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Tribune | L’Allemagne célèbre le 33e anniversaire de sa réunification

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Par Brahim JEGUIRIM*

Le peuple allemand tout entier a célébré avec éclat, le 3 octobre 2023, le 33e anniversaire de sa réunification. En effet, c’est le 3 octobre 1990 que la réunification s’est réalisée après 45 ans de division en deux pays : la République  fédérale allemande (RFA) et la République  démocratique allemande (RDA). C’était un seul peuple divisé entre deux Etats antagonistes et adversaires.

La guerre froide entre l’Est et l’Ouest a présidé brutalement sur les relations tendues et leurs politiques opposées. Ces deux pays ont emprunté deux voies différentes et ont connu durant de longue années des périodes délicates et graves pour la paix  et la sécurité en Europe et dans le monde entier du fait que la question allemande a été depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale l’objet de grands désaccords entre les 4 puissances victorieuses sur le 3e Reich. Après l’euphorie de la victoire militaire en 1945, plusieurs problèmes ont surgi rapidement et la menace de conflit armé entre les deux camps n’a pas tardé à se manifester, le statut de l’ancienne capitale Berlin a soulevé des problème monstres entre l’Amérique et l’Union soviétique. Plusieurs accords et conventions ont été conclus pour garantir une stabilité et un sorte de collaboration dans la gestion pacifique de la victoire. Une fois la guerre terminée, les puissances victorieuses ont commencé vite à réfléchir sur le nouveau statut de l’Allemagne. La Russie était ferme, intraitable et catégoriquement belliqueuse avec des positions extrêmes marquées par un désir de maintenir l’Allemagne en position d’infériorité et de soumission. Quant aux Américains, ainsi que leurs alliées, la France et la Grande-Bretagne, ils ont une approche plutôt positive, constructive et orientée vers l’avenir. Pourtant en Amérique, deux approches opposées avaient émergé à la suite de grands débats portant sur l’avenir de l’Allemagne après la guerre.

Un plan a été présenté et défendu par le secrétaire l’Etat au Trésor américain de l’époque, Henry Morgan, qui était catégoriquement hostile au renouveau allemand et voulait le démantèlement total de l’Allemagne et son effacement définitif de la carte géographique et puis répartir son territoire entre les pays limitrophes. Cette position maximaliste et trop humiliante pour tout un peuple a été écartée rapidement au profit d’une stratégie plus intelligente, plus cartésienne tournée vers l’avenir et vers l’espoir en oubliant le passé et ses vicissitudes.

Les partisans de cette politique misent sur la naissance d’une nouvelle Allemagne forte, utile pour tout l’Occident et capable d’être un bouclier réel contre l’Union soviétique et un barrage contre ses ambitions et sa recherche d’hégémonie. C’est le concept appelé l’Allemagne est (Klein Amerika) ou «la petite Amérique» en Europe. Pour arriver à réaliser ce programme ambitieux, l’Occident a prévu une action multidimensionnelle et générale pour atteindre des objectifs ambitieux en Allemagne, qui est considérée comme un laboratoire d’expérimentation. Tout d’abord, il faut réussir la dénazification, la démocratisation et la libéralisation de la vie politique, économique et sociale. Ensuite, il faut réaliser la réconciliation  avec la France, la Belgique et tous les autres pays qui ont subi la guerre. L’idée maîtresse c’est de construire un bloc occidental solidaire et uni face aux ambitions de l’Union soviétique. L’Amérique, pour passer à une vitesse supérieure dans sa politique européenne, annonce le plan Marshall pour la reconstruction de l’Europe et particulièrement l’Allemagne qui est la plus détruite par les bombardements massifs partout.

Cette approche intelligente, réaliste et pragmatique a ouvert de nouveaux horizons pour réaliser la paix et la sécurité en Europe. Ainsi, les conditions sont réunies pour la fondation de la République fédérale allemande le 23 mai 1949.

Cette période a été marquée par la volonté politique de l’Union soviétique d’exercer en permanence une pression sur Berlin pour forcer la RFA. à abandonner cette ville dans l’espoir de la vider de ses habitants pour l’annexer au moment voulu.

