Le conflit palestino-israélien et les atrocités commises tous les jours à l’encontre de la population de Gaza suscitent débats passionnés et discussions houleuses. Dans les médias et sur les réseaux sociaux, le face-à-face dépasse deux belligérants pour englober les Arabes, d’un côté, et les Occidentaux alignés derrière Israël, de l’autre.
Datant de plus de soixante-dix ans, ce face-à-face remet à l’ordre du jour le conflit des civilisations et renvoie, par ricochet, «au naufrage des civilisations», évoqué par l’auteur Amin Maâlouf dans son livre portant le même intitulé.
Abondant dans ce sens, l’universitaire spécialiste de civilisations, Mahammad Dannawi, interrogé par La Presse, parle d’un Occident de plus en plus «replié sur lui-même», face à un monde arabe accablé par des dérèglements de toutes sortes. «Les drames que vivent les populations moyen-orientales et occidentales, notamment sont l’aboutissement des démocraties industrielles d’Amérique du Nord et d’Europe où les leaders puisent aujourd’hui dans les reflexes populistes et nativistes, en vue d’apaiser les tensions générées par l’échec de leurs régimes politiques respectifs. De ce fait, on a affaire à un Occident focalisé sur lui-même et de plus en plus recroquevillé. Son seul souci étant la concentration des richesses, quitte à piller des nations et des régions entières», explique l’universitaire.
La crédibilité internationale sapée
Cette vision autocentrée est, ajoute-t-il, plus aiguë dans l’Union européenne, absorbée par les difficultés de gouvernance et les divisions internes. «Les divisions internes de l’Union européenne, ses problèmes démographiques et ses difficultés économiques accentuées par la sortie de la Grande-Bretagne de l’UE accentuent sa dépendance envers les Etats-Unis et Israël. On assiste de là, à des vagues d’exclusions qui visent notamment les immigrés, a fortiori, les clandestins. Pour revenir à la question du face-à-face Arabes-Occidentaux, j’irais à considérer qu’une connectivité mondiale croissante allant de pair avec une faiblesse de la croissance, accroît les tensions au sein des mêmes sociétés et en dehors», détaille l’analyste.
Sur le plan géopolitique, tout comme en Afrique du Nord, explique l’universitaire, les crises humanitaires et les conflits régionaux du Moyen-Orient, notamment le conflit palestino-israélien, sapent la crédibilité internationale à résoudre les conflits et à imposer les principes des droits de l’homme. D’où le naufrage annoncé de toutes les civilisations, notamment arabe et occidentale.
La religion instrumentalisée, une source de tension
D’après l’universitaire, les identités transnationales seront désormais plus puissantes, en raison des progrès des technologies de l’information qui permettent une large diffusion des contenus religieux, en partie parce que «les religions transcendent les frontières et l’autorité de l’État».
«La religion, instrumentalisée, a de tout temps été une source de tension puissante, et nous nous attendons à voir s’approfondir les frictions au sein des groupes religieux et entre eux, ainsi qu’entre les communautés religieuses et laïques, dans de nombreuses parties du monde. La diffusion des informations, la morosité économique mondiale poussent les acteurs internationaux à propager des idées et une conscience de croyances et d’interprétations religieuses conflictuelles. Cela nourrit encore les guerres entre les pays et les peuples», analyse encore Mahammad Dannawi. De telles dynamiques sont donc appelées à s’intensifier, dès lors que l’accès à Internet s’amplifie dans le monde développé, et que les nouvelles technologies de l’information comme la réalité virtuelle offrent des expériences et des interactions personnelles, plus intenses dans l’espace et dans le temps. Autant dire que les années difficiles sont devant nous.