Commençons par ce chiffre effarant : d’après les informations les plus récentes, il y a actuellement près d’un million d’élèves qui n’ont pas encore commencé leur année scolaire. En écho, des enseignants observent un peu partout des grèves et des arrêts de travail.
En toile de fond, un million d’élèves qui, en dix ans, ont quitté l’école, à raison de cent mille par an. Des enfants dans la rue, sans éducation, sans formation, sans prise en main familiale, sans moyens de renouer avec l’école ou une formation quelconque, cela suppose des générations perdues, des difficultés futures, incontournables, en tous genres pour la société.
On nous annonce, certes, de temps à autre qu’un certain nombre a eu une nouvelle chance ou qu’une partie d’entre eux a été prise en centres de formation. Ce n’est pas assez, et le plus difficile est à venir, étant donné que les difficultés économiques pèseront dans toutes les décisions futures.
Un million !
Dans ce million d’élèves, nous retrouvons une majorité écrasante aux avant-postes de tous les mouvements sociaux qui secouent actuellement le pays, ou qui sont devenus des candidats à émigration clandestine.
Que voulez-vous qu’un enfant ou un jeune à l’avenir complètement bouché puisse faire ? Surtout si pour l’encourager, on lui glisse un petit billet pour l’enhardir et le pousser à brûler, casser, lancer des pierres ou préparer des …cocktails Molotov.
Nous avions, dans une précédente édition, souligné que parmi les priorités pour démolir un pays, il faudrait détruire son système éducatif.
Aucune contribution
On est malheureusement en train d’assister à cette destruction et les quelques déclarations des « responsables », annonçant la reprise en main de ce secteur, ne semblent plus pouvoir convaincre ceux qui ont entendu ces refrains depuis des années.
Pour noircir ce tableau, il suffit de relever que la Tunisie, qui a été pionnière et avait accordé à l’Éducation une priorité absolue, est en nette régression. Elle fait maintenant partie d’une vaste foire aux cancres. La majorité des pays arabes, en effet, sont malheureusement et curieusement dans le même cas, comme si les enfants de ces pays sont condamnés à être de la chair à canon, de nullards qui ne contribuent en rien aux progrès de l’humanité.
Des problèmes d’infrastructures qui ne sont plus aptes à accueillir des élèves, de la violence des enseignants qui ont tué leurs étudiants, de la drogue qui a complètement désorganisé et plongé ce milieu, censé transmettre le savoir, en enfer. Les écoles dans certains pays ne servent plus qu’à caser des immigrants entrés clandestinement. Les étudiants, faute de places, s’asseyent à même le sol pour le cours du jour.
L’absence de moyens
Ne parlons pas de ce qui se passe dans les pays qui, depuis des années, sont en guerre et où l’instabilité, l’absence de moyens humains, financiers et structurels ont déjà bien des générations sacrifiées à subir. Des bombes à retardement qui finiront par accroître le sous-développement et la misère. Même dans des pays censés être producteurs de pétrole. Pour revenir à la Tunisie, le problème est tout d’abord une question de choix qui a été fait et qui a échoué. Depuis plus de dix ans, nous parlons de reprise en main et de sauvetage. Les ministres se succèdent et les promesses ne manquent pas.
Les effets d’annonce
Au point de finir par se demander ce qu’auraient pu dire ces ministres si le futur, le conditionnel et le subjonctif n’existaient pas. Rien.
Pour la bonne raison que, tout d’abord, les effets d’annonce prennent le pas sur une véritable politique, dont les contours devaient être mis en place par des personnes compétentes, mais surtout désintéressées et ne prenant en compte que l’intérêt national.
Parce qu’ensuite, il y aura immanquablement ceux qui viendront dire au terme du travail fait « qu’ils ne sont pas d’accord et que tout ce qui a été fait ne constitue en rien une solution». Dans ce magma, où est l’intérêt national ?
Qui s’en soucie ?
Alors qu’un million d’élèves attendent la reprise de ….l’année scolaire, que l’on parle d’année blanche , que des parents ont fini par liquider ce qu’ils possèdent pour inscrire leurs enfants dans des écoles privées, que ces écoles profitent largement de la situation qui prévaut, que les syndicats annoncent des grèves et des arrêts de travail un peu partout (c’est leur droit de faire grève), on ne peut accorder à ces promesses de redressement aucun crédit.
La fin de l’école publique
«C’est la fin de l’école publique, nous lance un enseignant retraité. Ceux qui ont décidé de la liquider ont réussi. De toutes les façons, nous sommes bien obligés de constater qu’il y a actuellement, dans notre pays, un enseignement à deux vitesses. Ceux qui ont de l’argent peuvent sauver leurs enfants. Le reste, la rue, avec tous ses dangers, est leur seule issue. Ils ont la drogue en culture et la violence au quotidien ».
Un autre retraité attablé devant le bureau régional de l’Ariana confirme l’analyse de son confrère et poursuit : « Ceux qui ont été à l’origine de ces négociations pipées au départ étant donné qu’un pays, en déroute financière, ne pouvait tenir ses promesses de Gascon, ont-ils la conscience tranquille ?»
Un autre, ayant entendu notre conversation, s’est approché et nous a priés de passer ‘‘sa’’ question à l’adresse de qui de droit.
La mission de former
« Il y a des activités où par intérêt national, on ne peut faire grève. L’Education (comme la santé d’ailleurs), qui a pour mission de former les générations futures, devrait faire partie de ces secteurs. C’est clair. Actuellement, l’école publique sert de garderie. Et encore. On doit trouver une solution pour en finir avec ce jeu qui détruit tout sur son passage. Une fois les grèves terminées, les enseignants reviennent et cherchent à rattraper le temps perdu. Ils ne pourront jamais le faire, n’en déplaise à ceux qui l’affirment. Il faut que le métier d’enseignant soit une affaire nationale, mais le futur de nos générations est une ligne rouge ».
Où est la solution ? Comment s’en sortir et sauver une année scolaire ? La situation n’est-elle pas assez pourrie pour s’asseoir autour d’une table et parler le langage de la vérité et de la franchise ?
BO
2 novembre 2022 à 05:46
Malheureusement, c’est la triste réalité. Pourquoi ne fait-on pas appel à des retraités ou d’autres volontaires pour enseigner nos enfants pendant que les autres font la grève ?