Le secteur cosmétique génère 1,77 milliard de dinars de chiffre d’affaires, soit 1,6% du PIB tunisien. Le secteur souffre d’un marché informel valant entre 600 et 800 millions de dinars et d’une pression fiscale lourde.
Une étude de marché a été consacrée au secteur cosmétique en Tunisie par Karim Amous, expert comptable et fondateur du cabinet de conseils financiers « Smarteco », pour voir l’état des lieux du marché de la beauté en Tunisie. Pour parvenir à réaliser ce travail, plus de 1.800 personnes ont dû répondre au questionnaire préparé et mis en ligne par le cabinet. Et selon Amous, « les résultats sont parfois surprenants ! ». Mais avant de passer aux chiffres, il est important de connaître un peu les produits étudiés, la population interrogée et surtout l’environnement micro-économique et macro-économique dans lequel évolue le secteur de la beauté en Tunisie. « Le secteur de la beauté en Tunisie permet de créer le besoin qui vient essentiellement de la maîtrise des aléas de l’environnement. Il permet de fixer la meilleure stratégie d’approche du partenaire et facilite comment les leaders raisonnent dans tous secteurs confondus, y compris celui de la beauté », explique Karim Amous. Il révèle qu’une lecture transversale de cet environnement permet de relever plusieurs constats.
Un taux de couverture de l’ordre de 60%
En effet, le secteur cosmétique génère 1,77 milliard de dinars de chiffre d’affaires, soit 1,6% du PIB. Il permet la création d’environ 10.000 emplois directs et le même nombre d’une manière indirecte. Le secteur réalise également un chiffre d’affaire à l’exportation mais le taux de couverture reste de l’ordre de 60% seulement. Il s’agit également d’un secteur qui souffre d’un marché informel, valant entre 600 et 800 millions de dinars et d’une lourde pression fiscale.
Selon Karim Amous, le secteur se caractérise par plusieurs points forts. Aussi, le secteur a besoin d’être renforcé sur plusieurs plans comme ; le savoir-faire, l’innovation, les multiples opportunités que peuvent offrir les produits bio. Le secteur a, par ailleurs, besoin d’une plus grande accessibilité à la main-d’œuvre pas chère et à la matière première. « Le secteur fait face à quelques problèmes et risques qu’il vaut mieux éviter ou contrecarrer, comme l’image de marque éphémère, la saturation du marché, la surtaxation des inputs et des outputs… », nous dévoile Amous.
Produits cibles de l’étude
Amous explique que le secteur cosmétique est subdivisé en plusieurs catégories. « L’étude s’est focalisée sur les parfums et ses produits dérivés. Le parfum est un article de cosmétique composé d’huiles essentielles et d’alcool, qui peut être décliné sous différentes formes, telles que les eaux de parfum et eaux de toilettes, selon la concentration en alcool et le processus de fabrication », explique l’expert comptable. En Tunisie, le marché est récemment reparti à la hausse après plusieurs années de baisse du chiffre d’affaires. Selon lui, « ce nouvel élan résulte de la hausse de la consommation et de la montée en gamme des produits privilégiés par les clients tunisiens ».
Il développe : «La Tunisie se développe de plus en plus dans ce secteur surtout en nouant des partenariats avec des sociétés françaises et en assurant des travaux de sous-traitance et de production sous licence permettant le transfert de savoir-faire entre les deux rives de la Méditerranée ».
Tendances et produits dérivés
Amous ajoute également que plusieurs tendances récentes affectent la demande en Tunisie comme partout dans le monde d’ailleurs. Notre marché connaît un passage au développement des parfums de niche, des produits originaux et cela plus que les parfums de grande distribution. En Tunisie, apparaissent, aujourd’hui, des solutions de personnalisation de parfums et, comme pour beaucoup de secteurs, il y une multiplication des démarches bios et éco-responsables. « Les consommateurs sont de plus en plus attirés par les produits cosmétiques biologiques et notamment les produits d’hygiène corporelle comme les déodorants, par exemple. Le bio est une vraie tendance sur le marché de l’hygiène et de la beauté ».
Selon Amous, les consommateurs préfèrent, de plus en plus, les produits exempts de composants affectant la peau : les déodorants sans aluminium, sans alcool ou encore sans ACH. Ces types de produits sont très recherchés par les consommateurs et commencent à gagner les marchés de jour en jour.
Amous nous développe qu’avec la prise de conscience croissante des effets néfastes sur la santé des sels d’aluminium dans les déodorants, la demande de ces produits a considérablement augmenté chez les femmes particulièrement. « Notre étude, basée sur un échantillon représentatif extrapolé sur la globalité de la population tunisienne, a donné les constats suivants : 34% des Tunisiens sont attirés par la marque du produit, on leur ajoute 11% qui achètent sur un coup de cœur, ça nous donne 45% de gens capables d’acheter un produit portant la marque ayant une bonne image sur le marché ou ayant subi une campagne publicitaire acharnée. Nos statistiques nous révèlent, par ailleurs, que 67% des Tunisiens achètent leurs produits des circuits formels (boutiques, grande distribution et à distance). Le reste des consommateurs ne se soucie pas de l’origine et de la qualité des produits. Il se le procure sur les marchés parallèles, tant que leurs prix leur restent accessibles ».
Le prix est déterminant
Toujours selon l’étude réalisée par l’expert comptable, le prix moyen pour un parfum masculin est d’environ 87 dinars. Par contre, cette moyenne, un parfum féminin, arrive à 167 dinars. L’eau de toilette masculine moyenne coûte environ 31 dinars, celle féminine est d’environ 69 dinars. Par contre, le déodorant masculin moyen coûte presque 5.5 dinars, le féminin, environ 6.9 dinars.
« 24% de la population utilise occasionnellement les parfums et dérivés, donc pour ces gens-là, l’usage de ces produits n’est pas très fréquent ou quotidien. C’est un peu à cause de la cherté de ces produits qui deviennent un peu trop surtaxés et hors de la portée du Tunisien moyen », précise Amous. D’après ses propos, un tel luxe est complètement impensable pour plus d’un million et demi de Tunisiens vivant sous le seuil de la pauvreté.
L’expert souligne, en sa qualité de conseiller spécialisé dans le développement stratégique à l’échelle nationale et internationale, que son cabinet « Smarteco » a proposé des axes d’amélioration qui guideront le secteur vers un avenir prospère.
En ce qui concerne le premier axe, Amous propose l’amélioration du cadre réglementaire et normatif, en plus du renforcement des contrôles.
En second lieu, il est important d’élaborer une structuration des entreprises, et ce, en renforçant l’intégration et innovation de ces dernières. Ainsi que d’autres axes sont aussi capitaux comme le développement des exportations, le renforcement du dispositif d’appui et la diminution de la pression fiscale. « La mise en place de mesures mettant en œuvre ces recommandations et un suivi des cinq axes susmentionnés permettront de tirer vers le haut tout le secteur, ses opérateurs, ses produits et sa valeur ajoutée. Cela donnera la possibilité également de réaliser une croissance annuelle estimée entre 8% et 12% sur les dix ans à venir. Les exportations seront en hausse d’environ 10% chaque année et le secteur pourra permettre la création de 7.000 à 10.000 postes d’emplois d’ici 10 ans. Aussi, et en réalisant certains des solutions préalablement présentées, le taux de couverture dépassera les 60%, réalisés actuellement », conclut Karim Amous, qui prévoit un avenir prospère au secteur cosmétique en Tunisie.