Aujourd’hui et plus que jamais, on doit accéder à de nouveaux marchés prometteurs, en particulier le marché américain. Un accord avec les USA peut contribuer au bout de trois ans à créer entre 15.000 et 25.000 nouveaux emplois, surtout que nous maîtrisons les produits sollicités par le consommateur américain.
Les années 2020 et 2021 ont été marquées par une crise sanitaire d’une ampleur inédite. Quel bilan peut-on dresser du secteur du textile-habillement en Tunisie ? Quelles sont les difficultés rencontrées jusqu’à aujourd’hui ?
Le secteur textile est composé d’environ 1.600 entreprises employant plus de 160.000 personnes. Selon les indicateurs, ce secteur demeure stratégique pour l’économie nationale, surtout au niveau des exportations vers le marché européen. Malgré toutes les secousses économiques et sociales rencontrées au cours de la dernière décennie, le secteur textile et habillement a toujours réussi à les confronter et à se repositionner à l’échelle internationale, en enregistrant toutefois des répercussions de taille. La pandémie Covid-19, en l’occurrence, a causé la fermeture de plus de 200 entreprises et la perte d’environ 9.000 emplois, sans oublier les entreprises locales qui souffrent encore et s’attendent à un vrai plan de sauvetage, puisqu’elles sont en majorité des PME n’ayant pas les moyens financiers nécessaires pour faire face à ce genre de crises et se sentent délaissées par l’Etat, qui devrait être le protecteur contre la contrebande et les importations sauvages des produits textiles.
Quel regard portez-vous sur le secteur textile aujourd’hui ? D’après vous, quels sont les défis à relever en matière d’industrie textile ?
Le site tunisien demeure fortement sollicité par les donneurs d’ordre qui reconnaissent notre savoir-faire et notre potentiel technique leur permettant d’avoir des produits compétitifs de qualité et à haute valeur ajoutée dans les meilleurs délais. Cependant, le secteur ne cesse de faire face à des difficultés et des blocages administratifs et législatifs qui ralentissent sa croissance et démotivent les industriels à investir davantage : lourdeur des procédures, incompétence de certains décideurs, certains textes contradictoires à l’investissement (décret 389 de l’année 2017), bref tout un système qui doit être mis à niveau pour servir un secteur qui semble ne plus être stratégique pour notre Etat avec lequel nous avons déjà signé un premier pacte de compétitivité qui tarde à être mis en œuvre depuis 2019.
Quelle est l’importance de la formation et de la formation continue pour le secteur du textile ?
Un autre problème fondamental et contraignant le secteur, c’est la nécessité de développer notre système de formation professionnelle pour qu’il puisse répondre aux besoins du secteur qui souffre déjà d’une pénurie de la main-d’œuvre qualifiée, surtout dans les régions côtières. Uniquement les grandes entreprises peuvent programmer, appuyer ou financer des sessions de formation.
L’industrie du textile est appelée à répondre à des critères-clients qui changent continuellement en fonction de la mode et des tendances des marchés, alors que notre système de formation professionnelle est encore focalisé sur des programmes anciens, en majorité pour le Middle Management (techniciens BTP et BTS). Malheureusement, nos centres de formation professionnelle et même nos universités, offrant la spécialité textile ou habillement, demeurent la voie des jeunes ayant raté leurs études.
Quelles sont les actions et les mesures à entreprendre pour être à la hauteur des attentes du marché national et au niveau international ?
Aujourd’hui, et plus que jamais, on doit accéder à de nouveaux marchés prometteurs, en particulier le marché américain. Un accord avec les USA peut contribuer au bout de trois ans à créer entre 15.000 et 25.000 nouveaux emplois, surtout que nous maîtrisons les produits sollicités par le consommateur américain. C’est le challenge des pouvoirs publics et de la diplomatie économique dont on a besoin. Le rêve est toujours permis et nous avons toujours besoin du soutien de l’Etat pour faire avancer ce dossier qui traîne depuis des années.
Selon vous, comment peut-on avoir un produit tunisien compétitif ?
Les chiffres avancés plus haut montrent que, techniquement et qualitativement, le produit tunisien demeure compétitif, même pendant les deux ans de la pandémie, où l’industrie tunisienne du textile a fait preuve de résilience face aux chocs internes et externes. Cependant, le système administratif et législatif n’a pas encore réagi et répondu aux besoins du secteur. Le secteur a besoin aujourd’hui d’un véritable partenariat public-privé (PPP) qui doit être conclu et exécuté, surtout que le cadre juridique existe et le pacte de compétitivité qui attend le financement peut constituer le cadre adéquat d’une stratégie nationale pour la prochaine décennie.Le secteur souffre également de la montée considérable des coûts de la main-d’œuvre et de l’énergie, sans pour autant offrir aux industriels des alternatives et des incitations leur permettant d’absorber et compenser une partie de ces augmentations des charges. Pire, comment peut-on rester compétitifs si l’Etat ne respecte même pas ses engagements, tels que l’annulation avant terme d’un avantage fiscal obtenu pour dix ans faisant affaiblir directement la compétitivité de l’entreprise.