le Smur, il faut passer par Sousse !
Le Smur de Kairouan a été créé en 2010, mais on regrette l’absence de médecins régulateurs. Cela oblige les responsables du Smur de Kairouan à contacter celui de Sousse.
Et tous les citoyens espèrent qu’en dotant le Smur de Kairouan de la régulation 7, cela permettra de couvrir toutes les délégations de Kairouan. Par ailleurs, bien que le Smur dispose de 5 ambulances et de 2 type A, il n’utilise qu’une seule, faute d’équipe de techniciens et de médecins qui travaillent selon le système de 24 heures.
Certains patients meurent avant leur rendez-vous
Au service des consultations externes de l’hôpital Ibn-Jazzar qui reçoit en moyenne 150 patients par jour souffrant de différents maux (pneumo, cardio, stomato, etc.), on passe de longues heures pour se faire ausculter et se faire prescrire des médicaments que le patient doit acheter, vu qu’on ne les trouve pas dans la pharmacie de l’hôpital .
Mme Kemla Saoudi, secrétaire médicale, comprend le désarroi et l’agressivité de beaucoup de patients. « Ce genre de comportements de violence est dû au fait que les rendez-vous qu’on fixe aux patients ayant besoin d’un scanner varient de 2 à 8 mois d’attente, ce qui représente un grand risque pour leur santé. D’ailleurs, beaucoup de patients ont trouvé la mort avant ce rendez-vous trop lointain. Pour moi, c’est le processus de la mort qui se met en marche lentement.
Mon vœu le plus cher, c’est que tout le personnel médical et paramédical soit plus solidaire avec les personnes vulnérables et ayant besoin d’un peu de tendresse et d’attention…».
Par ailleurs, tous les services sont saturés et il arrive que deux malades occupent le même lit, cela sans oublier les scènes de maltraitance qui suscitent un sentiment de peur et de frustration auprès des patients et du corps médical et paramédical. A côté de cela, le scanner est souvent en panne au service d’imagerie médicale, vu qu’il est très sollicité (en moyenne (7.000 scanners par an).
Espérons, pour terminer, que les études relatives à la construction de l’hôpital universitaire Salman Ibn Abdelaziz et qui traîne depuis plus de 6 ans à cause de certains lobbies influents ne tarderont pas à être terminées, et ce, pour le démarrage de la réalisation de cet important projet.