La zone d’El Messaïd souffre de plusieurs maux dont une infrastructure générale défectueuse, de mauvaises conditions socioéconomiques, le manque d’eau potable dans plusieurs douars, d’absence totale de parcs de loisirs, de clubs ruraux, de maisons de la culture ou des jeunes, d’un taux élevé de chômage et de décrochage scolaire…
D’ailleurs, pendant les vacances scolaires et les jours fériés, les jeunes ne trouvent aucun lieu pour se défouler, se distraire et décompresser. C’est pourquoi certains choisissent de fréquenter des clochards qui les initient à la cigarette et à la drogue…
D’autres préfèrent investir le stade du collège d’El Messaïd pour y jouer au football sans la présence de gardien ou d’ouvriers. Malheureusement, l’après-midi du lundi 1er mai 2023 a été dramatique, puisque un jeune élève, Ammar Brahmi, âgé de 7 ans et inscrit en 2e année primaire, a été blessé gravement à la tête, suite à la chute de la barre de la cage, pendant qu’il jouait au ballon avec ses copains.
Et comme le dispensaire d’El Messaïd est fermé et qu’il ne reçoit la visite du médecin qu’une fois par semaine, on a été obligé de l’emmener à l’hôpital d’El Ala, situé à 15 km. Et vu que la route est défectueuse et presque impraticable, il a fallu au véhicule plus de 30 minutes pour joindre El Ala, mais c’était trop tard et Ammar qui a subi une hémorragie interne est décédé.
M. Sahbi Mokhtar, activiste de la société civile à El Messaïd, explique que cela fait plusieurs années que les habitants d’El Messaïd ont revendiqué, à travers des sit-in, l’amélioration de cette «route» et l’ouverture du dispensaire de jour comme de nuit. Seulement, rien n’a été fait malgré les nombreuses promesses : «D’ailleurs, dans notre imada, on a enregistré beaucoup de décès suite à des chutes accidentelles ou à des morsures de serpent. Et comme il faut beaucoup de temps pour qu’une ambulance ou un autre véhicule puisse accéder aux différents douars, beaucoup de citoyens ont trouvé la mort en cours de route. En outre, l’absence de terrains de quartiers pousse de jeunes enfants à fréquenter le stade du collège d’El Messaïd avec l’approbation tacite du directeur qui a pitié de ces jeunes désœuvrés et voilà que Ammar, sorti pour se distraire, a trouvé la mort…».
M. Frej Romdhan, entraîneur à la retraite à El Messaïd, se confie à une radio régionale: «Cela fait plus de quatre fois que cette barre a chuté sur des élèves qui ont été obligés de subir des points de suture. De plus, la route reliant El Messaïd à El Ala laisse à désirer, et ce, malgré les fonds alloués à sa rénovation depuis plusieurs années.
Ammar aurait pu être sauvé si on avait pu le secourir sur place afin qu’il ne perde pas tout son sang. Et puis, je me demande que font des élèves du primaire dans un collège ? Où sont les surveillants et les gardiens?».
Autre témoignage, celui de Mme Karima Khlifi, docteure chercheuse, originaire d’El Messaïd, explique qu’elle a voulu créer un club afin de permettre aux jeunes de s’adonner à des activités culturelles, seulement on lui a mis les bâtons dans les roues en lui disant qu’elle devait avoir l’approbation des responsables du secteur de la jeunesse et de l’enfance…
«Pourtant, j’étais prête à m’investir dans ce projet et j’ai même contacté mon voisin afin qu’il me laisse un local vide, ce qu’il a fini par accepter.
Seulement, la bureaucratie et la marginalisation freinent toutes les bonnes volontés. La mort tragique de Ammar n’est pas la première de ce genre dans une délégation dont toutes les imadas sont délaissées.
Ainsi, on assiste aujourd’hui au désœuvrement des jeunes marqués par le chômage, l’ennui et les difficultés de la vie. Ce malaise général, aggravé par la crise économique et sociale qui s’amplifie et la cherté de tous les produits de première nécessité, a créé un sentiment de mal-être chez les habitants. Beaucoup ont perdu le sens et le goût de la vie, ainsi que le sens du relationnel…».
Notons que la nouvelle de la mort du jeune élève a sonné comme un coup de tonnerre. C’est un tsunami qui a balayé le bonheur familial, et leur existence a basculé depuis que leur enfant est parti pour un autre monde. Sa maman, qui travaille au collège d’El Messaïd, est sous le choc et totalement effondrée…