• Quel enseignement ou conclusion est-on en droit de tirer de la décision de Rached Ghannouchi et des membres du Parlement dissous de tenir prochainement de nouvelles sessions parlementaires virtuelles ?
• Quelle symbolique Rached Ghannouchi cherche-t-il à imprimer à la marche de protestation qu’il envisage d’organiser le samedi 9 avril, jour de la fête des Martyrs ?
• Le président d’Ennahdha a-t-il le droit de parler au nom de tous les partis de l’opposition en prétendant qu’ils participeront à la manifestation du 9 avril ?
Au moment où le Président de la République, Kaïs Saïed, a choisi la voie de l’apaisement en écoutant les approches des organisations nationales sur le tant attendu dialogue national, que les contours de ce même dialogue commencent à prendre forme (voir La Presse du mardi 6 avril) et que le Chef de l’Etat affirme que l’Instance supérieure indépendante des élections (Isie) supervisera les prochaines législatives anticipées prévues le 17 décembre prochain et le référendum programmé pour le 25 juillet 2022, mettant fin, ainsi, à une polémique qui n’a que trop duré sur la préservation ou la dissolution de l’Isie, voilà que Rached Ghannouchi, président d’Ennahdha, opte pour l’escalade et se considère toujours comme le président du Parlement bien que ce dernier ait été dissous en vertu de l’article 72 de la Constitution par le Président de la République.
En effet, dans une interview qu’il vient d’accorder à l’agence de presse allemande DPA, Ghannouchi parle encore au nom du Parlement dissous et annonce que «les sessions virtuelles du Parlement se poursuivront».
Il ajoute également: «Une marche de protestation contre les décisions du Président Kaïs Saïed se tiendra le samedi 9 avril».
Le choix de la date de la journée du 9 avril et du boulevard du 9-Avril 1938 où se déroulera la manifestation est symbolique à plus d’un titre, dans la mesure où la journée de samedi prochain correspond avec le 84e anniversaire de la fête des Martyrs intervenue précisément le 9 avril 1938, jour où les Tunisiens ont payé de leur sang et plusieurs sont tombés en martyrs sous les balles des soldats du colonisateur français, leur crime étant qu’ils réclamaient, au prix de leur vie, un Parlement tunisien.
La symbolique du 9 avril 1938 étant choisie par Rached Ghannouchi délibérément dans l’objectif de montrer que le Parlement dissous par le Président Kaïs Saïed «est toujours fonctionnel et qu’aucun texte dans la Constitution n’autorise le président à le dissoudre», précise-t-il à l’agence de presse allemande.
Il précise textuellement: «Les députés rejettent la décision de geler et de dissoudre le Parlement. Ils continueront à résister à ces décisions, à commencer par une marche de protestation au boulevard du 9-Avril 1938 à l’occasion de la commémoration de la fête des Martyrs, marche à laquelle participera la majorité des partis de l’opposition».
Et les questions de fuser du côté des observateurs et des analystes politiques: que peuvent cacher la persistance et l’entêtement de Rached Ghannouchi, de son parti et des partis qui gravitent autour de l’orbite islamiste à l’égard des positions du Président de la République qui vient de faire montre de sa disposition à accepter l’organisation d’un dialogue national sur la base des conclusions issues de la consultation électronique nationale ?
Interrogations légitimes
Et si on pousse un peu l’analyse sans tomber dans les supputations et les pronostics les plus hasardeux comme ceux d’avoir reçu du côté d’Ennahdha le feu vert de la part de certaines parties étrangères pour semer la pagaille dans la rue et répandre la violence, l’on est en droit de se demander si les nahdhaouis et les forces qui soutiennent leurs approches, dont en premier lieu le «mouvement citoyen contre le coup d’Etat», sont toujours convaincus que les Tunisiens vont les suivre pour «défendre, comme ils le prétendent, la démocratie, le Parlement et la Constitution».
Encore une interrogation: considèrent-ils qu’ils jouissent toujours d’une certaines crédibilité quand ils crient et répètent à qui veut les entendre que leurs objectifs se limitent à la préservation «de la démocratie, du Parlement et de la Constitution» et à la défense des libertés privées et publiques.
Enfin, qui croire : Ghannouchi quand il s’adresse à la presse étrangère annonçant que la marche de protestation aura lieu le samedi 9 avril 2022 au boulevard du 9-Avril 1938 ou le communiqué, diffusé hier par le parti Ennahdha informant que la manifestation en question sera organisée le dimanche 10 avril, à 11h00, devant le théâtre municipal de Tunis ?