Accueil Magazine La Presse Moncef Laâroussi, ancien attaquant de l’US Maghrébine:  «A présent, le foot-business tue le plaisir»

Moncef Laâroussi, ancien attaquant de l’US Maghrébine:  «A présent, le foot-business tue le plaisir»

L’ex-ailier droit de l’US Maghrébine, de l’Avenir de La Marsa et de l’Union Sportive Tunisienne a vu le jour le 15 décembre 1946 à Tunis. C’est en 1964 alors qu’il était juniors qu’il signa sa première licence pour l’USMa. La même année, le frère de Moncef et Lotfi a livré sa première rencontre seniors contre le Stade Populaire (victoire 2-1). En 1980, il conclut sa carrière à l’occasion de l’affiche de Ligue 2 USMa-GS (0-0). Sa carrière internationale composée de neuf matches dure trois petites années, de 1967 à 1969. Ce retraité de la Stam depuis 1995 est marié et père de quatre enfants.

Tout d’abord, qui vous a conduit à l’USMa ?

Mon cousin Abdelwaheb Chahed, grand dirigeant sportif dont la salle de Mégrine porte le nom, et mon oncle Noureddine Darragi qui avait présidé le premier comité des supporters de l’Espérance Sportive de Tunis. Il ne faut pas oublier que l’US Maghrébine est considérée d’une certaine manière la sœur cadette de l’Espérance Sportive de Tunis.

Pourquoi n’avez-vous pas rejoint l’EST comme votre frère Lotfi, ou comme Taoufik Laâbidi «Farfat», par exemple ?

L’entraîneur de l’Espérance en 1968-1969, Domergue, voulut m’engager. Il l’a dit à mon oncle Noureddine Darragi. Lors d’une rencontre USMa-EST, j’ai fait des misères au défenseur sang et or, Sadok Meriah, au point que son coach Domergue décida de le remplacer par Kochbati. En saluant notre entraîneur Ahmed Belfoul, Domergue lui  demanda : «La prochaine fois, lorsque vous allez jouer contre nous, évitez d’aligner votre numéro 7».  Il allait revenir à la charge en 1976, en prenant en main l’AS Cannes. Alors qu’il cherchait un joueur de la trempe de Machouche ou même de Torkhani, mon oncle Darragi lui a lancé : «Que pensez-vous du numéro 7 de l’Union Sportive Maghrébine ?». Domergue lui répondit : «Ah celui-là, il fera l’affaire». 

Avez-vous saisi cette chance ?

Malheureusement, non. Cet été-là, je me trouvais avec l’USMa en Italie en guise de récompense pour notre accession en D1. Mon oncle me téléphona pour me dire d’aller rejoindre Cannes. Notre garde-matériel Mohamed Bedoui se trouvait dans l’hôtel de Naples où nous étions descendus avec les passeports des joueurs en sa possession. De plus, les règlements sportifs de l’époque m’obligeaient à rester deux ans inactif pour pouvoir quitter notre championnat. Il y eut également le Club Africain qui me voulait. L’homme à tout faire, Abdelmajid Sayadi, me contacta à cet effet. Vous savez, il y a des dirigeants qui méritent largement d’être honorés, ne serait-ce qu’à titre posthume. 

Citez-nous en quelques-uns…

Mohamed Bedoui dont je viens de parler, Am Lamine de la JS Omranienne, Mokhtar Ben Romdhane de l’AS Ariana, Larbi du SC Ben Arous, Hamadi «Rouge», le garde-matériel du CS Hammam-Lif. Ils sont tous partis sans recevoir la moindre marque de reconnaissance. Ils incarnent un football où l’on jouait rien que pour le plaisir du jeu. Maintenant, c’est la logique du foot-business qui tue le plaisir.

Quels furent vos entraîneurs ?

Ahmed Belfoul, arrivé en 1964, Rached Hammi, Lieutenant Slim assisté par Ahmed Nachi, Khelifa, marchand de poissons au marché de Sidi Bahri, un certain Mokhtar, de Sfax, Hassen Zaoun qui nous a conduit vers l’accession au détriment de l’AS Mégrine de Mohamed Salah Jedidi…

Tout jeune, quelles étaient vos idoles ? 

Naturellement, elles ne peuvent être que des ailiers qui ont marqué notre époque. A l’étranger, Johnstone du Celtic Glasgow et Amancio du Real Madrid. Chez nous, l’inégalable Noureddine Diwa. Pour moi, c’est le meilleur joueur tunisien du siècle dernier. Un véritable artiste reconnu par les fans de Limoges, en France où il était parti jouer. Ils le surnommèrent «Le petit Kopa».

Quel souvenir gardez-vous de lui ?

Mon père tenait la buvette du stade Zouiten, ex-Géo André. Dès l’apparition de Noureddine Diwa sur le rectangle vert, il mettait la chanson de Ferid Latrach «Noura Noura Ya Noura». En passant devant la buvette, mon père lui demandait alors régulièrement : «Qui va gagner aujourd’hui ?». Eternel optimiste, doublé d’un homme à la confiance inébranlable, Diwa répondait invariablement, accompagnant la parole du geste: «C’est dans la poche». Et il enfonçait la main dans la poche comme pour mieux le convaincre.

Donc, on peut dire que vos parents étaient sportifs, du moins votre père ?

Oui, pâtissier au quartier Bab El Khadhra à Tunis, mon père vient de Sousse. D’ailleurs, il aime l’Etoile Sportive du Sahel. Il nous emmenait voir Farzit, un ami de la famille dont la mère Khira était tout le temps chez nous. Je me rappelle une fois que nous étions au stade pour voir l’équipe de Tunisie donner la réplique à celle du FLN algérien. Mon père me demanda d’aller saluer Farzit avant le match.

