Face aux pénuries de produits de base, il est impératif que la Tunisie prenne des mesures rapides pour réformer son système de subventions, de contrôle des prix et les monopoles d’importation/distribution associés. Dans son dernier rapport, la Banque mondiale souligne que le maintien de prix stables pour les consommateurs est un objectif louable, mais il est devenu insoutenable dans le contexte actuel.
Le dernier bulletin de conjoncture économique de la Banque mondiale pour la Tunisie révèle une situation alarmante qui inquiète non seulement les décideurs politiques, mais également la population tunisienne tout entière : la pénurie persistante de produits de base. Ce phénomène alarmant est le résultat d’une série de facteurs complexes, notamment les subventions excessives, la baisse de la production agricole et l’endettement croissant des entreprises publiques responsables de l’importation et de la distribution de ces produits.
La pénurie : une réalité incontournable
Le rapport de la Banque mondiale commence par mettre en lumière les pénuries répétées de produits de base en Tunisie, qui sont principalement attribuables à un ensemble de facteurs interdépendants. L’un des facteurs clés est le système de subventions excessives, qui a longtemps été un pilier de la politique économique tunisienne. Selon les données de la Banque mondiale, ces subventions ont contribué à l’endettement massif des entreprises publiques responsables de l’importation et de la distribution de produits subventionnés. Les données de la Banque mondiale révèlent que la dette de l’Office des Céréales (OdC), une entreprise publique qui détient le monopole de l’importation et de la distribution du blé, a presque quadruplé depuis 2019 pour atteindre 5 milliards de dinars en juin 2023. Cette dette représente désormais 30 % de l’encours total des crédits de la Banque Nationale Agricole (BNA). L’impact de cette surexposition à la dette est considérable, limitant la capacité de l’OdC à obtenir des crédits supplémentaires pour importer la quantité de blé nécessaire en temps opportun. L’une des conséquences les plus visibles de cette situation est la baisse significative de la production agricole en Tunisie. Selon les données de la Banque mondiale, la sécheresse a réduit la récolte de blé dur de deux tiers en 2023 par rapport à l’année précédente. Cette catastrophe naturelle a eu un effet dévastateur sur la disponibilité des produits à base de blé dur, notamment la semoule. De plus, en raison de la substituabilité entre blé dur et blé tendre, la pénurie de blé dur a également touché des produits traditionnellement fabriqués à base de blé tendre, tels que la farine et ses dérivés, dont le pain. Les données de la Banque mondiale indiquent que cette crise affecte également d’autres produits essentiels, notamment le café, le thé, les huiles végétales, les médicaments, et ce, depuis 2022. Cette situation a engendré des pénuries répétées sur les marchés clés en Tunisie.
“…Comme la sécheresse a réduit de deux tiers la récolte de blé dur de la Tunisie début 2023 par rapport à l’année précédente, l’Office des Céréales a eu des difficultés à augmenter ses importations pour compenser le déficit. La quantité de blé dur fournie au marché a chuté de 18% au premier semestre 2023 par rapport à l’année précédente, contribuant ainsi aux pénuries de certains produits céréaliers”, souligne le document.
L’appel à l’action : réformer pour rétablir
Un autre élément critique mis en avant par la Banque mondiale est le système de contrôle des prix qui règlemente les marchés des produits de base. Ce système, bien qu’il puisse garantir des prix stables pour les consommateurs, ne tient pas compte des coûts de production et de distribution. Selon les données de la Banque mondiale, ces contrôles maintiennent les prix stables pour les consommateurs, indépendamment de l’évolution des coûts sous-jacents de production et/ou de distribution de ces produits. Ces pertes sont généralement absorbées par les entreprises publiques chargées de l’importation et de la commercialisation de ces produits. “Le système de contrôle des prix qui régule les marchés du blé et d’autres produits de base tels que le sucre, le lait et l’huile végétale est un facteur clé de l’endettement croissant des entreprises publiques qui ont le monopole d’importation et de commercialisation des produits importés, ainsi que des pénuries qui en découlent”, ajoute le document. À la lumière des données et des chiffres fournis par la Banque mondiale, il est impératif que la Tunisie prenne des mesures audacieuses pour résoudre cette crise de pénurie de produits de base. La réforme du système de subventions excessives, du contrôle des prix et des monopoles d’importation/distribution est devenue incontournable. Les chiffres révèlent l’urgence de la situation : la dette croissante des entreprises publiques, la réduction de la production agricole, les pénuries persistantes et l’impact sur la vie quotidienne des Tunisiens. Les experts de la Banque mondiale appellent à une action rapide pour libéraliser les marchés, rationaliser les subventions et promouvoir la concurrence, tout en veillant à ce que les plus vulnérables ne soient pas négligés. En guise de conclusion, le document souligne que la Tunisie est confrontée à un défi complexe, mais la réforme du système de contrôle des prix et des monopoles d’importation/distribution est essentielle pour garantir un approvisionnement stable en produits de base. Les chiffres de la Banque mondiale soulignent que l’avenir de la Tunisie et le bien-être de ses citoyens en dépendent.