Les relations tuniso-européennes connaissent des hauts et des bas et s’apparentent parfois à un bras de fer. Vus d’Europe, les pays de la rive sud ont l’obligation de lutter contre la migration avec tous les moyens qu’ils ont ou qu’ils n’ont pas, fussent-ils sécuritaires ou militaires. Et de rapatrier leurs ressortissants.
La vérité est que l’Europe, pressée par la montée de l’extrême droite, et donc pour des raisons de politique intérieure, prend des postures condescendantes, méprisantes. De fait, sa posture n’est ni rationnelle ni pragmatique. Elle s’apparente plutôt à un diktat, voire à un chantage. Les dirigeants européens savent que la question migratoire va s’aggraver et que les pays de transit sont les premières victimes.
Les migrations vont s’accentuer, notamment en Méditerranée. Cette mer qui a été le berceau des civilisations est fortement marquée aujourd’hui par une dimension Nord-Sud qui prend le dessus sur tout le reste. D’un continent à l’autre et d’un pays à l’autre, les écarts de prospérité entre un pays et un autre sont en moyenne de 1 à 4. En Méditerranée, entre les deux rives, ces écarts vont jusqu’à 14 fois.
Les flux migratoires vont donc se multiplier. En cause, la poussée démographique dans le continent africain : 800 millions d’habitants en l’an 2000, probablement 2,7 milliards en 2050. Peut-être 4,5 milliards en 2100, selon des projections onusiennes. Cette pression démographique provoque naturellement la mobilité. Une dynamique de mobilité accentuée par le réchauffement climatique, le faible développement économique et l’urbanisation irréfléchie. Or, le réchauffement climatique est la responsabilité exclusive des pays industrialisés. Ce sont eux qui, pour leur développement, ont utilisé à outrance les gaz à effet de serre.
Pour toutes ces raisons, et bien d’autres aussi, l’approche européenne est, dans le meilleur des cas, incomplète, au pire, à rejeter. Les pays du sud de la Méditerranée qui ont la force de refuser les pressions européennes, prenant parfois l’allure d’un chantage ou presque, doivent comprendre qu’il y a une seule humanité, un destin commun et une seule voie : le co-développement.
Il ne s’agit pas de faire l’aumône à des pays, mais de construire un devenir commun, développé, avec des mesures concrètes, des programmes, des stratégies, et des dizaines ou des centaines de milliards d’euros. Toute autre voie est vouée à l’échec.