En Tunisie, des clubs de musique existent désormais dans tous les lycées publics du pays. Ce sont ainsi 6 000 élèves qui ont accès à des cours de musique. L’an dernier, ils ont organisé plus de 150 concerts qui ont drainé quelque 14 000 spectateurs. Reportage au lycée Alaoui à Tunis, l’un des 591 établissements partenaires de cette opération appelée «Tunisie88» en référence aux 88 touches du piano.
Il est 13h00, alors que des élèves sortent par grappes pour aller déjeuner, un petit groupe de jeunes se dirigent vers une salle au fond de la cour. Comme toutes les semaines, c’est un atelier musique. Un piano, une guitare, une darbouka et une chorale motivée. En arabe, en anglais, en français ou en italien, les chants s’enchaînent.En tout, une cinquantaine de jeunes ont décidé de rejoindre cet atelier. Comme Zeynab, 16 ans : «Ma vision de la vie a changé grâce à ce club. Avant, je restais seule, je gardais tout pour moi, je n’aimais pas me mêler aux autres. En rejoignant ce club, je me suis trouvé une famille, des amis qui sont là quand j’ai besoin d’eux en toutes circonstances». Mondher, 18 ans, acquiesce : «Avec l’administration du lycée, cela a changé des choses aussi. Avant, ils étaient durs avec nous. Maintenant, les surveillants nous regardent différemment. Ils ne nous voient plus seulement comme des élèves». Alors que la Tunisie se débat avec une crise politique et économique intense, Rabaa Mwelhi, la coordinatrice du programme à l’échelle nationale, voit dans ces ateliers une sorte de refuge pour la jeunesse tunisienne. «On essaye de garder les enfants un peu couvés, souligne-t-elle. Ils sont dans leur univers, ils sont dans la musique, ils sont dans l’amour du pays, ils sont dans la création musicale, ils sont dans la collaboration». «Dans ce cadre différent, les élèves nous font davantage confiance». Au-delà de l’apprentissage musical, les responsables de cette initiative voient dans la musique un facteur d’apaisement et de cohésion dans les écoles tunisiennes. C’est ce qu’a constaté Yousra Mabrouki, la surveillante générale du lycée Alaoui de Tunis qui chapeaute les ateliers. «Quand le club a été lancé, on a commencé avec seulement quatre élèves, raconte-t-elle. La première année, on a gagné un concours grâce à une chanson qu’on a composée ensemble.
On a reçu un grand piano comme prix, une grande fierté pour nous. Les générations passeront et ce piano restera un trésor pour nous ».
Elle poursuit : «Maintenant, mon rêve c’est d’avoir la plus grande chorale possible parce que tous les élèves ne peuvent pas apprendre à jouer d’un instrument. Tout le monde n’en a pas les moyens. Ceux qui savent en jouer apprennent aux autres. C’est l’esprit de groupe que j’essaye de leur inculquer à travers cet atelier. Je veux qu’ils apprennent aussi à s’aimer. La musique est un pont pour cela». Yousra Mabrouki conclut : «Dans ce cadre différent, les élèves nous font davantage confiance, ils ne me voient plus comme la «surveillante générale». J’ai tellement gagné en termes de communication avec les élèves grâce à ce club. Beaucoup d’amour aussi. Et ça, ça n’a pas de prix».
(Source: RFI)