Malgré une actualité nationale et internationale brûlante, une affaire a réussi à défrayer la chronique, celle du dénommé Belgacem. Dans les médias officiels, les débats publics, comme sur les réseaux sociaux, celle-ci est devenue tendance.
Mais, parce qu’il y a un mais, si l’on faisait un sondage, on constaterait que le fameux Belgacem est déjà considéré comme coupable par l’écrasante majorité des Tunisiens, ou quasiment la totalité. Belgacem, c’est cet homme accusé d’être «charlatan, imposteur doublé de prédateur» qui s’est fait passer pour un guérisseur capable de soigner les maux tels que l’infertilité ou encore de retrouver l’amour ou le mari. Selon l’opinion dominante, il a abusé de 900 femmes sous prétexte de spiritisme et de pratiques magiques.
Cependant, l’individu en question qui a été livré à la vindicte populaire, dont la photo fait le tour du Web, qui est traité également d’escroc par des médias, n’a écopé d’aucune condamnation judiciaire concernant cette affaire.
Jusqu’à preuve du contraire, il est donc présumé innocent. Et même s’il était accusé par un tribunal, il restera présumé innocent tant qu’il n’est pas condamné. C’est une question élémentaire qui relève du droit des gens. Après interpellation, la procédure prévoit une éventuelle garde à vue. Ensuite, une enquête préliminaire le cas échéant. Désignation éventuelle d’un juge d’instruction. Et, au bout du compte, une inculpation ou pas, des poursuites ou pas. En cas de poursuites, il y a un procès et ce n’est qu’au bout d’une condamnation que l’on pourra le juger coupable. En théorie, le droit prévoit plusieurs degrés de juridictions, avec possibilités d’appel et de cassation. C’est dire que Belgacem est actuellement simplement un accusé.
Et si jamais il est déféré devant un tribunal, se posera le problème de la qualification: on sait ce qu’il a fait, mais le juge l’accusera-t-il de viol ? D’imposture? De charlatanisme ? De débauche ? Les juristes suivront cet aspect avec intérêt.
Ce principe n’est pas valable uniquement dans le cas de Belgacem. Il l’est dans tous les cas de mise en accusation. Supposons, simple exemple, que l’on désigne une usine comme étant coupable de stockage illicite et de spéculation. Ceci devant les caméras de télévision. Ou des responsables politiques comme étant corrompus. Ou l’ensemble de la classe politique. Ou un animateur de télévision. Tant qu’il n’y a pas de procédure judiciaire indépendante, fonctionnant dans le respect des textes, personne ne peut être condamné sur la place publique. Ainsi le veuvent l’approche démocratique ainsi que l’approche universelle.