«Asswat Nissa» — Etude: L’austérité, facteur de fragilisation des femmes

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«L’impact des politiques d’austérité sur les femmes et groupes marginalisés», tel est le titre d’une étude que vient de réaliser «Asswat Nissa». L’association féministe y explore les façons dont les mesures d’austérité ont enraciné les inégalités, en particulier pour les femmes et les filles.

En raison de la crise économique qui sévit en Tunisie depuis plus de dix ans, le concept d’«austérité économique» a longtemps jalonné les discours du personnel politique et des experts économiques tunisiens. L’Association féministe «Asswat Nissa» a tenté dans une étude récente d’analyser les répercussions de ce système, fondé sur la compression des dépenses sociales et la privatisation des services de base dans l’éducation et la santé notamment, sur la vie et le bien-être des femmes, des filles et des groupes marginalisés. Le rapport examine particulièrement comment les compressions d’effectifs dans le secteur public nuisent le plus aux femmes et comment l’austérité alourdit le fardeau du travail non rémunéré pour les femmes.

Une série de recommandations est proposée à la fin du document. Ces recommandations insistent sur les paramètres que les Etats doivent prendre en considération lorsqu’ils envisagent des réformes économiques en vue d’une croissance durable et inclusive.

Les chiffres de l’inégalité

Les chiffres cités par l’étude montrent à quel point les inégalités sont palpables entre les femmes et les hommes quant à l’accès aux ressources. Ainsi en Tunisie 19,3 % seulement des femmes disposent de leurs propres revenus, contre 55,9 % des hommes. 3 % des femmes possèdent un bien immobilier, contre 12 % des hommes. Et bien qu’elles constituent 70 % des travailleurs agricoles, les femmes ne représentent les promotrices de projets agricoles qu’à raison de 3%. « Les réductions des dépenses publiques exacerbent davantage ces inégalités et cette désautonomisation, en entraînant un triple coût pour les femmes. Suite à l’élimination des emplois et des services du secteur public, les femmes pâtissent d’une perte d’emplois, d’un accès plus limité aux services et d’un fardeau de travail non rémunéré plus lourd. La suppression des emplois publics affecte les femmes de manière disproportionnée, en raison de la discrimination à leur égard au sein du secteur privé», constate «Asswat Nissa».

En raison de la limitation de leurs ressources, les femmes sont plus exposées à la pauvreté. Elles sont par conséquent plus vulnérables et plus susceptibles d’avoir besoin des services du secteur public. «Selon le Programme national d’aide aux familles nécessiteuses, les familles dirigées par une femme constituent 60% des ménages inscrits au programme. En réduisant le financement du secteur public, le gouvernement réduit essentiellement le financement des services vitaux, ce qui affaiblit les femmes dans le besoin», cite le rapport.

Recommandations

Parmi les répercussions de l’austérité économique sur les femmes, l’augmentation du travail domestique. Une grande masse de tâches quasi invisibles qui n’aboutissent pas sur une rémunération conséquente du temps passé dans ce travail dit du «care» (soins). En Tunisie, les hommes ne consacrent que 3 heures par semaine au travail domestique, tandis que les femmes y consacrent en moyenne 17 heures. «Lorsque les soins de santé sont privatisés et que les gens hésitent à demander de l’aide médicale en cas de maladie, ce sont les femmes qui restent à la maison pour s’occuper de l’enfant malade ou de la personne âgée malade. Dans les cas de maladies et de problèmes de santé de longue durée, ce sont les femmes qui quittent leurs emplois pour s’occuper de la personne malade», rappelle «Asswat Nissa». La même règle vaut d’ailleurs dans le cas de la privatisation de l’éducation, relève encore le rapport. Si l’école maternelle ou prématernelle coûte encore plus cher que son salaire mensuel, c’est la mère qui quitte son emploi pour assumer le travail non rémunéré d’éducation de son enfant. L’Association féministe recommande à l’Etat d’investir davantage de ressources dans le secteur public qui demeure sous-financé et manquant de personnels, en particulier dans les secteurs des soins tels que la santé et l’éducation.

« Les programmes de protection sociale doivent être mis à jour à travers une approche de cycle de vie qui est universelle, inclusive et adéquate. Il s’agirait de programmes tels que l’assurance chômage, les allocations familiales universelles, etc. Ces réformes doivent également être sensibles au genre et privilégier les droits de l’homme. Pour cela, le travail de soins doit être réparti non seulement au sein de la cellule familiale, mais aussi entre les individus et l’Etat», préconise «Asswat Nissa».

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