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Analyse | Le tourisme tunisien entre retard et succès

Certains analystes avisés plaident pour une diversification de l’offre touristique tunisienne, en misant sur le tourisme culturel et de congrès, le tourisme écologique et le tourisme alternatif entre autres. Mais recommandent de procéder, dans un premier temps, à diverses réformes afin de préparer le terrain. « On ne peut pas innover, changer de configuration ou attirer de nouveaux investissements avec le même arsenal juridique et fiscal ».

Si les indicateurs du secteur touristique tunisien relatifs au premier trimestre de l’année courante semblent converger vers une certaine amélioration, les chiffres qui en découlent ne devraient pas être l’arbre qui cache la forêt. Autrement dit, si les recettes touristiques ont affiché une augmentation de 66% pour atteindre une valeur de 881 millions de dinars par rapport à la même période de 2022, et si le nombre d’arrivées en Tunisie s’élève  à près de 1,4 million, soit une augmentation de 11,8% par rapport à la même période de 2019, selon des statistiques officielles, cela ne devrait pas nous empêcher de nous poser les bonnes questions.

Pourquoi le tourisme tunisien stagne-t-il depuis des années ? Qu’est-ce qui entrave sa marche ? Et pourquoi l’autorité de tutelle peine-t-elle à orienter sa boussole ?

Pour répondre à ces questions, La Presse a approché et les acteurs du secteur et l’autorité de tutelle. Pour ce qui est des premiers, la lecture la plus pertinente a émané d’un grand professionnel qui a exigé l’anonymat. Se mettant aux antipodes de ceux qui stigmatisent le tourisme de masse, donc le tourisme classique, ce dernier classe les maux du secteur ailleurs et les répertorie sur  trois niveaux.

Une industrie hôtelière démodée et vieillotte

Le premier volet concerne, selon lui, l’industrie hôtelière qui bat de l’aile, en raison d’un endettement grandissant. « Figurez-vous que l’endettement de bon nombres d’hôtels tunisiens a atteint le niveau 5, la pire des notes qu’on puisse attribuer à un établissement hôtelier. Ensuite, comment voulez-vous qu’un hôtel interdit de chéquier parvienne-t-il à améliorer ses services et son infrastructure ? », argue-t-il.

Pour lui, le tourisme de masse et l’offre classique ne constituent en aucun cas une entrave au développement de l’industrie touristique, mais c’est plutôt la qualité des services fournis aux visiteurs qui demeure très en deçà des attentes. « Dans le monde, le tourisme classique totalise 80 à 90% de l’offre touristique. Ensuite, l’Espagne, deuxième destination mondiale après la France, a réussi à redorer son blason grâce au tourisme classique », détaille-t-il.

S’attardant sur un autre point focal, le même professionnel met en cause des services de piètre qualité : « Les principaux acteurs de l’industrie touristique multiplient les études et stratégies sans pour autant parvenir à saisir l’origine du mal ou encore à commencer par revoir et évaluer leur rendu, c’est-à-dire la médiocrité des services fournis et l’absence d’innovations et de créativités ».

Dans la même optique, le même professionnel met en cause une panoplie de lois, de procédures et de démarches caduques qui ne fait qu’accabler tout dirigeant ou responsable tentant de booster son projet et, plus largement, un secteur qui tourne au ralenti depuis des années.

« On ne peut pas demander à un homme enchaîné de courir tel un athlète », ironise-t-il, en pointant des pratiques bureaucratiques qui n’ont de cesse de démotiver tout investisseur étranger désireux de s’établir en Tunisie.

La diversification de l’offre touristique pour une meilleure attractivité

En novembre 2019, lors d’un colloque organisé par l’Office national du tourisme tunisien (Ontt), a été présenté le programme d’appui à la diversification du tourisme, au développement de l’artisanat et à la valorisation du patrimoine culturel, baptisé «Tounes wejhatouna», (Tunisie, notre destination). Ce programme, financé à hauteur de 51 millions d’euros, devra s’articuler autour de trois grands axes, à savoir la diversification et le renforcement de la qualité de l’offre touristique, en collaboration avec la GIZ, le renforcement des chaînes de valeur dans les domaines de l’artisanat et du design et la valorisation du patrimoine culturel dans l’offre touristique. Qu’en est-il aujourd’hui ? La réponse se trouve du côté de ceux qui cherchent encore à tirer gloriole de réalisations incomplètes.

Abondant dans ce sens, l’universitaire et spécialiste du tourisme Moez Kacem plaide pour une diversification de l’offre touristique tunisienne, en misant sur le tourisme culturel et de congrès, le tourisme écologique et le tourisme alternatif entre autres. Mais il recommande de procéder, dans un premier temps, à plusieurs réformes de fond afin de préparer le terrain. « On ne peut pas innover, changer de configuration ou attirer de nouveaux investissements avec le même arsenal juridique et fiscal. Un inventaire de la législation est hautement sollicité, de nouveaux textes régissant les concepts basiques comme la définition d’un établissement touristique, par exemple, et les concepts compliqués à l’instar de la classification, des cahiers des charges, etc. doivent être remis à jour pour faciliter et orienter de futurs projets vers de nouveaux territoires, l’inclusion sociale et la durabilité », fait-il observer.

En second lieu, notre spécialiste insiste sur le grand travail d’amélioration des paysages, de propreté et de perfectionnement des infrastructures communes qui doit être accompli, afin de réconcilier le citoyen avec le tourisme et de « changer son image, plutôt dégradée, chez les nationaux ».

Les premières impressions sont déterminantes

Dans la même perspective, l’expert-analyste pense que la compagnie nationale Tunisair doit impérativement faire peau neuve. De même, l’aéroport de Tunis-Carthage est à rénover entièrement. Car les premières impressions sont déterminantes, comme on dit.

Si la compagnie nationale a, selon lui, besoin d’un soutien financier plus important, l’aéroport de Tunis-Carthage, première et dernière image de la destination, doit être mis à niveau, tout en œuvrant à le relier convenablement à la ville par plusieurs moyens de transport (métro, bus, etc.).

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