Le constat sociologique sur la violence à l’égard des femmes nous place face à un problème immensurable. Dans notre société, la violence sexiste est horriblement passée du stade phénoménal à celui culturel ! L’on parle plus de la «culture de la violence basée sur le genre (VBG)» que de cas isolés ou encore de phénomène social, et ce, compte tenu du tournant alarmant que prend la relation de force machiste, d’agressivité normalisée au détriment des femmes.
Certes, la violence à l’égard des femmes envenime toutes les sociétés à l’échelle mondiale. Les indicateurs le prouvent et suscitent l’inquiétude : une femme sur trois est sujette à la violence. Pis encore : 7% des femmes violentées âgées entre 15 et 44 ans en périssent. Malgré ces cas d’atrocité, plus de 50% des victimes préfèrent garder le silence…
Un état des lieux effarant
Il faut dire qu’en dépit des efforts déployés par les féministes et les fervents militants des droits de l’Homme, cette offense aux lois, aux principes humains et à la morale ne cesse de proliférer. Elle n’a d’autres finalités que de nuire à l’alter ego féminin ; une nuisance qui peut même être handicapante, voire fatale, sans oublier son redoutable impact psychologique sur les jeunes générations et sur la cohésion familiale et sociale. Dans les sociétés arabes, la normalisation avec la violence à l’égard des femmes revêt un aspect quasi légitime. Selon les données fournies par M. Sami Nasr, sociologue, 86% des femmes jordaniennes subissent des actes de violence physique. En Algérie, une femme sur dix est sujette à la violence. Au Maroc, quatre millions de femmes majeures sont violentées, dont 50% des cas agressées par leurs maris. En Egypte, 99% des femmes sont victimes de violence, surtout de harcèlement sexuel. Dans notre pays, le taux de violence sur fond de genre s’élève à 47%. Encore faut-il souligner que les femmes rurales sont de plus en plus touchées par ces abus que celles en milieu urbain.
La micro et la macro-violences
Par ailleurs, Dr Sami Nasr explique les différentes formes de violence. Il les décline en deux catégories : la macro et la micro-violences. Pour ce qui est de la macro, elle englobe la violence physique, psychologique, sexuelle et économique. Pour la micro-violence, elle acquiert un aspect plus complexe, impalpable, mais tout aussi redoutable. Difficile à prouver, rude à cerner, elle englobe toute sorte de comportements implicites, de verbal désobligeant, d’attitude dégradante, portant atteinte, tant indirectement que directement, à l’estime de soi. «Cette attitude représente le modèle le plus courant qui caractérise la relation homme- femme dans les pays arabes où la culture sociétale voue la femme au statut des plus dégradants : elle est au service de l’homme. Son rôle n’est autre que de lui faire plaisir et d’assurer la perpétuité de la race humaine», souligne le sociologue.
«On est séduit par tout ce qui est violent»
Outre les facteurs socioculturels antiféministes par excellence, la société tend, de plus en plus, à asseoir les jalons de la culture de violence. «La violence est partout ! Elle domine tous les espaces publics. Elle a le mot d’ordre dans l’espace familial. Sa prolifération est telle qu’elle touche toutes les classes sociales sans exception. Et l’on a tendance même à la justifier, à l’argumenter et à la normaliser. D’ailleurs, le langage violent est devenu monnaie courante, même sur les chaînes de télévision.
On est carrément séduit par tout ce qui est violent», explique le sociologue. Il est vrai que les causes d’un tel constat ne manquent pas. L’application de la loi, la pénalisation des agresseurs, le tapage médiatique pro-féministe font souvent défaut. Toutefois, ce qui saurait renverser la balance, garantir la dignité de la femme et faire respecter la loi pour mettre un terme à la violence, serait sans doute une position unanime, un refus collectif quant à l’humiliation et la discrimination sur fond de genre. Un refus qui devrait être signifié et appliqué, d’abord, au sein de la famille, car il faut avouer que la famille est le premier responsable de la vulgarisation, de l’acceptation et de la normalisation de la violence.