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Par Abdel Aziz HALI
12 jours après le début de la guerre en Ukraine, Moscou a annoncé, hier, la mise en place de cessez-le-feux locaux et l’ouverture, à partir de 8h00, de six corridors « humanitaires » pour évacuer des civils de quatre métropoles ukrainiennes (la capitale Kiev, la ville stratégique de Kharkhiv, la ville portuaire de Marioupol et la capitale administrative de l’oblast de Soumy), en proie à de violents bombardements et combats acharnés, alors qu’un troisième round de pourparlers entre Ukrainiens et Russes devait avoir lieu le même jour, selon le gouvernement ukrainien.
«Les forces russes, dans un but humanitaire, déclarent un « régime de silence » à partir de 10h, heure locale, le 7 mars et l’ouverture de couloirs humanitaires», a indiqué le ministère russe de la Défense dans un communiqué, le tout sous la supervision de drones et de l’infanterie russes, comme le Kremlin l’a lui-même précisé.
Seul bémol, c’est que ces couloirs mènent en grande partie soit vers la Russie ou la Biélorussie, soit vers deux villes ukrainiennes qui ne s’éloignent que peu du front.
Le premier chemin humanitaire devait relier la capitale Kiev et la ville biélorusse de Gomel, non loin de la frontière ukrainienne.
Deux autres itinéraires devaient aussi partir de la ville clef de Marioupol (Sud-Est) — ex-Jdanov de 1948 à 1989 — et permettre soit une évacuation en direction de la ville de Rostov-sur-le Don (Russie), soit vers l’Ouest jusqu’à la ville ukrainienne de Zaporijjia (Sud-Est) — anciennement nommée Aleksandrovsk — dont la centrale nucléaire (la plus grande d’Europe) est occupée, depuis vendredi, par les forces armées russes.
Idem pour les civils de la ville ukrainienne de Soumy (Nord-Est) qui devaient emprunter deux trajets : soit vers Belgorod (Russie), soit vers Poltava (Ukraine).
En revanche, les habitants de Kharkiv (Est) — la deuxième plus grande ville d’Ukraine — ont hérité d’un tracé débouchant sur la ville russe de Belgorod.
Si Moscou a indiqué avoir transmis ces informations aux structures de l’Organisation des Nations unies (ONU), de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (Osce) et du Comité international de la Croix-Rouge (Cicr), Kiev a exprimé son refus catégorique.
« Ce n’est pas une option acceptable », a déclaré la vice-Première ministre ukrainienne Iryna Verechtchouk. Selon elle, les civils appelés par les Russes à être évacués des quatre villes assiégées et bombardées « n’iront pas en Biélorussie pour ensuite prendre l’avion et aller en Russie ».
Un avis également partagé par l’Élysée, dont le locataire — le président français Emmanuel Macron — entretient toujours un canal diplomatique avec le président russe.
« C’est une manière encore pour Poutine de pousser son narratif et de dire que ce sont les Ukrainiens les agresseurs et eux qui offrent l’asile à tous », a indiqué, hier, la présidence de la République française.
Y a-t-il plus humiliant pour un réfugié que d’être reçu en territoire ennemi dans les centres d’accueil de son bourreau ?
Drôle de décision unilatérale de la part des Russes qui met davantage en exergue le machiavélisme du Kremlin ainsi que ses desseins hypocrites, voire la facette manipulatrice de sa guerre psychologique.
Il est à rappeler que cette initiative solitaire de Moscou s’oppose à l’impératif fixé par la communauté internationale aux couloirs humanitaires qui insiste sur la nécessité d’ententes bilatérales entre les deux belligérants.
En effet, la quatrième convention de Genève stipule dans son article 17 que « les parties au conflit s’efforceront de conclure des arrangements locaux pour l’évacuation d’une zone assiégée ou encerclée, des blessés, des malades, des infirmes, des vieillards, des enfants et des femmes en couches, et pour le passage des ministres de toutes religions, du personnel et du matériel sanitaires à destination de cette zone ».
Manifestement, entre l’espoir des couloirs humanitaires et le désespoir des sentiers militaires, les civils ukrainiens ont eu droit à une gorgée de cynisme russe sur fond de corridors « humilitaires » !
A.A.H.