2022 marquera notre histoire parce qu’elle a été une année difficile pour tout le monde. La Tunisie toute entière a vécu sous une tension insoutenable que les événements politiques internationaux n’ont pas manqué d’accentuer, rendant la vie dure et décourageant les plus optimistes.
Le Covid-19, souvenons-nous encore, qui avait fauché des milliers de vies, a fini par être contenu grâce à une énergique action mobilisatrice de nos amis et alliés et au dévouement du personnel de la santé. Sans pour autant oublier de reconnaître une prise de conscience positive de la population qui a répondu favorablement aux nombreuses campagnes de vaccination qui ont couvert tout le territoire. Si bien que la Tunisie s’est rapidement débarrassée de ce fléau en en prenant le contrôle et en mettant en place un excellent quadrillage sanitaire sur tout le territoire. Cela a ouvert la voie au retour du tourisme et à l’organisation de nombreux événements internationaux d’envergure. Le Sommet de la Francophonie, qui a réuni à Djerba chefs d’Etats et de gouvernements, a été le plus marquant, surtout en ce qui concerne le regain de confiance qui a encouragé partenaires et amis à reprendre langue avec un pays que l’on s’est acharné, par tous les moyens, à discréditer. Oui, personne n’oubliera qu’on a pris langue avec l’étranger, non pas pour solliciter une aide à même de nous sortir du bourbier dans lequel on nous a enfoncés et asphyxiés, mais pour discréditer le pays.
La pluie s’est montrée capricieuse, tardive, parcimonieuse et jusque-là insuffisante. La nature fait planer les risques d’une sécheresse qui viendrait fausser toutes les prévisions agricoles et, bien entendu, économiques et financières. Pour tout résumer en quelques mots, il semblait que nature, hommes et… mauvais esprits s’étaient ligués pour que ce pays coule.
Spéculation effrénée
Le commerce, pris sous le joug d’une spéculation effrénée et impitoyable, bien organisée et solidement ancrée dans les échanges internes et externes, a complètement dévissé de ses valeurs. Ces valeurs, qui font de ces échanges entre consommateurs et ravitailleurs des marchés, des partenaires fiables, honnêtes et crédibles, ne sont plus que de vagues souvenirs. L’économie, aspirée par le tourbillon des grèves qui ont couvert presque tous les domaines d’activité et ont mis à mal et sabordé bien des entreprises et des secteurs qui se trouvent, pour beaucoup d’entre eux, sur la voie de la banqueroute. Et pour couronner ce succès incontestable de la paresse organisée et du sabotage ciblé, la perte de gros contrats pour le secteur des phosphates, principale richesse du pays, a alourdi les charges et mis à mal ceux qui sont devenus de simples «vaches à lait» que l’on veut à tout prix traire sans les nourrir ni protéger. Manipulé et complètement insensible aux conséquences de ces débrayages à répétitions, le personnel, recruté à tour de bras en contrepartie d’une «paix sociale» qui a tout faussé, est loin de se rendre compte que tout finira par la destruction des structures mises en place et par la panique qui s’est emparée d’une clientèle patiemment approchée, fidélisée, mais à bout de patience, au point de laisser tomber ce marché tunisien qui a trop de problèmes et qui a perdu toute sa crédibilité.
Faire souffrir le consommateur
Des domaines dans lesquels nous avons réussi à atteindre l’autosuffisance ont pris l’eau. Celui du lait est sans aucun doute une illustration des plus concrètes de l’hégémonie des spéculateurs qui ont tout fait pour faire souffrir le consommateur. Certes, il y avait nécessité de régler, une fois pour toutes, les problèmes que vivent les producteurs de lait. Surtout ces petits producteurs qui n’arrivent plus à joindre les deux bouts et qui ont fini par baisser les bras et à vendre leurs vaches laitières. Mais inonder le marché de dérivés du lait, stocker du lait à zéro pour cent de matières grasses ou du lait vitaminé alors que le pays manque de lait de grande consommation, cela tient de l’hérésie. Les organismes censés régler ces questions, politisés ou faisant fi de tout bon sens, ont complètement dérouté et mis sur de fausses pistes ceux qui cherchaient des réponses. De toutes les façons, tous les secteurs, dont les rênes sont entre les mains de quelques pontes, se sont accaparé tous les atouts. Il n’est plus question d’équité et de bonne gouvernance. Une fois les instances du pouvoir mises en place, il sera urgent d’établir un système ayant pour objectif de mettre un terme à cette mainmise et asseoir les relations sur la base de l’égalité entre les producteurs et les intervenants.
