Transition énergétique : D’où vient le blocage ?

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Mauvaise élève de la transition énergétique, la Tunisie peine à basculer vers les énergies renouvelables. Pourtant, elle était bien partie pour cette transformation, tant nécessaire sur le plan environnemental et surtout économique. Une révision de la réglementation en vigueur est impérative pour renforcer la confiance des investisseurs privés dans le secteur.

Les efforts, dans ce domaine, datent de 2009, avec l’élaboration du premier Plan solaire tunisien (PST) et la mise en place d’un cadre réglementaire favorisant la production des énergies renouvelables. Le projet a été vite laissé en plan, après 2011, lorsque tout l’intérêt s’est porté sur les débats politiques.

Et ce n’est qu’en 2014 que la question énergétique a été remise sur la table, dans un contexte où le déficit énergétique a atteint des seuils inquiétants, grevant le budget de l’Etat en raison de l’éclatement des dépenses de subvention à l’énergie qui ont été multipliées par 6 entre 2010 et 2013.

En décembre 2013, la Tunisie s’est munie d’un nouvel outil, qui a été, alors, salué par les experts et qui aurait joué un rôle important dans la promotion des énergies renouvelables. Il s’agit du Fonds de la transition énergétique, créé en vertu de la loi de Finances 2013. Mais le décret d’application organisant les modalités de fonctionnement du fonds, qui n’a vu le jour qu’en 2017, laisse à désirer.

«Malgré la publication du décret n° 2017-983 du 26 juillet 2017 qui fixe les règles d’organisation et de fonctionnement du FTE, ces modalités techniques d’accompagnement du fonds par des prêts supplémentaires et des dotations remboursables ou une participation au marché des capitaux restent à définir, et son intervention actuelle se limite à l’octroi de subventions», nuance, en ce sens, Imen Louati, chercheuse et responsable du programme écologie politique au bureau Afrique du Nord de la Fondation Rosa Luxemburg basé à Tunis, dans sa publication «Tunisie : de quoi la transition énergétique est-elle le nom ?». «Pour que le Fonds puisse soutenir de façon efficace les énergies renouvelables dans le pays et assurer leur bon développement, il convient en premier lieu de mobiliser les fonds nécessaires auprès des secteurs public et privé. Des mesures incitatives, des prêts et des lignes de crédit doivent être mis à disposition par les institutions financières internationales à cette fin», explique, à cet égard, l’agence internationale pour les énergies renouvelables «Irena» dans son rapport «Evaluation de l’état de préparation aux énergies renouvelables» qui a été dédié à l’étude du contexte tunisien après la crise du Covid.

Des efforts mais…

La réforme réglementaire sur les énergies renouvelables s’est poursuivie en 2015, avec la promulgation de la loi organisant la production d’électricité à partir des énergies renouvelables pour ouvrir la voie aux investissements du secteur privé et libéraliser les règles concernant la production (et l’exportation) d’énergie propre.

En juillet 2016, le gouvernement a adopté la dernière version du PST, mise à jour par l’Agence nationale pour la maîtrise de l’énergie (Anme) en 2015, qui prévoit d’atteindre une capacité totale installée en énergies renouvelables de 1.860 mégawatts en 2023 et 3.815 mégawatts à l’horizon 2030, soit 30% du mix énergétique.

Or, aujourd’hui, la capacité installée dépasse à peine les 500 mégawatts et les énergies renouvelables ne représentent que 2,4% du mix de la production électrique. Des chiffres qui demeurent très éloignés des objectifs ambitieux du plan. Malgré ces progrès réalisés, comment expliquer alors le retard accusé dans une transformation aussi importante que vitale pour l’économie du pays ?

Il est d’abord, inutile de rappeler que la transition énergétique est, aujourd’hui un enjeu fondamental pour la Tunisie, compte tenu de l’aggravation de sa dépendance énergétique qui est passée de 5% en 2010, à environ 50% en 2022 et qui a donc alourdi l’ardoise des subventions à l’énergie atteignant en 2022 la somme faramineuse de 7,9 milliards de dinars.

Il faut noter, ici, qu’au cours de la dernière décennie, la Tunisie est passée sous les radars des investisseurs dans le domaine des énergies renouvelables, alors que des pays voisins ont pu profiter d’un marché en plein boom et qui continuera sur cette lancée au cours des prochaines années. Selon le dernier rapport de l’agence internationale pour les énergies renouvelables Irena, l’Afrique du Nord était le deuxième plus grand bénéficiaire des investissements dans les énergies renouvelables sur le continent au cours de la période qui s’est étalée entre 2000 et 2020, après l’Afrique australe. Le Maroc et l’Egypte ont reçu la majorité des financements, avec respectivement 47% et 45%, principalement au profit du solaire photovoltaïque (57%) et de l’éolien terrestre (22%).

En 2020, les investisseurs privés étaient à l’origine de 65% des financements injectés dans les énergies renouvelables en Afrique du Nord. Ce taux était de 11% seulement en 2013. Ces chiffres mettent en effet l’accent sur un des principaux obstacles au développement des énergies renouvelables en Tunisie ; le manque d’attractivité du secteur pour les investisseurs privés.

Les investissements privés, clé de réussite

En effet, il sied de rappeler ici que, dans le monde, environ 75% des investissements dans les énergies renouvelables sont financés par le secteur privé. Le PPP est, à vrai dire, un choix qui convient parfaitement au contexte économique tunisien, actuellement marqué par une crise financière aiguë ayant abouti à des ponctions sur le budget des investissements publics. L’agence internationale Irena explique, à cet égard, qu’une révision de la réglementation en vigueur est nécessaire, pour renforcer la confiance des investisseurs privés dans les énergies renouvelables. «Compte tenu des expériences passées et du manque d’informations et de clarté sur l’environnement réglementaire et le processus d’appel d’offres, une plus forte participation des principales parties prenantes au processus de révision du cadre réglementaire devrait permettre de répondre à certaines des préoccupations des investisseurs privés», a-t-on souligné dans le rapport.

Réduire la complexité des procédures administratives, mais aussi les délais d’octroi des accords, revoir le système actuel de comptage et de facturation pour les établissements raccordés au réseau MT qui sont assujettis au régime tarifaire uniforme, mettre en place des documents contractuels standardisés pour la soumission des offres, instaurer un mécanisme de garantie contre les risques de l’acheteur limite l’attractivité des Contrats d’achat d’électricité (CAE) figurent parmi les recommandations émises par l’Irena qui sont à même d’améliorer l’attractivité du secteur des énergies renouvelables.

En tout état de cause, ce n’est plus un choix pour la Tunisie : il faut foncer sur les énergies renouvelables, tant qu’il est encore possible de rattraper le retard accusé dans l’une des transformations les plus importantes pour l’économie tunisienne. Après tout, les «success stories» sont légion et la transition énergétique est en pleine croissance partout dans le monde.

Le Vietnam a réussi à faire passer la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique de 1% à 25% en seulement 4 ans, en adoptant des mesures incitatives. En 2021, l’Egypte a lancé le parc solaire Benben, le plus grand projet dans la région qui a vu la participation de 42 entreprises pour la mise en place d’une puissance de 4,6 gigawatts. Le projet a contribué à réduire les prix des énergies renouvelables et a augmenté leur part à hauteur de 42% dans le mix de la production électrique.

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