Ce qui se passe aujourd’hui, ce ne sont pas des faits divers isolés, et il est complètement inutile de tenter de jouer les pompiers en attendant le prochain drame. Ce qui se passe n’est que la conséquence naturelle d’une pression insoutenable exercée sur la jeunesse fragile de ce petit pays de la pointe de l’Afrique du Nord, à «quelques encablures» du monde civilisé.
La tragédie vécue par la ville de Mornag du gouvernorat de Ben Arous a secoué l’opinion publique. Comment un simple contrôle et une saisie de la marchandise d’un marchand ambulant tournent au drame et se terminent par un suicide du jeune homme qui, visiblement, n’en peut plus ?
Nous pouvons certes disserter longuement sur le fait que le suicide n’est pas un acte anodin qui ne peut en aucun cas être imputable uniquement à un seul incident. D’ailleurs, le ministère de l’Intérieur, promptement, beaucoup trop promptement, a affirmé que le jeune homme vivait une situation familiale difficile. Toujours est-il que le constat reste le même : une jeunesse complètement déboussolée, en perte de repères, en perte de confiance en l’avenir. Des jeunes qui pour la grande majorité étaient des enfants au moment de la révolution de 2011 et qui, depuis, ont vécu dans un environnement social, politique et économique anxiogène.
Echec du système éducatif, incapacité de l’Etat à amorcer une dynamique économique favorable à l’emploi, mais également incapacité de l’Etat à contenir la pauvreté, et à se maintenir dans son rôle d’Etat providence. Voilà le tableau dans son intégralité dans lequel évolue celui qui s’en est allé. Dans lequel évolue notre jeunesse en général. Diplômés ou pas, nos jeunes sont paumés et incapables d’appréhender sereinement l’avenir.
Ce qui se passe aujourd’hui, ce ne sont pas des faits divers isolés, et il est complètement inutile de tenter de jouer les pompiers en attendant le prochain drame. Ce qui se passe n’est que la conséquence naturelle d’une pression insoutenable exercée sur la jeunesse fragile de ce petit pays de la pointe de l’Afrique du Nord, à «quelques encablures» du monde civilisé. Lorsqu’on n’écoute que les chiffres et le tableau de bord financier de l’Etat, on tente de réduire systématiquement le son qui vient de la rue. C’est d’ailleurs le principal grief que portent les économistes dits «de gauche» contre les institutions financières, à l’instar de Fonds monétaire international (FMI). Même si la doctrine du FMI a changé depuis quelques années et intègre désormais dans sa littérature la nécessité de mettre en place un accompagnement social pour aller de paire avec les réformes économiques douloureuses, les dégâts seront forcément là. L’explosion sociale que risque d’engendrer le climat actuel, ce sera à nous de la gérer et d’en subir les conséquences. Les yeux rivés sur les équilibres financiers et les querelles de salon, nos responsables politiques ne lisent pas ce qu’écrivent les sociologues qui, depuis des années, n’arrêtent pas de tirer la sonnette d’alarme. Il est impératif aujourd’hui de tendre la main à ces milliers de jeunes désabusés, il est temps de sortir des bureaux et d’aller vers eux. Il faut que les responsables locaux, régionaux et centraux aillent dans les régions, sans filtre et accepter d’être interpellés par un gosse de 14 ans, qui dira, avec ses mots à lui, ce qui ne tourne pas rond.
Il est grand temps que la jeunesse de mon pays se fasse entendre, car celui qui ne s’exprime pas avec les mots s’exprimera par la violence, contre les autres, ou…contre soi-même.