Accueil Economie Meriem Ben Boubaker, directrice du contrôle de gestion et Vice-présidente chez L’Association tunisienne des contrôleurs de gestion et des responsables financiers à La Presse : «L’agilité, la flexibilité et la digitalisation, les clés du succès pour toutes les entreprises»

Meriem Ben Boubaker, directrice du contrôle de gestion et Vice-présidente chez L’Association tunisienne des contrôleurs de gestion et des responsables financiers à La Presse : «L’agilité, la flexibilité et la digitalisation, les clés du succès pour toutes les entreprises»

«Les conflits d’intérêts surviennent généralement lorsque certains facteurs de risque entrent en jeu, les causes peuvent être différentes», assure Meriem Ben Boubaker, directrice du contrôle de gestion dans une grande entreprise publique tunisienne. Elle a plus de 20 ans d’expertise dans le domaine du management de la performance, le management des systèmes d’information et la responsabilité sociétale des entreprises. Interview.


Parlez-nous de votre parcours professionnel ?

J’ai à mon actif plus de 20 ans d’expertise dans le domaine du management de la performance, le management des systèmes d’information et la responsabilité sociétale des entreprises. Je suis actuellement directrice du contrôle de gestion dans une grande entreprise publique tunisienne. J’ai, également, occupé plusieurs postes de responsabilité en tant que chargée de mission au sein d’un cabinet ministériel.

Passionnée par la transmission des bonnes pratiques et attentive à la progression personnelle et professionnelle, je suis également coach et formatrice en management de la performance, gestion de projet, création de processus organisationnels, responsabilité sociétale des entreprises et communication. J’ai, aussi, un intérêt particulier pour le terrain et par le contact direct et transversal. J’ai eu l’opportunité de participer à plusieurs actions à enjeux humain et économique, d’où mon intérêt pour la société civile.

En effet, j’ai occupé plusieurs postes de responsabilité au sein de l’Association tunisienne des contrôleurs de gestion et des responsables financiers «Cogeref», dont je suis la vice-présidente aujourd’hui. Je suis également la vice-présidente de l’association «Mizen» pour l’égalité des chances et la gouvernance, et présidente de la fondation «Essalem», dont l’objectif est d’aider les jeunes de différentes régions dans leur intégration au marché du travail et l’autonomisation des femmes artisanes.

Quelle est la situation actuelle de l’entreprise en Tunisie ?

Les entreprises évoluent aujourd’hui, dans un monde dit «incertain» où les «changements de paradigme» sont devenus si banals que nous pourrions dire que «changer est la nouvelle stabilité». Elles doivent, par conséquent, faire de l’incertitude une donnée de l’environnement et l’inclure dans un processus de planification qui laisse une large place à l’imprévu … (Covid-19, crise politique, crise mondiale…). Dans un contexte de mutation profonde et rapide, les entreprises, qui évoluent dans un environnement concurrentiel fort et en évolution permanente, doivent régulièrement challenger leurs modèles économiques, afin qu’elles puissent perdurer. Aujourd’hui, tout bouge en même temps : contexte économique et sociétal, progrès technologiques, nouvelles manières de travailler, nouvelles règles…Une synthèse de grands facteurs qui fait de l’agilité, de la flexibilité et de la digitalisation, les facteurs-clés de succès des entreprises.

Qu’est-ce que la gestion des conflits d’intérêts ?

La loi n° 2018-46 du 1er août 2018, relative à la déclaration de patrimoine et d’intérêts, et à la lutte contre l’enrichissement illicite et les conflits d’intérêts, définit le conflit d’intérêts comme étant «la situation dans laquelle la personne, régie par la présente loi, possède à titre privé des intérêts directs ou indirects qu’elle se procure pour elle-même ou pour autrui et qui influent ou sont susceptibles d’influer sur l’exécution objective, intègre et impartiale de ses obligations professionnelles». A l’identique, l’Organisation de coopération et de développement économique (Ocde) définit le conflit d’intérêts comme «une situation dans laquelle un agent public a un intérêt personnel de nature à influer ou paraître influer sur l’exercice impartial et objectif de ses fonctions».

Malheureusement, les seules définitions juridiques existantes concernent le secteur public. Aucun texte juridique ne définit le conflit entre intérêts privés susceptibles d’exposer à un risque de corruption l’activité d’une entreprise. Il est donc pertinent de considérer un conflit d’intérêts toute situation d’interférence entre la fonction exercée au sein d’une entreprise et un intérêt personnel, de sorte que cette situation puisse influencer les choix et la manière dont on exerce ses fonctions et  remettre en cause la neutralité avec laquelle la personne doit accomplir la mission qui lui a été confiée à cause de ses intérêts personnels.

