Par Samira GHANNOUCHI*
L e 17 mai 2022, juste avant 7h30, j’écoutais un journaliste au micro d’une radio tunisienne parler des Conseils municipaux. Il affirmait que l’élection de ces conseils était une véritable imposture. Pour lui, ce sont les parties politiques qui ont la mainmise sur les municipalités et non les conseillers qui sont véritablement mus par le devoir de servir leurs villes respectives ainsi que leurs concitoyens.
Personne ne peut nier que de tels dépassements ou déviances existent partout: dans les syndicats, dans les partis politiques, dans les équipes sportives, dans les corporations, dans les associations, dans les ONG, dans les conseils publics, etc,… Quand elles sont mineures, ces déviances ne peuvent avoir d’impact dramatique et peuvent être corrigées facilement. Mais, quand elles sont majeures, ces déviances peuvent aboutir à l’annihilation de certaines structures dont l’existence est vitale pour l’édification d’une société démocratique équilibrée.
Toutes ces structures sont régies par des lois qui garantissent les droits fondamentaux et qui respectent tous les principes de liberté, d’égalité, de transparence, de cohésion et de pluralité tels qu’ils sont définis par les conventions internationales ratifiées par la République Tunisienne.
Malheureusement, dans un grand nombre de structures, ces principes sont ignorés totalement. Je voudrais parler des principes qui stipulent que tous les membres d’une structure ont les mêmes droits et les mêmes devoirs, qu’ils ont tous droit à l’information, qu’ils ne doivent absolument pas être victimes d’ostracisme, et qu’ils doivent bénéficier d’un management compétent et performant. Hélas, la réalité est toute autre.
Tout d’abord, immédiatement après l’élection du représentant de la structure ou du groupe, celui-ci (celle-ci) s’entoure d’un certain nombre de béni oui-oui qui lui obéissent au doigt et à l’œil. Puis, avec le temps, les membres qui se trouvent en dehors du cercle des favoris sont complètement ostracisés et ressemblent beaucoup plus à des hommes de paille, contraints juste à faire acte de présence lors des réunions périodiques et même lors des assemblées générales. Pis encore, ces représentants s’arrogent le droit d’accaparer toutes les fonctions et font de l’institution un vadémécum de pratiques manipulatoires. On aboutit finalement à une attitude ignorant l’égalité de tous et établissant une hiérarchie composée de maîtres et de subordonnés.
Quant à la transparence exigée par la loi, elle est remplacée par un blackout total. Au lieu de communiquer l’information comme le ferait un bon manager, les responsables élus (es) occultent les programmes, limitent les initiatives personnelles, planifient, à leur guise, des événements, qui parfois s’avèrent contre-productifs, car totalement improvisés et sans consultation préalable. Ils (elles) oublient que la communication, surtout avec les moyens modernes, est susceptible d’améliorer le travail du groupe et de l’aider à atteindre ses objectifs. Mieux encore, la transparence favorise la réactivité positive, la transversalité et la synergie des compétences qui mènent toutes, et sans équivoque, à la réalisation de projets d’envergure.
Par ailleurs, l’absence d’égalité et de transparence va indubitablement détruire la cohésion du groupe. La vieille attitude que les responsables n’ont de cesse de pérenniser et qui consiste à considérer une structure, quelle qu’elle soit, propriété privée, où les intérêts personnels passent avant l’intérêt général, contribue à nourrir des sentiments négatifs où confiance et solidarité deviennent principes inatteignables. Les liens s’effritent, les bénévoles désertent, la dislocation et la disparition de ces entités deviennent inéluctables.
En outre, le mode de management des responsables élus (es) est tombé en désuétude depuis belle lurette. Ils (elles) sont toujours attachés (es) au type de management directif. Ils (elles) s’installent au sommet de la pyramide, surveillent tout, contrôlent tout et se croient sortis (es) de la cuisse de Jupiter, favorisant la discrimination et faisant la sourde oreille à toute critique constructive.
Tout cela ne peut contribuer qu’à la disparition de ces acquis dont les retombées bénéfiques sur les pathologies sociales sont innombrables.
Que faire ?
Il est impératif d’expliquer à ces responsables qu’ils (elles) sont là pour asseoir et consolider les valeurs universelles, faire prévaloir les principes d’égalité, de transparence et de cohésion. Ils doivent comprendre que les structures qu’ils (elles) président constituent un relais de l’action publique, que tout dépassement maintiendrait la société toute entière dans un état léthargique incommensurable. Ils doivent finalement comprendre que l’ère des fonctions à vie est révolue et que s’ils (elles) ne sont pas à la hauteur de leurs fonctions, ils doivent les déléguer à des managers dignes de ce nom.
S.G.
* Professeure d’anglais à la retraite