Situation de l’enfance et de la jeunesse en Tunisie : Des laissés-pour-compte

Des enfants et des jeunes sont dans la rue, proie de tous ceux qui en font des bras armés pour la mauvaise cause.

Ce qui s’est passé dans un jardin d’enfants de Ben Arous en fin de semaine dernière, qu’il soit amplifié, réellement grave ou… insignifiant, étant donné que tout est politisé, malheureusement, chacun y va de sa propre version pour se donner le bon rôle. Ce qui nous intéresse est bien la réaction rapide des autorités de tutelle qui ont immédiatement pris des dispositions pour faire encadrer le gamin et amorcer une enquête.

Cela ne nous a pas surpris, étant donné le peu de cas que l’on accorde à l’enfance et à la jeunesse. Enfance et jeunesse, on en parle si peu et ils ne sont bons que pour la photo souvenir avec des têtes qui ne signifient rien du tout pour ces enfants et pour ces jeunes !

Il faudrait avouer qu’au lendemain de l’indépendance, c’était beaucoup mieux !

Et alors que l’on ne possédait presque rien, que l’on utilisait des installations rudimentaires ou réaménagées que le matériel manquait terriblement, nos enfants, nos jeunes étaient sérieusement pris en main.

Sans installations propres, sans matériel mais il y avait cet élan, cette fibre nationaliste qui poussaient, le chef de groupe, le responsable des lieux, à se couper en quatre pour former les petits d’hommes qu’on lui a confiés. Pour former ces générations montantes dans un pays qui avait soif d’apprendre, de se hisser aux premiers rangs.

Cela ne signifie nullement que les générations actuelles sont moins sensibles à ce que représente un pays, une nation, une équipe, un groupe solidaire, mais c’est tout simplement la question que se posent ces enfants et ces jeunes à propos de ce qui se passe autour d’eux.

Que voient-ils ? Des frères et des sœurs qui quittent la maison et qui reviennent le soir pour assister à une dispute entre les parents, si l’un d’eux rentre à la maison et qu’il n’a pas été pris pour avoir cassé une vitrine, brûlé des pneus ou s’être attaqué à un citoyen qui avait eu le malheur de passer dans les parages.

Le chômage, les problèmes quotidiens qui pourrissent la vie sont générateurs de tous ces maux. Et ensuite, que veut-on que l’enfant ou le jeune apprenne alors que rien ne l’interpelle ?

Cent mille élèves décrochent chaque année

La famille démissionnaire, l’école qui fournit chaque année près de cent mille enfants qui quittent les bancs pour devenir la proie des opportunistes qui guettent, ne remplit plus son rôle et une absence manifeste de ce troisième milieu auquel presque plus personne n’accorde de l’importance.

Un troisième milieu pour lequel on forme animateurs et animatrices, mais auxquels on n’offre rien pour leur donner le goût du travail et du dépassement. C’est que ce troisième milieu est un milieu d’apprentissage dont l’équipe pédagogique planifie des programmes adaptés au milieu ambiant, au niveau et surtout au degré de sociabilité manifesté par les enfants, ou les jeunes.

L’éducation moderne veut que ce milieu soit créé en collaboration avec ceux auxquels ce milieu  est destiné.

Un local de scouts dans le sous-sol

A titre d’exemple, le groupe scout qui se trouve à El Menzah V. Le local mis à leur disposition aurait été déclaré insalubre pour… vendre des sandwichs. Pas un rayon de soleil n’y pénètre. Les jeunes scouts, filles et garçons, finissent la séance en reniflant à cause de l’humidité qui y règne. Le père d’une jeune scout est outré par ces conditions. «J’ai été scout et nous avions, dans les années cinquante, de meilleures conditions. Lorsque je vois tous ces locaux adjacents, qui appartiennent à la municipalité et qui sont fermés, croulant sous les saletés et qui ont coûté un sac d’argent au contribuable, il y a de quoi se demander ce que font ces gens qui ont été élus pour “changer les choses”.

Le président de la municipalité est invité à jeter un coup d’œil sur ce qui se passe. C’est un scandale ! Le mur d’en face est une pissotière pour la clientèle du café du coin. On a viré des responsables pour moins que cela.  Mais je n’ai pas le choix. J’amène ma gosse pour participer aux activités que l’on se coupe en quatre pour les lui inculquer».

Un froid de canard dans la bibliothèque

Juste en face et après avoir traversé une allée encombrée de pierrailles, se trouve la bibliothèque. Le même problème se pose ; les enfants et ceux qui y viennent gardent leurs manteaux et ont le bout du nez tout rouge. Le soleil balaie une des façades durant une heure au plus.

Il y a une soixantaine d’enfants. Les activités sont intéressantes. L’aspect positif, c’est bien cette présence de quelques parents qui aident mais qui apprennent aussi comment prendre en main un enfant récalcitrant pour la lecture. «J’ai lu deux livres», nous a confié une gamine. Par les temps qui courent c’est une prouesse, mais il suffit d’un rien pour provoquer cette envie de découvrir. Une photo, une affiche, une rencontre avec un auteur de contes pour enfants suffit parfois pour provoquer le déclic

Une des mamans présentes a été catégorique : «On devrait venir voir ce qui se passe. Il faut que ça change. On ne prête aucune attention à nos enfants».

C’est tout dit !

Une maison des jeunes prête, mais fermée depuis 2015

Du côté de Jaâfar, route de Raoued, une maison des jeunes a été construite. Elle est prête depuis 2015. Mais aucune activité ne semble lui donner l’animation pour laquelle le contribuable a dépensé des centaines de millions.

Tout simplement parce qu’elle est encore fermée. A la veille de son inauguration, les équipements sanitaires et informatiques ont été… volés.

Depuis, on attend la bénédiction divine pour résoudre ce problème. Ni municipalité concernée, ni le ministère de la Jeunesse et des Sports n’ont bougé le petit doigt pour faciliter les choses et permettre à ces centaines de jeunes de trouver un point de ralliement.

Pour le moment, ces jeunes squattent les cafés, sont en attente d’un bon coup à faire. Les vols avec effraction se multiplient à Raoued, et le problème ne sera jamais résolu si le même désintéressement continue à régner.

«Il suffit, en attendant les longues procédures administratives, qu’on retrouve les coupables (ce qui est impossible maintenant), on nous donne les ordinateurs réformés du ministère ou de la municipalité pour démarrer. Nous sommes capables d’en faire quelque chose d’utile. Quant à la municipalité, si elle le voulait, elle pourrait résoudre les problèmes du bloc sanitaire, en un clin d’œil. Mais il faut le vouloir et comprendre que ces installations dépérissent depuis 2015», a lâché un jeune qui se trouvait dans les parages.

Pour terminer : combien d’installations en Tunisie sont dans le même cas, alors qu’enfants et jeunes sont dans la rue, proies de tous ceux qui en font des bras armés pour la mauvaise cause ?

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