Pouvez-vous nous donner des cas concrets de conflits d’intérêts dans des entreprises ayant dégénéré, en vous inspirant d’exemples tunisiens ou internationaux ?

Les conflits d’intérêts sont potentiellement partout ; l’actualité médiatique dans différents pays en témoigne. A titre d’exemple,  la banque américaine JP Morgan en Chine  a été condamnée à verser 300 millions de dollars aux Etats-Unis pour solder des accusations de corruption en Chine, suite aux recrutements de proches d’officiels publics chinois en échange de promesses d’activité future.

Le garde des Sceaux, Eric Dupond-Moretti, a été mis en examen pour des soupçons de conflits d’intérêts, car on lui reprochait d’avoir profité de sa fonction de ministre pour régler ses comptes avec des magistrats.

Quels sont les facteurs déclencheurs de ces conflits d’intérêts ?

Les conflits d’intérêts surviennent généralement lorsque certains facteurs de risque entrent en jeu, les causes peuvent être différentes. Un conflit peut, par exemple, être dû à un problème de rattachement organisationnel, cela peut être le cas pour la fonction d’audit interne si elle est rattachée à des fonctions qu’elle est censée contrôler, comme la direction financière par exemple. Cela peut également concerner un responsable du budget d’une entreprise qui aurait accepté les cadeaux et les invitations d’un fournisseur souhaitant s’assurer qu’il sera dans le prochain appel d’offres, voire de l’emporter. Des mesures et des politiques de prévention des conflits d’intérêts sont souvent mises en place : séparation des pouvoirs, refus d’une mission s’il y a des risques de conflit pour un expert, déclaration de la situation patrimoniale à l’Inlucc par exemple…

La gestion des conflits favorise-t-elle l’augmentation de la productivité de l’équipe du travail ?

Les situations de conflits d’intérêts sont multiples et peuvent être lourdes de conséquences pour l’entreprise et son personnel : dirigeants, salariés, partenaires…, aussi bien en ce qui concerne l’aspect commercial que financier ou même pénal. Ces situations finissent souvent par ternir la réputation et l’image de l’entreprise.

Par conséquent, la mise en place d’un dispositif de prévention et de gestion des conflits d’intérêts permet d’anticiper et de maîtriser les risques qu’elles peuvent générer.

L’entreprise doit œuvrer à se donner les moyens de détecter les situations à risque, en instaurant un climat favorable à la révélation des conflits d’intérêts, par exemple, à travers des actions de formation et de sensibilisation sur le sujet ou par la mise en place de mesures encourageant les salariés à déclarer les situations de conflit d’intérêts.Ces mesures peuvent stimuler une culture collaborative, l’adhésion des équipes et, par conséquent, minimiser les risques de corruption et augmenter la performance globale de l’entreprise.

Quels sont les enjeux auxquels doivent faire face les entreprises tunisiennes durant les années à venir ?

Ce qui me semble intéressant, c’est d’essayer de comprendre pourquoi la notion de conflit d’intérêts occupe, à l’heure actuelle, une place de plus en plus importante dans les débats.

Aujourd’hui, les entreprises évoluent dans un monde concurrentiel, en évolution permanente, d’où l’accroissement des défis de la gouvernance en vue de la maîtrise du champ d’interactions entre ces entreprises et les différentes parties prenantes. L’objectif étant, entre autres, de surmonter les conflits d’intérêts émergents qui peuvent, en cas d’absence de modes de gouvernance pertinents, menacer la performance des entreprises et, par conséquent, et à grande échelle, menacer le tissu économique.

L’une des causes les plus importantes à mon avis des conflits d’intérêts est l’absence de valeurs morales et la faible contribution des entreprises dans le développement d’une culture interne permettant de se prémunir contre les risques financiers, mais également contre les conséquences sociales graves. Il est donc primordial aujourd’hui de recenser les problèmes conceptuels et même réglementaires qui existent autour du traitement de l’interaction entre la sphère publique et la sphère privée de la société, mais également entre l’entreprise et ses différents partenaires, afin de mettre en œuvre des mesures de remédiation proportionnées à la gravité du risque induit par les situations en cause des conflits d’intérêts.

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