Pour bien des «responsables», la stratégie se limite à assurer l’approvisionnement du pays durant le mois de Ramadan. Pour le reste… attendez votre tour pour un litre de lait !
On a bien raison de dire que «qui provoque une pénurie fait son beurre sur le dos des vaches à lait qui en font tout un fromage». Lorsqu’on voit la quantité de lait que la caméra a enregistrée lors de la visite inopinée du Chef de l’Etat à une centrale laitière, nous comprenons ne serait-ce qu’en partie ce qui se passe dans ce milieu.
Depuis un bon bout de temps, les pères ou mères de famille quittent leurs domiciles pour aller se pointer devant une grande surface, à l’affût de la mise en vente de la minuscule quantité de lait que l’on offre.
Et à l’agent de service de se convertir en grand chef, en tendant un paquet qui servira à satisfaire toute une famille durant un, deux trois jours, peut-être plus. Jusqu’à la prochaine livraison avec cette attente qui épuise et met les nerfs à bout.
Il fut un temps où on ne buvait le lait que lorsqu’on était malade. Depuis, on a compris que c’était un élément important dans la ration alimentaire d’une personne, à plus forte raison, lorsqu’il s’agit d’un enfant ou d’un malade.
Et les Tunisiens sont si sensibles à l’égard de leur progéniture. Rien n’est trop beau pour eux, rien n’est superflu. Il faut absolument qu’ils aient de tout. A n’importe quel prix. Même si l’on doit se soumettre à la vente conditionnée qu’imposent certains épiciers, qui ont eu le privilège de recevoir une quantité en contrepartie de leur commande de dérivés. C’est en fait le cercle vicieux…
Quelle coïncidence !
Et comme un… malheur n’arrive jamais seul, surtout que l’on va au-devant d’une élection législative, les boulangers réclament des sous et se mettent en grève. Les «taxistes» (y compris ceux qui ne vous prennent en charge qu’à la condition de vous soumettre à leur diktat- application) qui menacent de le faire. La liste de ceux qui ont choisi cette période pour réclamer ou faire part de leur mécontentement est bien longue. C’est de bonne guerre, attendu, mais…
Les industriels du lait nous privent du précieux liquide (tout en déversant sur le marché toutes sortes de laitage), soutenant que les producteurs, à la source, sont au bord de la faillite. Ils ont sans doute raison, mais le fait de narguer le consommateur en mettant sur le marché du lait de confort, additionné de vitamines ou délesté de ses matières grasses, dont les prix ne sont pas homologués pour gagner plus d’argent, cela dépasse tout entendement.
Un de ces producteurs s’est empressé d’aller imprimer de nouvelles étiquettes d’emballage à zéro pour cent de matières grasses pour soutirer plus à ces pauvres consommateurs qui n’en peuvent plus. Comment qualifier ce genre de comportement ?
«Cette marque je n’en achèterai plus de ma vie. Je resterai sans lait, mais il n’aura pas mon argent. C’est du…», s’est exclamé un client qui croyait acheter son lait habituel emballé dans le même genre de bouteille.
Dans le reportage, le fait de voir une aussi grande quantité de lait vitaminé disponible, alors que les citoyens se coupent en quatre pour trouver de quoi alimenter leurs enfants, leurs malades ou personnes âgées en lait demi-écrémé, est une insulte à l’intelligence de ceux qui ne peuvent conclure que d’une seule manière.
«Les vaches à lait ne sont pas celles que l’on croit, mais bien nous, pauvres consommateurs, qui engraissons des industriels qui n’hésitent pas à se comporter de cette manière. C’est une honte».
De toutes les façons, du point de vue marketing, le coup est tout ce qu’il y a de plus destructif. Un client a toujours bonne mémoire.
Effectivement, il y a ceux qui spéculent en achetant des quantités énormes d’un produit et ceux qui se contentent de tenir à la gorge le consommateur pour le pousser à acheter un article donné, parce que la marge bénéficiaire est plus importante. Et ce sont les plus redoutables !
Terres domaniales et fourrage
Les terres appartenant à l’Etat sont estimées à près d’un million d’hectares. Combien sont-elles en friche et ne demandent qu’à être prises en main pour entrer dans le cycle de production ?
Est-il si difficile, alors que nous sommes à la veille des semailles, pour le ministère de l’Agriculture d’allouer à des ingénieurs et techniciens agronomes, en chômage, qui manifestent tous les jours et exigent du travail, quelques hectares en leur demandant de produire du fourrage ?
Nous voyons d’ici les ronds de cuir sursauter et brandir leurs sacrés textes de loi, pour soutenir que cela exige de faire le tour de la lune à cloche-pied.
Oui, il y a certainement des lois. Elles ont été faites sur mesure pour que ces terres ne soient pas productives et laissent les mains libres à des rentiers qui ont étouffé le pays.
A condition exceptionnelle, mesures exceptionnelles. Ces terres demeureront la propriété de l’Etat qui pourra les récupérer à la fin du bail ou pour utilité publique (passage d’autoroute, édification de ponts, etc.). Les mettre en valeur ne vaut-il pas mieux que de les voir dénudées, abandonnées et inutiles ?
Des terres à mettre en valeur
La lenteur et la léthargie qui bloquent toute notre administration sont, tout le monde le sait mais ne fait rien ou si peu, malgré les promesses, un mal qui risque de durer encore longtemps. Il n’en demeure pas moins que la volonté politique est le bras, le seul, qui peut renverser la table de ces impotents, changer les choses et permettre à bien des secteurs industriels, agricoles ou autres de redémarrer.
Dans bien des pays, on aurait trouvé des solutions pour rentabiliser ce trésor. Chez nous, il nous faudra constituer une commission qui, elle-même, se subdivisera en d’autres sous-commissions chargées d’examiner une proposition à présenter en séance plénière qui établira un rapport au département concerné lequel ira le défendre auprès de qui de droit…
En attendant, et tel que le dit le proverbe chinois «patience, avec le temps l’herbe deviendra du lait».
Surenchères et manipulations
Nos pères et mères de familles n’auront plus dès lors à passer leurs matinées à faire la queue pour avoir le litre de lait familial hebdomadaire. Ce n’est pas bien glorieux pour un pays qui a assuré son autosuffisance, mais qui retombe dans les surenchères et les manipulations de toutes sortes ; alors qu’il dispose de toutes les conditions nécessaires pour s’éviter ce genre de tracas.
Le tort est bien d’avoir négligé de classer un certain nombre de secteurs en priorité stratégique, tout en mettant en place des cellules d’action pleinement responsabilisées et disposant de programmes et d’objectifs spécifiques sérieux et prospectifs. Pour bien des «responsables», la stratégie se limite à assurer l’approvisionnement du pays durant le mois de Ramadan. Pour le reste… attendez votre tour pour un litre de lait !