Présentée dans le cadre du Festival Femena Fest (du 16 au 18 mars), la pièce de théâtre «Tribu» évoque la condition féminine dans sa pluralité. Traversée par la poésie, la danse et la… colère, «Tribu» rend également hommage aux femmes iraniennes.
Dans un croisement entre le théâtre, la danse et la poésie, la pièce «Tribu», produite par Notre Dame des Mots, donne à voir sur scène dix jeunes femmes. Les cheveux lâchés, en robes longues, soyeuses et aux couleurs chatoyantes, elles clament des textes poétiques en arabe classique, en dialecte tunisien, en français et même en iranien, signés par Amal Khlif, Sabrine Ghannoudi, Raoua Khouildi, Rihab Ben Mohamed, Abir Naama, Mohamed Klini, Frida Khalo, Farough Farghazad et Barbara Weldens. De par le geste et les mots, elles racontent la pluralité des femmes et en même temps leur unicité. Chacune est différente tout en s’avançant chacune comme étant le miroir de l’autre. Les femmes au foyer, les séductrices, les violentées, les persécutées par un pouvoir politique plus que machiste, les amoureuses, les abandonnées, les mal mariées, les muses, les rêveuses, les sensuelles, les affranchies, les inquiètes, celles au bord de la crise de nerf…
«Dans ma voix, il y a une tribu de femmes. Et dans ma tête dix femmes», répète, d’après les paroles d’Amel Khlif, une des dix comédiennes de la pièce.
Une autre réplique à travers le fameux poème de l’artiste peintre et poétesse mexicaine, Frida Khalo : «Tu mérites un amour qui t’écoute quand tu chantes, qui te soutient lorsque tu es ridicule, qui respecte ta liberté, qui t’accompagne dans ton vol, qui n’a pas peur de tomber. Tu mérites un amour qui balayerait les mensonges et t’apporterait le rêve, le café et la poésie».
Ainsi va la pièce, d’un poème à l’autre, d’un univers à l’autre et d’une vie à l’autre. L’influence de la chorégraphe et danseuse allemande Pina Bausch est ici évidente. La grande dame de la danse contemporaine allemande avait, dans les années 70, inventé la danse-théâtre, en créant un style expressionniste unique qui avait été controversé à ses débuts avant d’être mondialement reconnu. A part les costumes des actrices inspirés de ceux de Bausch, un autre point commun avec l’œuvre de la chorégraphe allemande s’exprime à travers la focalisation sur des préoccupations du quotidien de personnes «normales». Cet «ordinaire» confiné dans l’ombre des foyers ou dans des vies sans grande histoire devient le sens même de l’œuvre artistique.
D’une belle facture esthétique, la force de «Tribu» repose sur les émotions et la belle présence sur scène des dix comédiennes-danseuses, emportées parfois par une musique tonitruante. Leurs mouvements sont habillés de tension, à la mesure d’une condition basée sur les discriminations, l’injustice et l’asservissement.
Derrière l’idée de cette création, il y a une femme-orchestre, Sabrine Ghannoudi. Actrice, poétesse et productrice de la pièce, elle est la fondatrice en 2015, avec deux de ses compères, Amel Oueslati et Mohamed Ali Jendoubi, d’une manifestation basée sur les textes de femmes : Notre Dame Des Mots. Mais quelques années après la mise en place de cet évènement annuel, la jeune femme veut faire évoluer cette expérience. C’est ainsi qu’elle commence à imaginer un travail enrichi par plusieurs expressions artistiqués, fondé sur des textes de femmes et interprété par des comédiennes, certaines professionnelles et d’autres pas. Le processus de création de «Tribu» prend deux années et accapare toute… la passion de Sabrine.
La semaine prochaine, la «Tribu» de Sabrine Ghannoudi et de toute l’équipe, à savoir Sabri Atrous (scénographie), Amel Laouini (conception des scènes), Walid Hsir (Lumières) retourne à El Teatro, là où la pièce a vu le jour.