Avec la pédagogie de l’universitaire, la précision du financier, le charisme de l’homme d’Etat et la plume d’un fin lettré, Chedly Ayari, en grand acteur et témoin, nous livre un éclairage exceptionnel.
Sur plus de 500 pages, Chedly Ayari revient sur son parcours pluriel. Mais, d’emblée, il prévient le lecteur qu’il ne s’agit ni de devoir de mémoire, ni d’essai historique, ni d’essai autobiographique, ni de témoignage. Mais, plutôt, d’un travail de mémoire « dans l’espoir de pouvoir y voir plus clair, écrira- t-il, dans ma pérégrination à travers les quatre moments qui ont rythmé mon parcours : le moment universitaire, le moment diplomatique, le moment politique et le moment financier ».
C’est sans doute un livre-évènement, celui du Pr Chedly Ayari, qui vient de paraître sous le titre de Carnet de route d’un artisan de la Tunisie du XXe siècle, aux Editions Leaders. Un récit exceptionnel, un témoignage de première main et une série d’analyses perspicaces. Le style raffiné de l’auteur y confère une note particulière.
Chedly Ayari, qui nous a quittés discrètement il y a deux ans, le 28 janvier 2021, en pleine pandémie de Covid, aura marqué sa génération. Universitaire, diplomate, ministre de Bourguiba et financier, il a été témoin et acteur pendant près de 60 ans de moments forts vécus en Tunisie et à l’étranger.
A peine avait-il remis sa démission de ses fonctions de gouverneur de la Banque centrale de Tunisie, le 16 février 2018, qu’il retrouva avec bonheur son bureau-bibliothèque, chez lui, surplombant la baie de Tunis. De ces hauteurs, il contemplera la mer, réfléchira sur ce qui s’est passé et ce qui se passe et replongera dans ses lectures.
Longtemps, Chedly Ayari rechignera à rédiger ses mémoires. Par modestie. Par discrétion. Jusqu’au déclic. « En cet automne pandémique de l’année 2020, l’octogénaire que je suis aujourd’hui, écrira-t-il, est, une fois de plus, brutalement rappelé à l’ordre par les silences qu’il a observés jusqu’à présent, au grand dam des siens, et peut-être bien de certains de ses amis, sur sa vie, et plus encore sur son parcours professionnel, long de cinq décennies et demie ».
Assidu à la tâche, il se mettra à l’ouvrage, prenant de la hauteur, ne gardant que l’essentiel, ciselant son texte d’une plume raffinée, nourrie d’une pensée dense, enrichie d’une analyse pertinente.
L’ouvrage était quasi finalisé, mais le destin ne lui laissa pas le temps de passer à une ultime relecture avant de lancer l’édition. Le titre qu’il avait choisi s’inscrit dans sa modestie naturelle : « Carnet de route d’un artisan de la Tunisie du XXe siècle ». Un legs précieux à porter et à transmettre.
Le récit est passionnant. La carrière politique ne manque pas, elle aussi, de révélations. Chedly Ayari décrit le fonctionnement du système, les défis à relever et les équipes à mobiliser.
Ces « pérégrinations » sont en fait riches d’enseignements. Chacune des étapes s’avère édifiante, instructive, agréable à découvrir. L’évocation des faits est croisée par l’analyse du contexte, le décryptage des enjeux, la mise en perspective des décisions prises.
Avec la pédagogie de l’universitaire, la précision du financier, le charisme de l’homme d’Etat et la plume d’un fin lettré, Chedly Ayari, en grand acteur et témoin, nous livre un éclairage exceptionnel. Un album de plus de 140 photos et documents vient illustrer un récit passionnant.