Accueil A la une Kairouan : Suicide et migration, deux fléaux inquiétants

Kairouan : Suicide et migration, deux fléaux inquiétants

Les difficultés familiales et sociales, le manque d’encadrement psychologique, la consommation de stupéfiants, accessibles dans les milieux défavorisés, l’absence de valeurs morales, de liens solides et un champ politique anxiogène, tout cela génère des troubles psychologiques et des tentations suicidaires…

Dans la plupart des délégations et des villages du gouvernorat de Kairouan, on assiste de plus en plus au désœuvrement des jeunes, marqués par la marginalisation, la pauvreté, le chômage, l’ennui et les difficultés de la vie. Ce malaise général, aggravé par la cherté des produits de consommation et par la crise sociale, économique et politique, a créé un sentiment de mal-être chez les habitants. Beaucoup ont perdu espoir, le sens de la vie et du relationnel aussi.

Rappelons dans ce contexte que le gouvernorat connaît un taux élevé de décrochage scolaire et de chômage, dans la mesure où on compte un grand nombre de jeunes qui ont effectué une formation, mais qui n’ont pas trouvé un emploi. Car le nombre de postes est très limité au sein des 168 entreprises industrielles, dont 132 totalement exportatrices opérant dans les secteurs des industries de composants automobiles, ainsi que le secteur du cuir et chaussures. Ces entreprises fournissent uniquement 11.000 postes d’emploi dans un gouvernorat qui compte 700.000 habitants. C’est trop peu ! En outre, les difficultés familiales et sociales, le manque d’encadrement psychologique, la consommation de stupéfiants, accessibles dans les milieux défavorisés, l’absence de valeurs morales de liens solides et un champ politique anxiogène, tout cela génère des troubles psychologiques et des tentations suicidaires…

20 tentatives de suicide

Ainsi, rien qu’au mois d’août 2022, on a enregistré 9 cas de suicide de personnes de différents âges et 20 tentatives de suicide d’autres encore hospitalisés et laissant leurs proches dans le désarroi et n’arrivant pas à comprendre ces gestes désespérés qui vont encore augmenter leur misère et leur dégoût de la vie.

M. Badreddine Ben Saïd, chercheur en sociologie, nous explique que le phénomène du suicide touche surtout les personnes vulnérables qui n’arrivent pas à surmonter leurs pensées compulsives, leur situation socioéconomique lamentable et leur manque de confiance en soi. «En outre, le taux des écoles et des lycées où il existe des cellules d’écoute, est très faible et leurs activités sont en deçà des attentes. Rares sont les cellules qui font preuve de dynamisme en protégeant les adolescents contre la délinquance et le mal-être, et ce, en leur donnant l’occasion d’exprimer leurs problèmes personnels », souligne Ben Saïd. En fait, ajoute-t-il, le psychiatre est un aspirateur de détresse et de désespoir, ce qui permet de relativiser les situations les plus insurrectionnelles dans nos institutions éducatives gangrenées par la violence. « Et comme l’adolescence est une période de la vie extrêmement importante pour la construction de la personnalité, il ne faut pas qu’elle se fasse dans la douleur et la souffrance. Il est primordial que les adolescents trouvent un soutien continu et un accompagnement des parents et de l’institution éducative», recommande-t-il. D’où l’importance de la cohésion familiale dans cet accompagnement. Par le passé, les gens étaient pauvres, mais ne se suicidaient pas pour autant, car les liens sociaux et familiaux étaient très solides, ce qui permettait de franchir l’adolescence sans gros problèmes.

Ils ont péri en mer

Par ailleurs, on est dépassé non seulement par le fléau du suicide, mais aussi par le phénomène de la migration clandestine qui touche non seulement les chômeurs laissés-pour-compte et écrasés sous le fardeau des frustrations et de l’échec, mais aussi des familles entières, dont les membres sont parfois cultivés et ayant un boulot, mais qui n’ont pas confiance dans l’avenir de leur pays et qui ont peur de mourir un jour seuls et affamés. On peut citer, dans ce contexte, le décès de 7 individus, dont 2 frères originaires de Sidi Amor Bouhajla, et ce, dans le naufrage récent d’une embarcation au large de Chebba (gouvernorat de Mahdia).

Par ailleurs, dans pas mal de localités kairouanaises, beaucoup de familles souffrent de la soif, du manque d’alimentation, d’eau potable, d’électricité et de soins médicaux adéquats. On cite l’exemple d’une veuve âgée de 78 ans, vivant seule avec son unique fille handicapée à Hajeb El Ayoun et qui n’a été découverte morte en état de décomposition que le 30 août 2022 par les voisins suite à l’odeur nauséabonde qui se dégageait de son logis.

Or, un appel au secours pour la nécessité de soins médicaux urgents a été lancé il y a 4 ans par cette veuve, mais rien n’a été fait par les responsables qui se sont contentés de lui donner des couvertures et des matelas.

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