Libre-échange en Afrique : Entre crise économique et difficultés de financement

 

«C’est dans un contexte d’incertitude et de resserrement monétaire qui va engendrer une raréfaction des financements domestiques et extérieurs que les entreprises vont devoir évoluer».

Le Conseil Bancaire et Financier a organisé, récemment, en collaboration avec le Centre d’Entrepreneuriat de l’ICC, les «ICC Business Talks» qui se sont focalisées dans cette deuxième édition sur les moyens et les outils de développement du commerce africain.

Cet événement, qui met l’accent sur le commerce international dans le cadre des zones de libre-échange africaines, se veut, selon Mouna Saied, déléguée générale du CBF, un rendez-vous économique qui réunit les acteurs économiques et financiers pour échanger sur les bonnes pratiques en matière de commerce extérieur, mais aussi pour se mettre au diapason des plus récents outils et réglementations, notamment financiers, mis à la disposition des entreprises. «Ces débats que nous organisons visent à faire connaître aux entreprises toutes les nouveautés relatives au commerce extérieur. Notre souci est que ces entreprises puissent s’internationaliser, se positionner sur le marché africain et effectuer leurs opérations de transaction de manière fluide», a-t-elle déclaré à La Presse.

Atteindre le taux de 11% en 2035

Revenant sur le processus d’adhésion de la Tunisie à la zone de libre-échange continentale africaine Zlecaf, Fakhri Bouzaiene, représentant de la direction Afrique au ministère du Commerce et de la promotion des exportations, a rappelé que les échanges interafricains demeurent les plus faibles au monde avec des taux qui varient entre 15% et 18%. Il a souligné que l’objectif du ministère est d’augmenter les exportations tunisiennes vers le marché subsaharien pour passer de 2,8 à 5% du total des exportations, d’ici à 2025 et à 11% en 2035. Cette hausse devrait être portée principalement par la croissance des exportations des produits textiles et pharmaceutiques, des composants automobiles mais aussi des services TIC, a-t-il ajouté. Expliquant que la Tunisie a finalisé son offre tarifaire des biens, qui a été soumise et approuvée par le secrétariat de la Zlecaf et qui a été officiellement adoptée par les pays membres africains lors du sommet sur l’industrialisation et la diversification tenu à Niamey le 25 novembre dernier, Bouzaiene a affirmé que la Tunisie peut désormais commercer avec les pays africains dans le cadre de la Zlecaf.

La Tunisie, qui a été, dernièrement, choisie parmi les huit pays africains qui vont démarrer très prochainement des échanges libres de biens et services, est actuellement en train de finaliser l’intégration de son offre au système douanier (selon laquelle le démantèlement des tarifs douaniers concerne 90% des produits). Elle est, de ce fait, entrée dans la dernière ligne droite des préparatifs pour effectuer la première opération d’exportation dans le cadre de la Zlecaf, a-t-il ajouté. Livrant son témoignage sur les difficultés rencontrées par les entreprises qui opèrent dans le commerce extérieur, Mehdi Alya, expert à la Chambre de commerce et d’industrie de Tunis, a fait savoir, dans une déclaration à La Presse, que le paiement à l’international demeure la pierre d’achoppement sur laquelle butent les exportateurs, notamment les PME. Même si l’accord de libre-échange Zlecaf constitue pour ces entreprises une opportunité d’internationalisation à saisir au vol, ajoute-t-il.

Une dépréciation monétaire en Tunisie ?

De son côté, Mélanie Laloum, économiste en chef à la Chambre de Commerce Internationale, ICC Paris, a dressé un état des lieux de la situation macroéconomique des pays de la région de l’Afrique du Nord, fragilisés par les effets de la pandémie Covid-19 et de la guerre en Ukraine. Elle a affirmé que la plupart des pays dans cette région, qui dépendent fortement de leurs partenaires européens, ont retrouvé leur niveau de PIB d’avant la pandémie sauf la Libye et la Tunisie. «La guerre en Ukraine a chamboulé la reprise économique en Afrique du nord, surtout en Tunisie et en Libye qui n’ont pas encore réussi à retrouver leur niveau de PIB d’avant la pandémie de Covid-19», a-t-elle indiqué.

Elle a ajouté que le resserrement monétaire opéré par la FED et la BCE, pour contrer la flambée de l’inflation importée due à l’augmentation des prix de l’énergie et des denrées alimentaires, devrait exercer une pression sur les taux et les réserves de change, dans les pays de la région et pourrait ainsi déclencher des dépréciations monétaires, en particulier, en Tunisie, au Maroc et en Egypte. Ce resserrement, qui devrait freiner la croissance mondiale et en particulier des pays nord-africains en raison du ralentissement de la demande extérieure, pourrait provoquer, selon l’experte, une fuite des capitaux qui peut être assez rapide et violente. Soulignant qu’une crise de la dette pointe son nez et pourrait coïncider avec une crise alimentaire, Laloum a conclu que c’est dans ce contexte d’incertitude et de resserrement monétaire, qui va engendrer une raréfaction des financements domestiques et extérieurs, que les entreprises vont devoir évoluer.

Le financement et le développement du commerce africain

Eugenio Bettella, co-fondateur de Bergs and More, a souligné, de son côté, que le financement est la clé qui permet aux gouvernements africains de développer la logistique commerciale et les infrastructures, éléments fondamentaux pour l’essor du commerce en Afrique. Précisant que l’entrée en vigueur des accords de libre-échange devrait générer une augmentation de la demande et des échanges interafricains, Bettella a mis l’accent sur le rôle que joue le financement par les banques et des institutions financières dans le renforcement de la capacité de production en Afrique. Il a, en outre, souligné l’importance du réseautage entre les banques qui devraient basculer vers un système moderne de transactions.

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