Au-delà du divertissement, de l’aspect nostalgique et «Memories» qui est devenu tendance ces dernières années, au-delà de l’hommage aux artistes tunisiens, à une longue et prolifique histoire de la fiction télévisuelle tunisienne, cette soirée, qui a enchanté tout le monde, soulève une problématique de fond : la question des droits d’auteur en est le cœur.
Nous sommes un peuple nostalgique, qui vit dans son passé et le glorifie. Cela n’est pas forcément une mauvaise chose. Mais quand nous nous plaçons dans le domaine de la création artistique, nous sommes de plain-pied dans le confort de l’acquis, dans le luxe de la bonne recette qui marche et dans la séduction calculée et bien visée.
La soirée inaugurale de «Ramadan à la cité» organisée par le Théâtre de l’Opéra et l’Orchestre de l’Opéra de Tunis, sous la direction de Rassem Dammak, baigne dans cette atmosphère et bénéficie de ce capital sympathique que nous avons tous.
Le programme est réfléchi et conçu comme un voyage dans le temps à travers les musiques, compositions et génériques de feuilletons télévisés, essentiellement ramadanesques qui ont bercé notre jeunesse et qui, grâce aux nombreuses et interminables rediffusions, sont devenues, au fil des années, un leitmotiv quasi quotidien.
Et même l’idée n’a rien d’inédit, elle reste néanmoins un bon divertissement et un pur moment de tendresse pour une soirée ramadanesque comme on l’aime sans trop d’effort pour conquérir le public. Face à ce public déjà conquis, un grand effort dans ce travail était ressenti et visible dans l’exécution. Pas moins de 150 membres entre musiciens, chœurs et chanteurs étaient impliqués corps et âme dans la réalisation de cette soirée diffusée en direct sur la Watanya 2. L’Orchestre symphonique de l’Opéra de Tunis, des membres de la Troupe nationale de musique, le chœur de l’Opéra de Tunis et la chorale d’enfants de Sidi Sami étaient les forces vives de ce spectacle.
Et le voyage a commencé, par une immersion dans notre enfance la plus lointaine, histoire de faire fondre les cœurs et les âmes les plus résistants. Le générique de «Iftah Ya Semsem» qui a bercé notre enfance par les voix de la chorale d’enfants de Sidi Sami était une belle attaque. Le public était déjà dans le mood, tout le reste a suivi avec fluidité.
Hammadi Ben Othmane, Tahar Guizani, Abdelhakim Bel Gaïed, Mondher Dimassi, Kaïes Melliti, Riadh Fehri, Mahdi Moualhi et Même Balti et Janjoun sont tous des identités musicales qui ont souligné des œuvres marquantes de notre production fictionnelle à travers les temps.
Devant nos yeux, sur grand écran, défilent aussi des images et des extraits des feuilletons que nous avons appris par cœur : Eddouar, Ghada, Ambar ellil, pour les yeux de Catherine, Khottab Al Bab, Choufli Hall, Ellyali El Bidh, Layam, Maktoub, El harka, Bolice… Une longue liste d’œuvres signées par les plus illustres des réalisateurs tunisiens. Sur ce même écran, on n’a pas omis de mentionner les auteurs et les paroliers, un hommage aussi à ces artistes de l’ombre compositeurs et arrangeurs qui mettent leur création au service de l’image.
Les voix étaient, aussi, un beau choix : Mohamed Ali Chebil, Ahmed Rebaï et Najet Ounis. Et leur prestation était attachante. Reste que le clou de la soirée fut avec Janjoun et son titre phare du feuilleton El Foundou, le succès public du feuilleton il le doit aussi en grande partie à cette chanson-là que le public a accompagnée avec les lumières et en chant tous en chœur. Au-delà du divertissement, de l’aspect nostalgique et «Memories» qui est devenu tendance ces dernières années, au-delà de l’hommage aux artistes tunisiens, à une longue et prolifique histoire de la fiction télévisuelle tunisienne, cette soirée, qui a enchanté tout le monde, soulève une problématique de fond.
La question des droits d’auteur en est au centre. Nous avons remarqué l’absence dans ce programme des œuvres et des musiques d’un des plus productifs compositeurs, à savoir Rabii Zammouri, qui, croyant le savoir, a refusé d’autoriser l’utilisation de ses œuvres dans ce concert. La question des droits d’auteur est d’autant plus brûlante quand il s’agit d’innombrables rediffusions des œuvres, et la possibilité d’exploitation diverse des musiques. Rabii Zammouri est, certes, libre de ne pas céder ses droits pour un concert et autres produits dérivés, ses collègues ont fait un choix différent. Sans condamner le choix des uns et des autres, profitons plutôt de cette occasion pour approfondir le débat et l’élargir… Tout le monde en sortira gagnant.