Mais les Occidentaux ont compris les objectifs et les manœuvres soviétiques,  réagi vivement et répondu au blocus de Berlin en 1948 par l’établissement d’un pont aérien pour venir en aide à la population berlinoise en leur fournissant les denrées alimentaires nécessaires, ce qui a entraîné un échec total de la stratégie russe.

L’Ostpolitik de Willy Brandt a permis la réunification  allemande

Après des décennies de division, les Allemands aspirent à la réunification. En effet, la Constitution allemande du 23 mai 1949 a déjà prévu dans son article 23 qu’elle est provisoire et qu’elle s’applique au départ dans les 11 régions ou Laender qui forment initialement  la RFA, tout en précisant que les autres régions allemandes encore sous domination soviétique ont la vocation et le droit d’intégrer la nouvelle jeune république. Cela montre bien que la réunification est un objectif incontournable. La situation de division de l’Allemagne devait se poursuivre jusqu’au jour où le peuple allemand recouvre sa souveraineté et son entière liberté. Tous les observateurs de la politique allemande étaient conscients alors que la «solution de la question allemande» allait constituer une aspiration et une revendication constante du peuple allemand jusqu’à sa réalisation.

Plusieurs générations ont milité inlassablement pour atteindre cet objectif national majeur, en application du principe onusien d’autodétermination des peuples. Les profondes mutations et les grands mouvements de masse qui ont marqué la vie politique des pays de l’Europe de l’Est durant tout l’été 1989 ont permis de réaliser que l’unité allemande est devenue possible et même indispensable grâce à la situation politique nouvelle en Europe caractérisée par la détente dans les relations Est-Ouest et grâce à la nouvelle politique de Mikhael Gorbatchev qui a prôné le grand changement et a réalisé un tournant dans l’histoire en instituant «la Perestroika et la Glasnost» (la restructuration et la transparence).

En effet, l’Union soviétique ne s’oppose plus à la réunification allemande après la conclusion d’importants traités et accords avec Bonn.

En outre, la politique d’ouverture à l’Est ou Ostpolitik de Willy Brandt a réussi à inspirer la confiance à tous les pays limitrophes de l’Allemagne, qui a réussi à convaincre la France, la Grande-Bretagne, l’Amérique, l’Union soviétique et la Pologne, que l’unité allemande n’est dirigée contre aucun autre pays. Willy Brandt, grand homme politique du siècle, a consacré des années entières à démontrer l’attachement indéfectible de son pays à la paix, à la sécurité et à l’orientation unitaire de l’Europe nouvelle.

Quant au président français François Mitterrand, il déclara, en recevant le chancelier Helmut Kohl à l’Elysée, qu’il ne servait plus à rien d’aller à contre-courant de l’Histoire. Les jeux étaient faits et rien ne pouvait arrêter la marche allemande vers l’unité. Il s’agit plutôt de s’y accommoder et de penser à l’avenir de l’Europe. C’est ça l’important, la France exige de l’Allemagne son engagement définitif pour une union économique et monétaire en Europe.

Quant à l’Amérique, elle a été fidèle à sa politique traditionnelle à l’égard de l’Allemagne qui est devenue une alliée sûre et puissante. L’Amérique a exprimé son soutien et son approbation à la seule condition de ne pas remettre en question les frontières actuelles, existantes, en l’occurrence celles entre la Pologne et l’Allemagne. Ainsi, l’Amérique a démontré, encore une fois, et d’une manière éloquente, son désir d’attirer l’Allemagne pour en faire un allié sûr dans le Vieux continent qui mérite sa confiance, son appui et même sa protection en cas de besoin. De son côté, l’Allemagne s’efforce de se présenter devant ses partenaires européens comme un facteur de paix, de stabilité et de prospérité généralisée.

Il faut rappeler que l’opinion publique allemande était, avec une majorité écrasante, favorable à la réunification.

De plus, le Parlement fédéral, le Bundestag, a voté avec une forte majorité pour la réunification.

Après 33 ans, l’option unitaire a réussi entièrement. L’Allemagne, avec plus de 80 millions d’habitants, est sur la bonne voie dans un monde en plein bouleversement. Un grand pari historique est gagné grâce aux efforts et à la ferme détermination du peuple allemand à construire un avenir meilleur.

B.J.

(*) Ex-secrétaire général de l’Association d’amitié tuniso-allemande, spécialiste de la question allemande, diplômé de sciences politiques de Strasbourg

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