«Ce corridor passera par le circuit qui part de Tunis vers Lagos (Nigeria), en passant par deux voies importantes. La première part de l’Algérie vers le Niger. L’autre voie continue jusqu’à Tripoli puis vers Sabha pour ensuite relier le Niger et le Tchad. En réalité, il s’agit d’une formalisation de ce qui existait déjà mais de manière informelle ».
La Tunisie et la Libye ont convenu de la création d’un corridor commercial continental tuniso-libyen vers les pays d’Afrique, subsaharienne. Cette décision a été officiellement rendue publique lors d’une réunion ministérielle conjointe entre les deux pays, jeudi dernier, au siège du ministère du Commerce et du Développement des exportations.
La réunion, présidée par la ministre du Commerce, Kalthoum Ben Rejeb, et le ministre libyen de l’Economie et du Commerce du gouvernement d’union nationale, Mohamed Houija, a également été l’occasion de revenir sur les avantages comparatifs d’une coopération tuniso-libyenne qui permettrait aux deux peuples frères de se frayer un chemin sur la voie du développement. Les deux parties ont, à cet effet, fixé comme premier objectif un volume d’échanges commerciaux de l’ordre de 5.000 millions de dinars au titre des prochaines années.
Le poste frontalier de Ras Jedir et les moyens de son développement, conformément aux normes internationales, ont également été au centre des préoccupations des hauts responsables des deux pays. « L’objectif étant de faire de cette zone un portail commercial pour l’Afrique, à même de favoriser l’intégration économique avec les pays subsahariens », lit-on dans un communiqué publié par le ministère du Commerce.
Une belle initiative
Saluant cette initiative commune, le géopoliticien et spécialiste des questions libyennes, Rafaa Tabib, joint par La Presse, assure que la décision de créer un corridor commercial continental tuniso-libyen vient à point nommé pour pousser la coopération bilatérale entre les deux pays, lui conférant plus de réalisme et davantage de pragmatisme.
« Ce corridor passera par le circuit qui part de Tunis vers Lagos (Nigeria), en passant par deux voies importantes. La première part de l’Algérie vers le Niger. L’autre voie continue jusqu’à Tripoli puis vers Sabha pour ensuite relier le Niger et le Tchad. En réalité, il s’agit d’une formalisation de ce qui existait déjà mais de manière informelle. D’ailleurs, je me rappelle très bien lorsque j’étais à Niamey (capitale du Niger, ndlr), à N’Djamena (capitale du Tchad, ndlr) et dans d’autres pays de la bande sahélienne, de la présence remarquable de produits agroalimentaires tunisiens mais aussi des produits pharmaceutiques. Ces produits ont été acheminés par des réseaux informels et des contrebandiers », explique le géopoliticien.
À la question de savoir si un tel projet commun est-il faisable compte tenu de l’actualité politique, économique et sociale des deux pays, l’universitaire note que les deux pays s’avèrent animés d’une bonne volonté pour surmonter toutes les difficultés et asseoir deux économies prospères. D’autant que la question sécuritaire s’annonce de plus en plus maîtrisée en Libye.
Evolution des échanges commerciaux
En 2022, le volume des échanges commerciaux entre la Tunisie et la Libye a atteint 3.027 millions de dinars, contre 2.020 millions de dinars en 2021, soit une hausse de 49,8%, selon le ministère du Commerce. Pour ce qui est des échanges commerciaux avec l’Afrique subsaharienne, les exportations tunisiennes représentent uniquement 10,7% du total des exportations nationales.
Cette faiblesse est attribuable, selon divers experts et opérateurs économiques, au manque de liaisons aéroportuaires et maritimes ainsi qu’à la modestie des représentations économiques et diplomatiques tunisiennes dans ces pays.
La création d’un corridor tuniso-libyen vers les pays subsahariens s’inscrit dans le cadre de toute une stratégie visant une meilleure intégration de la Tunisie dans le commerce intra-africain. D’ailleurs, d’ici à 2035, la mise en œuvre de la zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf) pourrait quasiment doubler les exportations de la Tunisie vers le reste de l’Afrique, selon des experts et économistes tunisiens et étrangers.
L’Afrique est-elle l’avenir de l’économie mondiale ?
Notre pays est donc appelé à diversifier son offre ainsi qu’à développer des chaînes de valeur locales en vue d’améliorer sa compétitivité. Ces dernières années, une place à part a été faite à l’Afrique subsaharienne, où le savoir-faire tunisien est déjà reconnu et de plus en plus prisé.
L’Afrique, c’est bientôt une population de plus de 2 milliards d’hommes et une classe moyenne de plus de 300 millions de consommateurs, selon la Banque mondiale. Un continent dont dépend l’avenir de l’économie mondiale, de l’avis de grands spécialistes des questions africaines. Les grandes puissances ne cessent, en effet, de se bousculer aux portes de ce continent qui attise les convoitises. En témoignent le dernier sommet Russie-Afrique tenu les 27 et 28 juillet écoulé à Saint-Pétersbourg et la 8e Conférence internationale de Tokyo pour le développement en Afrique (Ticad 8), organisée par le Japon avec les Nations unies, la Banque mondiale et l’Union africaine. Face à ces multiples opportunités, la Tunisie se doit d’affiner ses stratégies.
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