A la veille d’élections, pourtant cruciales, pour permettre aux pays de sortir la tête de l’eau, les enjeux politiques ont été les plus forts. Les tentatives de faire échouer toute initiative amorcée ou projetée ont maintenu la pression jusqu’au bout. Pendant ce temps et depuis 2013 notamment, le consommateur tunisien continue à souffrir. Aspiré par l’inflation, il a été étouffé par la hausse inconsidérée des prix. Miné par les grèves qui ont complètement détruit l’éducation de ses enfants, le chef de famille, désemparé, ne sait plus où donner de la tête. Nous avons connu l’après Seconde-Guerre mondiale. On se rendait chez l’épicier pour avoir, en contre partie d’un bon, de la semoule, de l’huile et du sucre. Aujourd’hui, il n’y a ni bon ni sucre, ni huile (soi-disant subventionnée) mais des huiles végétales hors de prix (contenant souvent de l’huile de palme), mais des sourires narquois à la fin d’une « distribution » de quelques centaines de litres de lait ou quelques dizaines de kilos de sucre, dont une grande partie est réservée aux employés qui se servent en priorité.
Sans scrupules
Nous produisons et imprimons nos manuels scolaires (dont peu évoquent nos valeurs, notre histoire, les réalisations de nos grands hommes), et voilà que nous nous trouvons dans l’obligation de le faire à l’étranger, alors que notre usine de production de papier était à l’arrêt depuis des années. Nos écoles produisaient des cadres qui trouvaient preneurs partout dans le monde et qui sont sollicités pour leur savoir et leurs capacités créatrices, et voilà qu’elles se transforment en usines à chômeurs, mal éduqués, violents, dangereux pour la société.
Plus d’un million de nos enfants, encore scolarisables, sont dans la rue, attendant un mauvais coup à faire ou un billet pour aller casser, brûler ou tuer, poussés dans la fournaise par ceux qui, sans scrupules, nous parlent de démocratie et de liberté. Les crimes et les braquages ont augmenté, les viols dépassent tout entendement, les divorces surfent sur les crêtes, les séparations et les violences conjugales ne se comptent plus. On ne peut plus sortir seul. On a peur de faire venir chez soi un réparateur de crainte que ce soit un bandit qui viendrait, la nuit tombée, forcer nos portes. Plus de cinéma, plus de théâtre, plus de sorties en famille, mais l’angoisse qui s’empare de nous en cas de retard. Comment veut-on que ce soit autrement avec des syndicats qui, pour un oui ou pour un non, font grève (c’est leur droit inaliénable), prennent en otages des enfants qui se rendent à l’école sans jamais savoir si l’enseignant sera au rendez-vous ?
Poussière d’individus
Du côté de la délégation d’Essened, des parents ont empêché leurs enfants venant de deux villages voisins, El Majoura et El Goussa, d’aller à l’école passer des examens, pour une histoire qui nous renvoie aux temps où sous le joug du colonialisme nous ressemblions fort à «une poussière d’individus».
Depuis les années 1956/60 et après, filles et garçons parcouraient des kilomètres à pied pour rejoindre, sous les morsures du froid et sous un soleil de plomb, leurs écoles. En 2022, nous empêchons, pour des raisons futiles, nos enfants d’y aller, en quête de savoir et d’éducation. Voilà comment le lot des scolarisables, ayant quitté l’école pour une raison ou une autre, grossit, en l’absence d’encadrement familial ou pédagogique.
Projets en attente
Des dizaines de grands projets sont en attente de réalisation, alors que des milliers de personnes ont été recrutées dans des «sociétés» de jardinage pour ne rien faire, par des gouvernements qui ont acheté la paix sociale en dépit de l’inutilité des projets imaginés et des moyens limités de l’Etat. Ces fainéants, payés pour leur paresse par le contribuable, savent-ils qu’une majorité de routes ont été tracées, des bouts de désert ont reverdi, des ponts et autres grands travaux ont été édifiés par des chômeurs recrutés dans des chantiers où certains ont souffert et même perdu leur vie, pour nourrir leurs familles ?
Ces adeptes de la flemme seront les premiers à arrêter un train transportant du phosphate ou pour couper une route ! Ne terminons pas sans relever que les derniers chiffres publiés, en rapport avec la balance commerciale en Tunisie, montrent que le déficit de cette balance a atteint, encore une fois, des chiffres record, caracolant à 23.281 millions de dinars tunisiens, contre 14.653 MDT pour la même période de l’année dernière, alors que les devises dont on dispose ne dépassent pas une centaine de jours d’importation.
Alors que le dinar n’a cessé de se déprécier face aux monnaies étrangères. Qui aurait pu imaginer que nous en soyons là ? Personne. Et pourtant, ce pays se redressera !