Partout ailleurs, sur le reste du territoire national, la médecine de spécialité fait encore défaut, d’autant plus que le ministère de la Santé a failli à son rôle de bon commandant.
On n’en finit pas d’organiser les journées médicales et multiplier les caravanes multidisciplinaires tous azimuts, sans jamais penser à s’attaquer, une fois pour toutes, aux vrais problèmes de la santé, dont la médecine de spécialité. Cette dernière, qui s’érige en privilège spécifique pour certaines régions, ne l’est pas pour beaucoup d’autres.
Faute de quoi, nos régions intérieures continuent à compter leurs patients victimes d’un dispositif de santé à deux vitesses qui n’a fait, au fil du temps, qu’exacerber les inégalités et les clivages sociaux. Discrimination positive, ce vocable, bien dit et dont on entend parler à merveille, n’est qu’un jargon figé, ne serait-ce qu’un faux semblant. Le droit d’accès aux soins, la réalité en dit long. C’est que les chiffres ont mis à nu une vérité qui dérange : près de deux millions de Tunisiens n’ont aucune couverture sanitaire, alors que les trois quarts de la population ont du mal à bénéficier de soins de qualité dans nos hôpitaux. Et pourtant, l’on paye aussi cher des consultations médicales et on continue à consommer assez de médicaments qui ne sont plus à la portée de tous.
Nul ne répond à l’appel
Partout ailleurs, sur le reste du territoire national, la médecine de spécialité fait encore défaut, d’autant plus que le ministère de la Santé a failli à son rôle de bon commandant. Le ballet des chefs, ayant succédé à ce département, fit valser les mots et les souhaits, mais le résultat demeure toujours peu reluisant. Il n’y a ni bonne stratégie ni actions porteuses. A preuve, le projet de réforme sanitaire, lancé depuis une bonne dizaine d’années, fait encore du surplace, quitte à partir en fumée. Nos hôpitaux locaux ne se dotent, ou presque, d’aucun médecin spécialiste. A moins que certains s’y déplacent, volontairement, lors d’une caravane de santé. D’autres hésitent toujours à répondre à l’appel.
Entre-temps, l’eau a coulé sous les ponts ! Et le constat est devenu de plus en plus alarmant. Soit, autant d’incidents et drames hospitaliers de trop qui sont le corollaire d’une inertie médicale en flagrant délit. Combien de femmes ont trouvé la mort à bord d’une ambulance mal équipée, parce qu’elles n’ont pas pu accéder à un service de gynécologie dans leur hôpital local. Et combien de fois l’absence d’un médecin spécialiste a coûté la vie à plusieurs patients démunis. A cela s’ajoutent des équipements et des moyens plus souvent désuets et hors exploitation. Scanners et IRM étant constamment en veilleuse, alors que d’autres services fonctionnent au ralenti. Dans nos hôpitaux publics, sans exception, prendre un rendez-vous relève d’un parcours du combattant. Un calvaire !
Paroles en l’air !
Aucun ministre n’a eu le courage d’avancer sur ces problèmes de santé. La passivité de l’Etat est telle qu’il n’arrive pas à mettre les doigts sur la plaie. Mais il y a souvent des cris de détresse et des voix qui s’élèvent pour dénoncer cette situation. Médecine de spécialité, on en redemande. On en a assez besoin ! Il était, autrefois, au temps de Said Aïdi, ancien ministre de la Santé, un programme visant à renforcer les hôpitaux des régions prioritaires en médecins spécialistes. Lancé, précisément en 2016, lequel programme s’est focalisé, a priori, sur six spécialités à créer, à savoir la gynéco-obstétrique, la pédiatrie, la chirurgie générale, l’anesthésie, la réanimation, la radiologie et la chirurgie osseuse.
Et ce n’est pas tout. L’ex-ARP avait, dans le cadre de la loi de finances 2016, adopté un article permettant la mobilisation de 26 millions de dinars, en guise de fonds consacrés à la généralisation de la médecine de spécialité dans les régions. Depuis, on ne voit rien venir, jusqu’ici. Paroles en l’air ! Aussi, faut-il œuvrer à redistribuer la carte de santé ?
Qu’en est-il de la politique nationale de santé 2030, déjà adoptée par le gouvernement, ainsi que la charte pour la réforme du système de santé, signée par les différentes parties prenantes ? Que pense-t-on encore de la télémédecine et son rôle dans le rapprochement des prestations de soins auprès des patients ? En vogue, mais cette pratique à distance ne remplace jamais une consultation personnalisée ou examen médical sur le tas. Du reste, la médecine de spécialité est une urgence. Il faut parer au plus urgent.