Ulysse a dû se réveiller dans sa divine demeure et lancer un ouf de soulagement ! Lui qui a été ensorcelé en goûtant le lotus, fruit au goût de miel qui fait perdre la mémoire.
L’événement est à souligner en gras et en couleur : le 18 septembre, l’île de Djerba a été inscrite sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco. Ulysse et ses compagnons navigateurs ne sont pas les seuls à céder aux charmes de Djerba. L’île est plantée d’oliviers et de palmiers, regorge de richesses antiques et actuelles, des ruines des civilisations carthaginoise, romaine, etc., des dizaines de mosquées ibadites d’une sobriété fascinante, une synagogue vieille de plusieurs siècles, visitée chaque année par des centaines de pèlerins, une église au centre de Houmt Souk et des étendues de sable et de mer à faire saliver les visiteurs de tous bords.
L’occasion est propice pour rappeler que la Tunisie compte 7 sites et monuments classés au patrimoine mondial depuis 1979 jusqu’à 1997. Il s’agit de la Médina de Tunis, le site de Carthage, l’Amphithéâtre d’El Jem (1979), le site de Kerkouane (1986), la Médina de Sousse, la Médina de Kairouan (1988) et le site de Dougga (1997). Depuis cette date, aucun autre nouveau site n’a été inscrit sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco.
M. Falt, directeur régional de l’Unesco, en charge du dossier de l’île, a raconté les péripéties de cette reconnaissance planétaire, à travers un chemin long et tortueux qui a abouti à cette inscription. Il souligne que celle-ci concerne sept zones et 24 monuments (21 mosquées, la synagogue de la Ghriba, la plus ancienne d’Afrique, et l’église Saint-Nicolas).
Cette distinction représente « un témoignage exceptionnel d’un schéma de peuplement unique et d’une adaptation humaine remarquable, à travers les siècles, aux contraintes d’un environnement marqué par la rareté de l’eau et de nombreuses menaces venues de la mer », dixit M. Falt par le biais de cette merveilleuse formule riche et condensée. Djerba appartient désormais au patrimoine mondial, les Tunisiens pavoisent, les Djerbiens jubilent. Maintenant et après, que va-t-il se passer ? Comment procéder pour valoriser l’île et soigner son image ? Car c’est maintenant que les difficultés commencent. Va-t-on veiller à la propreté des rues et des espaces publics, créer des zones vertes, sauver les lieux de mémoire en perdition, valoriser la culture, veiller à la propreté du littoral ; bref améliorer la qualité de vie des habitants et visiteurs ? En outre, j’ai un vœu personnel que je renouvelle : apposer la sublime phrase attribuée à Gustave Flaubert dans les lieux publics (aéroport, entrées des villages, etc) : « A Djerba, l’air est si doux qu’il empêche de mourir.»