La première exposition personnelle de Sonia Ben Slimane Besada, qui se déroule jusqu’au 23 juin à la galerie Musk and Amber, dénote un rapport insouciant et libre avec la réalité. La fraîcheur du regard de l’artiste garantit le bonheur du visiteur.
Dans « From North to South Tales » (Contes du Nord au Sud), l’exposition actuelle de Sonia Ben Slimane Besada, les poissons portent les vagues dans leurs ailerons, les océans débordent de chats baigneurs imperturbables aux nageoires infinies, le soleil se déguise en citron jaune, le chat aux pattes de géant cherche continuellement à attraper l’oiseau. Mais on ne sait toujours pas, malgré la répétition de cette scène au fil des tableaux et des sculptures, si c’est pour le dévorer, le secourir ou encore l’inviter au jeu et à l’amitié. Ces animaux fantasques, à la géométrie constamment variable, qui tentent de s’apprivoiser les uns les autres suggèrent-ils ces deux entités, le Nord et le Sud, en éternelle mutuelle reconquête ? Deux univers dans lesquels Sonia Ben Slimane Besada, très jeune artiste à la maturité étonnante, partage désormais sa vie.
Ne surtout pas rationnaliser ces images fantasques
Un conseil à offrir à un éventuel visiteur de l’exposition ? Ne surtout pas tenter de rationaliser ces images fantastiques peuplées uniquement de végétaux, d’animaux et de châteaux habillés de brouillard, qui défilent devant vos yeux. Vous y perdrez au change ! Car ici, l’inattendu, l’étrange, le merveilleux surgissent à chaque dessin, à chaque pastel, à chaque encre de Chine, à chaque peinture, à chaque pièce de faïence et à chaque sculpture. En fait, c’est de réalisme magique qu’il s’agit, un genre puisé dans le conte et qui dénote un rapport insouciant, renversant et libre avec la réalité. Lorsque le fantasque fait irruption là où on attend le moins ! Seuls les artistes, dans leur immense générosité, ont le pouvoir de nous communiquer ce monde parallèle, qui se cache derrière le visible, le connu, l’ordinaire.La poésie domine ici et s’exprime également à travers les titres que portent les œuvres de la plasticienne : « L’hiver salue le printemps », « Promesse nocturne », « Sous les néons de la lune », « Morosité d’une terre oubliée », « Liberté chimérique », « L’Univers est un océan cobalt », « Rêve sous les néons », « Bénédiction aux trois parfums »…On y célèbre les éléments d’une planète en danger de mort. Fille du céramiste Khaled Ben Slimane, Sonia Ben Slimane Besada, diplômée de l’Ecole d’art de Copenhague, au Danemark, et de l’Ecole nationale supérieure des arts de Limoges, est tombée dans la marmite de la matière, que manipule son père avec grand art très tôt. Or, à chacun son style, son imaginaire et son œuvre. Avec gourmandise et talent, Sonia utilise pratiquement toutes les techniques à la disposition d’un plasticien, s’en jouant, les mixant, les superposant allègrement. Ses couleurs, des rose vifs, des jaune citron, des bleu horizon, des rouge tomate, sont un feu d’artifice chromatique. Un festival pour les yeux. Une félicité joyeuse pour tous les sens. Ils nous font penser, par leur dimension étrange, parfois à «La terre est bleue comme une orange. Jamais une erreur les mots ne mentent pas», fameux poème du surréaliste Paul Eluard. Malgré son jeune âge, Sonia Ben Slimane Besada a à son actif plusieurs expositions collectives et un prix, celui de la photo, qui lui a été décerné en 2018 par l’Institut français de Tunis (IFT). L’art contemporain tunisien se targue d’accueillir cette nouvelle venue !