Accueil Actualités Human Rights Watch (HRW) | Violence domestique : Peu incriminée, peu légiférée et peu encadrée !

Human Rights Watch (HRW) | Violence domestique : Peu incriminée, peu légiférée et peu encadrée !

 

A la fin parfois, un féminicide. Frapper une femme est un déshonneur sans nom pour un homme, mais cet acte répréhensible et condamnable en soi continue d’être une pratique courante.

Le lancement du rapport de l’observatoire international Human Rights Watch, bureau de Tunis, est intitulé sous un message sensibilisateur : «Il t’a frappée, et alors ?» qui vise à aborder et expliciter la problématique de la violence domestique en Tunisie et relever des limites aux avancées institutionnelles et juridiques. Ainsi, Human Rights Watch a procédé au lancement de son nouveau rapport dans le cadre de la lutte contre la violence domestique en Tunisie, et ce, hier matin à Tunis. Il s’agit de déconstruire les stéréotypes sur la violence conjugale, changer les mentalités, rétablir un nouvel ordre dans les rapports hommes-femmes au sein des foyers. C’est l’objectif commun des organisations associations agissant en faveur de la préservation des droits humains, des femmes en particulier. Avec la sécurité, santé et justice, il y a trois piliers et véritables garde-fous à renforcer et réactiver pour lutter efficacement contre les violences faites aux femmes. Dorra Mahfoudh, coordinatrice de la Coalition nationale associative de lutte contre la violence faite aux femmes (Cnav), se dit outrée par le nombre de féminicides qui ont frappé la Tunisie cette année qui montent à quatre cas, dont le dernier en date, pas plus tard que cette semaine, concerne une jeune mère de 4 enfants, dont l’aîné est âgé de 10 ans, mortellement blessée par son époux. « Cependant, il y a un recul en matière de législation dans la lutte contre la violence à l’égard des femmes, car la loi 58 est appliquée partiellement, même si elle est progressiste », affirme Kenza Ben Azouz, auteure du rapport et titulaire de la bourse Finberg HRW, avant de poursuivre : « Il y a des limites dans les avancées sur les textes de loi, à cause du blocage dans le Parlement dissous depuis plus d’un an ». Malgré tout, les ONG et la société civile continuent d’œuvrer en attendant la reprise des activités parlementaires. Un travail de longue haleine a été mené préalablement et qui n’aurait pas été possible sans les témoignages de survivantes dans les différentes régions du pays. « Le rapport long, extensible et détaillé, a été résumé à l’adresse des journalistes et l’opinion publique » précise Salsabil Chellali, directrice du bureau Humain Rights Watch Tunisia.

Témoignages chocs !

Les membres de HRW ont averti sur la gravité des témoignages diffusés et avertis l’opinion publique sur leur nature, avant de les diffuser. Le premier est sans appel : « J’ai l’impression de marcher vers ma propre tombe », a confié une survivante âgée de 40 ans, qui a déclaré que les autorités ont refusé de l’aider après que son mari l’a frappée avec une brique. Plusieurs vidéos témoignages ont été diffusées dont celle de cette femme à Ben Arous qui parle des violences subies et comment elle a porté plainte, contre son gré. Alors qu’elle « vit » avec 250 dinars par mois et des enfants à nourrir, sa plainte à la police est sans résultat, car personne n’est de son côté. Les autorités ne sévissent pas suffisamment, les juges, les avocats et autres ne sont pas suffisamment dans la condamnation, mais plus dans la retenue. Ceci avant de laisser place à une autre vidéo d’une habitante de Kébili. Ahlem à Sidi Bouzid et d’autres cas à Mahdia ont couronné les débats. Avant la réponse policière de Fadh Ammami, avocat formateur sur la loi-58 (Sidi Bouzid) qui a épilogué sur la façon de faire évoluer les choses de concert entre les différentes parties prenantes puisqu’il y a un manque de formation, dans la gestion des cas sensibles qui touchent  à l’intégrité des femmes.

