L’avènement du mois saint nous ressuscite les souvenirs du bon vieux temps et nous donne l’occasion de renouer avec la tradition de manger en famille et célébrer les belles veillées ramadanesques et dans la ville et dans les mosquées.
Kairouan a toujours réservé au mois saint une ambiance particulière et un accueil privilégié. En fait, Ramadan est traité comme un invité de marque qu’on tient à accueillir avec les honneurs dus à son statut de mois sacré pour lequel on s’évertue à assurer les meilleures conditions de séjour dans une sorte de procession du corps et de l’esprit. C’est pourquoi il faudrait découvrir la capitale aghlabide au mois du carème quand elle s’anime tout entière dans la foi et la ferveur, dans les cérémonies religieuses, les traditions culinaires ancestrales, les veillées familiales et les activités culturelles pluridisciplinaires.
Outre les coups de canon quotidiens, l’un pour annoncer le début du jeûne, le second pour annoncer sa fin, on aime bien écouter les haut-parleurs des mosquées et la diffusion d’extraits du Coran.
Par ailleurs, même si de nos jours, tout le monde a des radios-réveils, on tient à ce qu’on soit réveillé pour le shour par le tabbel, ce noble métier ramadanesque, comme nous le confie Fethi H., 56 ans: «Suite au décès de mon père, j’ai décidé de prendre la relève et de perpétuer la tradition familiale dont j’ai appris toutes les techniques de fabrication, surtout en ce qui concerne le remplacement de la peau de chèvre, une fois usée. Et même si parfois je suis confronté au froid nocturne ou aux intempéries, j’éprouve un grand plaisir à réveiller les citoyens qui sont très reconnaissants et qui trouvent que Ramadan sans les sons de la tabla ressemblerait à un Ramadan dans une ville européenne.
De plus, beaucoup qu’enfants me suivent dans mes tournées, tapent des mains et m’encouragent dans ma besogne. Il y a une sorte de complicité entre nous et une ambiance chaleureuse».
N’oublions pas les pâtisseries…
Ramadan c’est aussi céder aux envies de toutes sortes dont celle de s’approvisionner en sucreries. D’où le regain d’activités que connaissent les pâtisseries et les boutiques de zlabia, de mkhareq et de makroudh aux différentes recettes. Notons que si beaucoup de citoyens choisissent de s’approvisionner dans ces différentes échoppes qui rivalisent de savoir-faire et connaissances, d’autres kairouanaises, friandes de traditions culinaires et de réjouissances gastronomiques, préparent à domicile des mets succulents à partir d’un certain nombre d’ingrédients: bouzza aux grains de pin, mhalbia, samsa à la pâte d’amande, kaâk feuilleté au smen et à la pâte d’amandes, les oudhnin el kadhi, les qtaïef aux sésames délicatement moelleux, la bellouzza aux amandes, le bachkoutou aux noix, le akid si harmonieux et évidemment les fameux makroudhs aux amandes ou aux dattes. Et pour la collation du shour, on prépare le mesfouf, mélangé aux fruits secs.
Le pain indétrônable
En fait, Ramadan est un mois exceptionnel au cours duquel la vie sociale s’intensifie à travers des sorties et des visites et où l’exubérance nocturne succède à l’abstinence diurne.
Et malgré la flambée des prix des produits de première nécessité, on succombe à la frénésie d’achats même si on doit s’endetter.
Par ailleurs, en fin d’après-midi dans les souks, l’animation grandit à l’approche de la rupture du jeûne. On peut voir partout des étals à pain aux différentes variétés (aux olives, aux oignons, à l’huile, tabouna, pain complet, pain aux bzezel, etc.).
En outre, les boulangeries réputées sont prises d’assaut et on n’hésite pas à pénétrer à l’intérieur tout près du four et des lieux de pétrissage : chacun veut être servi le premier et on se plaît à sentir la bonne odeur du pain traditionnel spécifique dont le raffinement, le goût et la qualité sont connus dans tout le pays et même à l’étranger. Alors, les gens oublient pour un mois la peur du mauvais cholestérol, du taux élevé de glycémie pour bien profiter des envies de toutes sortes.