Charybde et Scylla sont deux monstres marins de la mythologie grecque, censés être situés de part et d’autre d’un détroit identifié comme étant celui de Messine. En mer Méditerranée, le détroit de Messine sépare, à ce jour, la péninsule italienne de l’île de Sicile. Les courants y sont violents par certains endroits. D’où la légende à l’origine de l’expression «tomber de Charybde en Scylla», qui signifie aller de mal en pis.
Il n’est pas meilleure formule, à notre modeste avis, qui puisse définir l’état actuel des Tunisiens. Depuis qu’ils ont commencé à espérer et agir pour voir leur vie changer, une désillusion suit l’autre. Traversant les épreuves plus d’un demi-siècle durant, leurs affaires ne sont pas près de s’arranger.
Le coup d’Etat de Ben Ali, le 7 novembre 1987, représentait le commencement d’un long chemin de croix qui se prolonge à ce jour. Pour remonter encore plus loin dans le temps, et sans omettre les réalisations du père de la nation, Bourguiba, la faute originelle du grand homme était d’avoir décrété la présidence à vie. Sa vieillesse tardive, la déliquescence de l’Etat et l’ambiance de fin de règne qui prévalaient alors avaient aiguisé les appétits. Plusieurs clans se voyaient à la tête de la Tunisie. Ils se déchiraient pendant que le pays tanguait, sombrant chaque jour un peu plus dans l’abîme. Survient alors Ben Ali, un général sans culture, qui a tenu le pays d’une main de fer, fait le vide autour de lui, écarté brutalement ses opposants et distribué sans compter des contrats juteux et des biens publics et privés à ses gendres et à sa famille nombreuse. La suite on la connaît.
Avec la révolution, le 14 janvier 2011, les Tunisiens ont cru jouer, cette fois-ci, la bonne carte. La démocratie devra générer la relance économique, la prospérité et la justice sociale. Balivernes !La décennie qui vient de péniblement se consumer est marquée, au mieux, par l’amateurisme, au pire par la trahison de la nation.
Aujourd’hui, le pays est de nouveau à un tournant décisif. Or, déçus durablement par leurs gouvernants quelles qu’en soient les obédiences politiques, il semblerait que les Tunisiens, tous âges confondus, soient fatigués de croire en un avenir meilleur. En revanche, ils ont peur.