Film «Alam» de Firas Khoury: Petits héros et grande résistance

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La projection actuelle dans les salles tunisiennes du film «Alam», du cinéaste palestinien Firas Khoury, coincide avec le 75e anniversaire de la nakba (grande catastrophe), lorsqu’en 1948 près de 75.000 Palestiniens ont été chassés de leurs terres dans la Palestine historique. Le film rend hommage, avec poésie et tendresse, à la jeunesse palestinienne qui n’oublie pas.


«Alam» (Drapeau en français), une production franco-palestino-tunisienne, démarre sur un tag inscrit sur le mur de l’école où se déroulent les événements du long métrage de Firas Khoury : «Le jour de leur indépendance est celui de notre nakba». Dès le premier abord, le tag donne le ton du film : la volonté d’une résistance pacifique. Mais encore d’une «mémoire pour l’oubli», selon les mots du poète palestinien Mahmoud Darwich. D’ailleurs, de par la puissance de sa richesse symbolique, ce film rappelle le style et l’œuvre de Darwich. «Alam», premier long métrage du cinéaste Firas Khoury, connu pour ses succulents courts métrages dont «Maradona’s Legs» (2019), foisonne d’images, que le spectateur peut interpréter à sa guise, selon son imaginaire et sa vision de la question palestinienne. L’olivier qui brûle et la pluie qui vient à la rescousse, sa table de lycéen que Tamer, personnage principal du film, doit porter sur son dos (image christique par excellence), le décès d’un adolescent et l’arrivée d’une vie nouvelle et même le drapeau et tout ce que ce bout de tissu, emblème d’une nation, représente comme signe de ralliement et d’unité.

Guerre de drapeaux

C’est d’une opération d’échange de drapeaux qu’il est question tout au long du film. Tamer, adolescent palestinien plutôt timoré, poursuit ses études avec ses amis dans les territoires israéliens. L’arrivée de la jolie Mayssaa dans sa classe bouleverse le calme plat de sa vie, oscillant entre hashich, sorties en voiture avec les copains et études menées cahin-caha malgré l’insistance menaçante de son père pour qu’il ne prenne pas un autre chemin que celui de la réussite scolaire. Presque malgré lui, Tamer va s’engager, un pas en avant, un pas en arrière, dans la guerre des drapeaux. Ses amis parmi les plus opposés à la colonisation, boostés par l’audace, l’intrépidité et la détermination de Mayssaa veulent remplacer le drapeau israélien de l’école par le drapeau palestinien le jour de l’indépendance israélienne, qui coïncide avec un jour de deuil pour les Palestiniens puisqu’il commémore la «nakba». Malgré le cours d’histoire où le professeur donne la version israélienne de ce qui s’est passé entre une période allant de 1947 jusqu’au 15 mai 1948 (il y a 75 ans aujourd’hui), lorsque près de 750.000 Palestiniens ont été déplacés, forcés de quitter leurs terres et leurs maisons, les jeunes héros du film crient en pleine classe : «C’est une falsification de l’histoire !» et «C’est de nettoyage ethnique qu’il s’agit, non les Palestiniens ne sont pas partis de leur propre gré !».

Tamer, inspiré par l’amour de Mayssaa, va dépasser la peur et participer à sa première manifestation. Sa conscience politique est née.

«Alam», produit en 2022, a remporté plusieurs prix dans de prestigieux festivals, tels que Toronto et Le Caire. Entièrement tourné en Tunisie, puisque Firas Khoury vit dans notre pays depuis sept ans, il raconte une séquence de la vie du réalisateur né à El Khalil en Palestine occupée.

«J’ai été Tamer, l’adolescent timide avec les filles et plutôt renfermé. J’ai subi ces cours d’histoire basés sur le mensonge et la propagande d’Etat. Ce qui, par contre, différencie la nouvelle jeunesse palestinienne des anciennes générations, c’est qu’elle traite avec l’occupant d’égal à égal. Elle a toute mon admiration», a déclaré Firas Khoury, lors de sa rencontre avec le public après la projection de son film dans le cadre du Cinéclub de Tunis, au Rio, mercredi.

Le film est programmé dans plusieurs salles de Tunis. Il sera projeté en France dès le 7 juin prochain.

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