Par Ridha ZAHROUNI*
En tant que qu’acteur lambda de la communauté associative, président de l’Association tunisienne des parents et des élèves, et toujours convaincu que l’école en général, et l’école publique en particulier, représente la pierre angulaire de l’évolution des sociétés et la révolution des mentalités, je me suis investi depuis plus de six années pour défendre les droits de nos enfants à une école de qualité, garantissant les fondements essentiels de la justice sociale et principal moteur de développement du pays dans tous les domaines.
Néanmoins, et depuis ma retraite de l’armée, la politique m’a toujours intéressé en termes de réflexions, d’avis, de positions et de suggestions, car, il faut l’avouer, tout est affaire de politique, y compris l’éducation. Et la politique ne devrait être la chasse gardée de personne. Un des sujets à portées sociale et économique qui a souvent fait l’objet de débats passionnés et animé des discussions sensées dans des lieux publics ou sur les réseaux sociaux auxquels j’ai participé, est le fameux dossier de la compensation. Rappelons tout d’abord que dans le budget de l’Etat pour 2022, les dépenses de compensation ont été fixées à 7.262 MD, soit une augmentation de 1 235 MD. Ces dépenses sont réparties entre les subventions des produits de base (3.771 MD, des hydrocarbures (2.891 MD) et du transport (600 MD) (La Presse du 28 décembre 2021).
Prenons ce montant dans sa globalité et calculons la part de cette compensation qui revient à chaque tunisien, soit, grosso modo, 12 millions d’individus pour lesquels l’Etat réserverait à chacun un budget annuel de 605 dinars, soit 50 dinars par mois et par individu. Mais là où le bas blesse et où l’incompétence des décideurs pour ne pas dire absence d’esprit de responsabilité et de courage fait à la fois foi et loi, c’est que tous parlent des méfaits de cette compensation sur l’efficacité économique du pays, tous souhaitent l’orienter vers ceux qui en ont réellement besoin, alors qu’ils ignorent ou font semblant d’ignorer que sur ce montant de 50 dinars de compensation réservée pour chaque Tunisien et chaque mois, plusieurs individus se servent sans qu’ils soient dans le besoin. Je vais me limiter à ne citer que les Tunisiens aisés, les étrangers qui viennent chez nous quel que soit le motif, plusieurs commerces dont les pâtisseries, les hôtels, les restaurants, les cafés et également des industries.
Et comme le sujet de compensation semble être tabou et fait peur à tout le monde, notamment à cause des éventuelles réactions des organisations syndicales, tous les gouvernants qui se sont succédé à la tête de notre pays ont tourné le dos à cette réalité catastrophique, ou ils ont fait la sourde oreille. Or, la solution pour orienter la compensation vers ceux qui ont besoin est très facile à mettre en œuvre outre qu’elle est intelligente et juste. Il suffit d’appliquer les prix réels, tout en créant les mécanismes appropriés et l’organisation adéquate pour permettre, dans un premier temps, à tout Tunisien faisant partie des structures familiales de notre société et sans exclusion aucune, de solliciter cette compensation à titre individuel pour les adultes qui vivent seuls et pour les familles ayant des enfants à charge, moyennant une déclaration avérée et la fourniture d’un numéro de compte courant bancaire ou postal ou une adresse pour recevoir un mandat mensuel, comme pour le cas des retraites. Une personne qui vit seule toucherait aujourd’hui 50 dinars par mois à titre de compensation contre 200 dinars pour une famille de 4 personnes, un montant qui serait réévalué en tenant compte de la dégradation du pouvoir d’achat à cause de l’inflation ou de la flambée des prix.
Que pouvons-nous réellement gagner de l’application d’une telle procédure? Les Tunisiens aisés, par orgueil ou par sens de responsabilité, tous les étrangers automatiquement exclus et beaucoup de commerces et d’industries ne pourraient plus profiter des défaillances du système, une population dont l’effectif est loin d’être négligeable. En outre, l’Etat se verrait faire d’énormes économies au niveau de l’importation des produits de première nécessité tels que les céréales et le pétrole, donc un besoin moindre au niveau des devises. Effectivement, le Tunisien qui aura le pressentiment de payer une baguette à 400 millimes au lieu de 200 millimes, comme c’est le cas aujourd’hui, ne jetterait aucune de ses miettes dans la poubelle ou à manger par les poules ou les vaches. Ce même Tunisien fera plus attention quand il utilise sa voiture pour se déplacer ou quand il fait usage de l’électricité pour éclairer sa maison, car il va voir sa facture monter d’une façon vertigineuse et il serait plutôt tenté par les économies qu’il pourrait réaliser qui seraient conséquentes et substantielles.
Et si l’Etat devient réellement compétente et responsable en s’investissant pour améliorer les conditions de vie du Tunisien et de son pourvoir d’achat en mettant en œuvre les politiques et les stratégies appropriées pour accroître la création des richesses, en assurer la juste répartition et en combattant le chômage, je pense que la bataille contre la compensation serait largement gagnée.
R.Z.
*Président de l’Association des parents et élèves