Les stratégies qui ont été mises en place par la Sonede depuis sa création et qui consistaient à mobiliser et transférer les eaux de surface, mais également souterraines, ont atteint leurs limites. Pour contrecarrer le manque d’eau et le spectre de la soif, la Tunisie devrait désormais se tourner vers les ressources non conventionnelles.
Les conférences techniques qui ont émaillé la deuxième journée du Forum Afrique-France de la transition écologique et énergétique ont porté sur le thème de l’eau et l’assainissement. Des experts africains en eau et en assainissement ont fait part de leurs témoignages sur les démarches suivies respectivement dans leurs pays pour la mobilisation des ressources hydriques et le renforcement de l’accès à l’eau.
Renforcer l’utilisation des eaux épurées
Présents lors des débats, les représentants de la Société nationale d’exploitation et de distribution des eaux (Sonede) et de l’Office national de l’assainissement (Onas) ont, en somme, fait savoir que la Tunisie étant un pays qui souffre d’un manque cruel d’eau, doit trouver les solutions à même de résoudre cet enjeu majeur qu’est le stress hydrique. Dans ce contexte, Hassene Chatti, chef de département à l’Onas, a souligné que l’office, en adhérant à la stratégie nationale de mobilisation des ressources non conventionnelles, notamment à travers l’épuration des eaux usées, contribue aux efforts de lutte contre le stress hydrique. Il a précisé que l’Onas dispose de 124 stations d’épuration qui produisent 190 millions de m3, (soit l’équivalent de la capacité d’un barrage) dont 70 millions m3 sont réutilisées. Et d’ajouter que le recours à l’utilisation des eaux usées doit être, encore, renforcé, étant donné le manque croissant des ressources en eau. Pour ce faire, l’Onas s’est engagé dans plusieurs programmes qui visent à mettre à niveau les stations d’épuration, mais aussi à améliorer la qualité des eaux traitées afin de produire une eau de qualité conforme aux normes internationales, a-t-il-précisé. Chatti a expliqué que ces programmes nécessitent des financements importants qui peuvent être mobilisés grâce aux relations historiques avec les bailleurs de fonds dont jouit l’Onas, notamment avec l’AFD qui est un partenaire stratégique. Il a ajouté que l’assainissement est un secteur énergivore, raison pour laquelle l’Onas s’est penché sur des programmes de cogénération pour réduire la facture énergétique.
Il n’y a pas d’autres solutions que les ressources conventionnelles
De son côté, Abderraouf Nouisser, directeur général de Sonede international, a indiqué que les stratégies qui ont été mises en place par la société nationale depuis sa création et qui consistaient à mobiliser et transférer les eaux de surface mais également souterraines, ont atteint leurs limites. La Tunisie, qui compte 1.000 forages d’exploitation répartis sur tout le territoire ainsi que des barrages et des infrastructures de transfert d’eau du Nord vers les régions côtières, devrait désormais se tourner vers les ressources non conventionnelles, a-t-il expliqué. “La stratégie, qui consiste à mobiliser les ressources conventionnelles qui ne coûtent pas cher au niveau de la production, a atteint ses limites surtout que notre pays gère une pénurie hydrique. On est obligé de passer au dessalement des eaux, la Sonede s’oriente vers les eaux non conventionnelles”, a-t-il ajouté. Le représentant de la Sonede a, en ce sens, rappelé que la première expérience de dessalement des eaux en Tunisie date de 1983 avec le lancement du projet pilote qui a été réalisé aux îles Kerkennah. Depuis, plusieurs projets de dessalement, qui ciblent les eaux souterraines salées, ont été réalisés particulièrement dans les régions du Sud où les eaux souterraines constituent l’unique ressource en eau exploitable.
Les projets de dessalement sont énergivores
Evoquant les projets de dessalement de l’eau de mer, Nouisser a rappelé que la capacité de la station de Djerba est de 50.000 m3 par jour, extensible à 75.000 et que trois autres stations à Sousse (100.000 m3 par jour), Zarat (100.000 m3 par jour) et à Sfax (200.000 m3 par jour), sont en cours de construction. Rappelant que la Sonede est le premier client de la Steg, Nouisser a fait savoir que les projets de dessalement sont énergivores. A titre d’exemple, pour la station de Djerba, l’énergie représente le tiers du coût total de la production de l’eau. C’est pourquoi la Sonede, dans sa nouvelle stratégie, table sur deux composantes, à savoir les énergies renouvelables et la maîtrise de l’énergie. Citant l’exemple de la station de dessalement des eaux de mer de Djerba qui nécessite une puissance énergétique de 10 mégawatts, le représentant de la Sonede a précisé qu’il n’est pas possible de réaliser des installations photovoltaïques à proximité des unités de dessalement. Selon lui, il serait judicieux de construire des installations dans le Sud tunisien et d’effectuer, par la suite, le raccordement aux divers pôles de consommation. Il a, par ailleurs, fait savoir que la Sonede est en train de travailler sur la réduction des pertes physiques de l’eau, occasionnées par le délabrement et la vétusté des réseaux de la société.
L’Algérie en ordre de marche
Intervenant lors des débats, El Hassan Chalghoum, directeur développement et stratégie du groupe algérien Amenhyd — entreprise spécialisée dans la conception et la réalisation des solutions pour le traitement, le transport et le stockage de l’eau — est revenu sur la politique menée par ce pays du Maghreb — qui est également exposé tout comme la Tunisie au stress hydrique— pour contrecarrer le manque d’eau. Il a fait savoir que depuis les années 2000, un ministère de l’eau a été créé pour prendre en charge la problématique de l’eau et s’est attelé à mettre en place des stratégies qui visent à mobiliser les eaux conventionnelles et non conventionnelles. Il a fait savoir, dans ce contexte, que l’Algérie compte 16 stations de dessalement des eaux de mer qui fonctionnent avec de l’énergie fossile et qui produisent 4 millions de m3 par jour. Le réseau d’assainissement compte plus de 87 stations d’épuration réparties sur tout le territoire algérien tandis que le nombre des forages s’élève à 8.000. Chalghoum a, par ailleurs, expliqué que la réutilisation des eaux usées figure aussi parmi les solutions envisagées par les autorités algériennes pour faire face au stress hydrique.