Mais il semble que la femme agressée se doit de consulter avant même de déposer sa plainte, pour aller le plus vite possible dans le dossier d’instruction par les avocats et les juges. Ce qui n’est pas évident du reste.

Consulter avant la plainte

Selon Dr Wiem Ben Amar, médecin légiste à l’hôpital Habib Bourguiba de Sfax dans son intervention sur le système de santé en place, il y a une importance à documenter l’agression, grâce à la formation et la sensibilisation des médecins légistes bien qu’ils soient peu nombreux dans cette spécialité, avec un total de 7 et le renfort attendu de trois autres médecins légistes d’ici à la fin de l’année. En outre, elle rappelle l’importance de la consultation précoce, suite à une agression physique ou sexuelle, pour que les médecins légistes puissent faire les liens de curabilité entre la plainte qui émane et la blessure et les séquelles causés. L’exigence d’un certificat médical pour justifier les violences conjugales retarde les réclamations et décourage beaucoup de femmes. Les documents médicaux légaux vont agir pour montrer les séquelles des femmes victimes de violences, pour déterminer les violences psychologiques et celles profondes non identifiées. Malheureusement, certains médecins généralistes et légistes ne savent pas déterminer les périodes d’incapacités. Le personnel médical a un rôle très important. Mais la justice également. Pour détailler l’accès des plaignantes à la justice, Faten Sebei, juge de troisième grade à la Cour d’appel (Tunis) n’a pas manqué d’apporter sa vision et ses recommandations et refuse la misogynie qui subsiste dans les affaires et procès des violences à l’égard des femmes. Elle ne veut plus seulement parler de défense des femmes, au moment où elles continuent à subir des féminicides et appelle au renforcement de l’Etat sur cette question très sensible qui menace la société tunisienne.

Mettre fin à la violence domestique

En 2017, la Tunisie a adopté l’un des cadres juridiques les plus progressistes pour lutter contre diverses formes de violence domestique à l’égard des femmes au Moyen-Orient et en Afrique du Nord.  Alors que la loi 58 sur l’élimination de la violence à l’égard des femmes envisageait des mécanismes complets de prévention, de protection et de poursuites ainsi que des services de soutien aux victimes, Human Rights Watch a constaté que la seule mise en œuvre était insuffisante pour protéger les femmes contre la violence domestique. L’impact est limité car des ressources dérisoires ont été allouées;  les plaignants continuent de se heurter à des attitudes dissuasives de la part des autorités;  et les goulots d’étranglement du système judiciaire diminuent les chances d’obtenir justice.

Le rapport recommande des mesures que la Tunisie devrait prendre si elle veut mettre fin à l’impunité dont bénéficient les hommes, pour avoir abusé des femmes dans leur foyer. Les autorités tunisiennes ne parviennent pas à protéger les femmes contre les violences domestiques, malgré la promulgation d’une loi sévère en 2017. Les autorités ne réagissent pas, n’enquêtent pas, n’offrent pas systématiquement de protection aux femmes qui dénoncent des violences, et le manque de financement des services de soutien laisse trop de femmes presque sans issue.

La Tunisie ne peut pas se reposer sur sa réputation de championne des droits des femmes dans la région sans traiter les violences domestiques comme le crime grave qu’elles sont en train de subir. Le rapport de 106 pages, intitulé « ll t’a frappée, et alors ? » a révélé que malgré l’engagement de certains responsables et l’adoption de l’une des législations les plus strictes contre les violences domestiques au Moyen- Orient et en Afrique du Nord, l’application insuffisante de cette loi expose les femmes aux risques de violences. Les autorités ne réagissent pas, n’enquêtent pas, n’offrent pas systématiquement de protection aux femmes qui dénoncent des violences, et le manque de financement des services de soutien, notamment des centres d’hébergement, a laissé de nombreuses survivantes sans aucune échappatoire.

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