C’était le 11 mai 1958. Le speaker du stade annonça alors le décès du leader de la jeunesse, le militant Ali Belhouane. Cela m’a beaucoup chagriné car ce personnage a profondément marqué mon enfance. Il a mené la manifestation conduisant aux événements du 9 avril 1938 et qui réclamait pour la première fois un Parlement tunisien.

Que représente pour vous l’USMa?

Vraiment tout. Elle m’a éduqué et formé. Je viens de la Place Bab Saâdoun, derrière les garnisons de Santarine. Derrière la prison du 9 avril, il y avait un grand espace dit «Bathet Essbitar» (La place de l’hôpital) où tous les joueurs des alentours ont joué.

Avouez que quatre frères dans une même équipe, cela ne court pas les rues, n’est-ce pas ?

Oui. A l’Union Sportive Maghrébine, il y avait le plus souvent Ferid, Lotfi et moi-même. Le quatrième, Mohamed Ali, n’a pas beaucoup joué avec nous. Il était avant-centre. 

Mais déjà à trois, vous avez écrit l’histoire de l’US Maghrébine, non?

Ferid et moi, on ne s’est jamais quittés que ce soit à l’USMa ou en sélection nationale. Sur la majeure partie des photos de l’époque, vous nous voyez l’un à côté de l’autre. En sélection de la Police, nous avons formé un magnifique tandem lors des tournois maghrébins disputés que ce soit en Algérie ou en Libye. Lotfi viendra plus tard. Il fera d’ailleurs une bonne partie de sa carrière à l’EST.

Ailier droit, on vous reconnaissait la qualité d’un dribble déroutant, y compris en sélection…

Oui. Une fois contre l’Olympique Marseille en amical, Abdessalam Chammam a débordé côté gauche et adressé un long centrage. J’ai crié à l’adresse de Tahar Chaibi qui était juste devant moi : «Laissez ! (le ballon, bien entendu). Je fis semblant de tirer. La pelouse glissante aidant (elle a en effet été arrosée), deux défenseurs français étaient allés aux pâquerettes. Quoique en léger déséquilibre, j’ai repris d’une pichenette le cuir dans le petit filet. But !. Feu Tahar Mbarek, le célèbre chroniqueur radio, n’avait alors cessé de crier dans son micro en direct : «But de Noureddine Laâroussi». Le responsable fédéral Jilani Baccar l’apostrpha sur le coup : «C’est Moncef Laâroussi, pas Noureddine, le joueur du CSHL». J’étais aussi connu pour mon crochet et ma rapidité.

Quel est votre meilleur match ?

Contre le CSHL et le CAB, lors du tournoi quadrangulaire des barrages pour le maintien en D1. Contre les Banlieusards, j’ai inscrit un but presque du rond central. J’ai également marqué devant les Cabistes. Au terme des barrages, le CSHL et le CAB devaient être relégués alors que l’US Maghrébine et l’US Monastir étaient sauvées. Le président hammamlifois, Sadok Boussoffara, alla dire au président Bourguiba que deux villes militantes, Hammam-Lif et Bizerte, allaient se retrouver loin des projecteurs de la première division. Eh bien, Bourguiba ordonna de porter la division nationale de 12 à 14 clubs.

Et votre meilleur souvenir ?

La tournée en Arabie Saoudite avec la sélection nationale Espoirs. Partout là où nous nous produisions, à Jeddah, à Ryadh, à Dammam, à Médine ou Dhahrane, on nous accueillait à bras ouverts. On en a profité pour effectuer une Omra. On a aussi visité une plate-forme pétrolière en pleine mer.

Comment avez-vous signé en 1975 en faveur de l’Avenir Sportif de La Marsa ?

De 1965 jusqu’en 1969, grâce à mon brevet, j’ai été employé à la grande poste rue d’Angleterre. Mon salaire de 30 dinars me permettait d’offrir à mon frère Ferid des habits flambant neuf et la «mahba» de l’Aïd. C’est notre entraîneur Rached Hammi qui m’emmena à la Stam rencontrer le P.-d.g., Abdellatif Dahmani, qui était en même temps président de l’Avenir Sportif de La Marsa. Lequel décida de m’enrôler dans cette entreprise. Mon premier salaire a été de 39,600 dinars. J’y ai travaillé de 1965 à 1995. Plusieurs joueurs marsois travaillaient alors à la Stam : Taoufik Ben Othmane, Bechir Ben Tili, Abdessalam Chammam, Ferjani Derouiche… Mon PDG  a naturellement insisté afin que je signe pour l’ASM, ce que j’ai fait en 1975, soit après deux années de repos comme le veulent les règlements de l’époque. J’allais ensuite terminer ma carrière pour deux ans avec l’Union Sportive Tunisienne sur insistance de Rached Hammi. 

Quel est le joueur qui vous a donné le plus de fil à retordre ?

L’Etoilé Mohamed Zouaoui, un latéral gauche ou demi défensif très dur sur l’homme.

Parlez-nous de votre famille…

Je me suis marié en 1975 avec Rafika, avant de me remarier en 1983 avec Hamida. J’ai deux enfants: Mehdi, commerçant de meubles, et Haythem, qui vit à Zurich, en Suisse.

Enfin, hormis le foot, dans quel autre domaine auriez-vous aimé exercer ?

J’aurais sans doute été comédien. Féru de théâtre, j’allais chaque semaine voir les Ali Ben Ayed, Hassen Khalsi, Abdelmajid Lakhal, Abdessalam El Bech, Hamda Ben Tijani… Beaucoup d’amis me disaient souvent : «Tu sais, Adel Limam n’est pas tellement meilleur que toi !».

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