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Rentrée scolaire: synonyme de dépenses importantes

Assommés par la cherté de la vie, les parents y mettent le prix et se saignent aux quatre veines pour garantir à leurs enfants une rentrée scolaire sans accroc.


Un petit bout de papier à la main, Selima, flanquée de ses deux rejetons, trotte entre les rayons du magasin, scrutant les prix des fournitures scolaires, soigneusement exposées sur les étals. Pas question de céder aux caprices de sa fille qui vient de piquer une crise de colère : succombant aux charmes des couleurs vives et flamboyantes, l’enfant n’a qu’une seule envie, celle de se procurer un cartable à l’effigie d’une princesse Disney. “Tu as déjà ton cartable à la maison. Il est tout neuf. Pour le moment, je n’ai plus d’argent, mais je te promets que très prochainement, je te l’achèterai”, lui dit-elle pour la calmer. Et fixant des yeux sa liste sacrée, elle enchaîne : “Je ne peux pas lui acheter un nouveau cartable. Elle en a déjà un qui est en bon état. Je ne peux pas me permettre des excès d’achat. Tout est calculé au centime près. Déjà, avec la flambée des prix, un article de plus et on est littéralement ruiné”, nous explique la trentenaire, qui, pressée, tourne les talons pour poursuivre l’interminable bataille de nerfs à laquelle se sont livrées mère et fille. Un autre parent s’arrête net devant les étalages dédiés aux cahiers. Il n’a pas clairement l’intention d’en acheter. Pour le moment, il se contente de faire du lèche-vitrine, pour prospecter les prix, apparemment hors budget. “Mon fils fréquente une école privée. Ce sont les enseignants qui dictent aux élèves ce qu’il faut acheter comme fournitures pour toute l’année. Mon Dieu, les prix ont grimpé, ce sera un sacré budget”, se confie Hamed, 47 ans, père d’un enfant. Pour lui, la facture de la rentrée scolaire risque d’être salée car la hausse des prix n’a pas épargné les articles scolaires. C’est le coup de massue qui va achever ses maigres économies, déjà laminées par les dépenses estivales.

Un approvisionnement au compte-goutte

Dans ce branle-bas de combat, que sont les préparatifs de la rentrée scolaire, c’est l’achat des cahiers qui agace le plus les parents. Car avec le manque de  cahiers subventionnés sur le marché, les familles n’ont pas l’embarras du choix. Une petite virée dans certains magasins et librairies permet de faire ce constat: les prix de certains articles scolaires risquent d’être inabordables pour les petites et moyennes bourses. “Le problème se pose essentiellement au niveau des cahiers, car pour les autres produits, tels que les stylos, ardoises… les parents peuvent se débrouiller. Mais les cahiers, c’est essentiel.

En l’absence de cahiers subventionnés, comment un père de trois enfants fait-il pour fournir à ses petits ce dont ils ont besoin pour la rentrée, sachant que le prix d’un cahier «super» est en moyenne de 5 dinars?», nous explique un libraire, qui a voulu garder l’anonymat. Montrant une facture délivrée par son fournisseur, il déplore un approvisionnement au compte-goutte en cahiers subventionnés, affirmant que la hausse des prix des fournitures scolaires “est légère par rapport à l’année dernière”. Si le libraire explique que la fourchette des prix des cahiers dits “super” a été fixée par les autorités compétentes, Khadija, 38 ans et mère de trois enfants, affirme tout le contraire. “Chaque libraire impose sa loi. Le même cahier est vendu à des prix différents et l’écart est très important”, maugrée-t-elle.

L’ardoise s’alourdit

Selon cette mère, visiblement exaspérée par la hausse du coût de la rentrée, les marchands des fournitures scolaires s’adonnent à des pratiques abusives : la vente des cahiers subventionnés est conditionnée par l’achat obligatoire d’autres articles scolaires. “Par exemple, pour acheter trois cahiers subventionnés, tu es obligé de dépenser une somme de 300 dinars dans l’acquisition de manuels ou d’autres fournitures scolaires. Il n’y a aucun contrôle”, explique-t-elle. Elle ajoute que la rentrée scolaire est devenue synonyme de dépenses importantes, d’autant plus qu’une grande partie des familles de la classe moyenne se saigne aux quatre veines pour inscrire leurs enfants dans des écoles privées. “Nos enfants, c’est notre principal investissement. Si nous avons choisi de les inscrire dans des écoles privées, c’est parce qu’on a perdu tout espoir dans le secteur public qui a montré ses limites. On souffre chaque jour pour subvenir aux besoins de nos enfants. Je fais partie de la classe moyenne et la rentrée scolaire de mes enfants me coûte les yeux de la tête. En somme, je dépense plus de 2.000 dinars sans compter les autres frais imprévisibles. Le choix de l’enseignement privé est vraiment une obligation pour nous, parce que l’Etat a cessé, depuis longtemps, de jouer son rôle dans le secteur de l’éducation”, se désole-t-elle. Meriem, trentenaire et mère de deux enfants, partage les mêmes idées que Khadija.

Elle dit avoir fait l’expérience de l’école publique et qu’elle a jugé bon de muter sa fille dans une école privée, dans l’espoir de lui garantir un meilleur cadre et environnement d’apprentissage. “Moi qui étais fervente défenseuse du secteur public, j’ai perdu foi en l’école publique. Cela a impliqué une charge financière supplémentaire très importante, mais que faire ? Chaque rentrée scolaire me coûte plus de deux mille dinars, sachant qu’au total, il faut dépenser 300 dinars rien que pour payer les manuels scolaires exigés par son école”, souligne-t-elle.

Faisant preuve de résilience et d’endurance, ces parents, entre le marteau de la cherté de la vie et l’enclume d’une facture gonflée de la rentrée scolaire, arrivent à tenir le coup. Ils s’accrochent, tant bien que mal, à l’espoir de meilleurs lendemains et y mettent le prix pour assurer à leur progéniture une rentrée scolaire sans faille.

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