La décision de l’Organisation de l’aviation civile internationale (Oaci) sur le refus systématique d’admettre les passeports ordinaires, voire non biométriques à l’horizon 2024, avait mis les autorités tunisiennes face à un dilemme administratif et juridique de taille.
Il fallait se rattraper au plus vite en envisageant de mettre en place le projet des documents biométriques tunisiens en un temps record ! C’est qu’une telle décision risquerait, à défaut de réponse favorable, de suspendre tout déplacement international pour les personnes détenant le passeport ordinaire, lequel ne tardera pas, d’ailleurs, à devenir non-opérationnel et désuet pour ne pas dire une «œuvre d’antiquité».
Chose promise chose due : le projet qui a été annoncé en juillet 2023 est quasi prêt à la validation. Un travail de taille a, bel et bien, été fait afin de réaliser le projet conformément aux normes internationales et en émoussant tout litige.
Le ministre de l’Intérieur, Kamel Feki, avait, en effet, annoncé récemment l’avancement du projet relatif aux nouvelles pièces biométriques d’identité.
«Nous sommes au stade du parachèvement du projet. Les réunions entre le gouvernement et l’imprimerie officielle ont été concluantes : la nouvelle version du passeport et de la CIN est près d’être remise au Conseil des ministres puis à l’ARP pour approbation», révèle- t-il.
Des pièces d’identité novatrices
Le passeport et la carte d’identité biométriques représentent des pièces d’identité innovantes qui permettront de mieux lutter contre la fraude, l’usurpation des pièces d’identité et leur utilisation à des fins terroristes et criminelles. En effet, contrairement aux pièces d’identité ordinaires, celles biométriques contiendront une puce électronique dans laquelle seront stockées des données relatives à la personne en question.
Pour être plus clair, tout passeport ou carte d’identité biométrique sera alimenté d’une puce électronique qui, outre les données personnelles inscrites noir sur blanc, fournira aux agents chargés de vérifier les passeports et les cartes d’identité à travers le monde, des informations dont la fiabilité est indéniable.
Parmi lesquelles figurent l’empreinte digitale, la reconnaissance faciale et même celle rétinienne.
Certes, l’impératif de se conformer aux directives de l’Oaci, ainsi qu’aux normes internationales en la matière, incite les parties concernées tunisiennes—et celles des autres pays retardataires— à aller de l’avant en optant pour ces documents jugés comme novateurs et sécurisants. Néanmoins, la version biométrique est-elle vraiment sécurisée ? Qu’en est-il du respect infaillible du droit à la protection des données personnelles ?
Du droit à la protection des données personnelles…
Il faut dire que cette question avait intrigué les responsables de l’Instance nationale de la protection des données personnelles (Inpdp) qui ont exprimé leur méfiance lors des réunions tenues à cet effet. Chawki Gueddes, ancien président de l’Instance, avait même attiré l’attention sur les éventuels risques de manipulation, voire de piratage des données personnelles, recommandant même la garantie de leur inaccessibilité aux agents du ministère de l’Intérieur !
Finalement, tous les points ont été examinés et analysés de près pour prendre toutes les précautions nécessaires. Aussi, les données personnelles, contenues dans les puces électroniques des documents biométriques ne peuvent-elles être accessibles aux agents du ministère de l’Intérieur que sur autorisation judiciaire.
Par conséquent, seule la personne titulaire de la pièce d’identité biométrique et les agents chargés du contrôle ont droit d’accès à ces données.
Et pour mieux protéger ces dernières, la puce a été conçue de façon à n’être lisible qu’à quelques centimètres du lecteur.
S’agissant de la validité du passeport biométrique, elle s’étale non pas sur cinq ans mais plutôt sur dix ans.
Questions sans réponses !
D’autres données personnelles seront-elles divulguées via le passeport biométrique ? Les mêmes données, figurant sur la puce électronique du passeport, seraient-elles également aussi disponibles sur celle de la CIN ? Les documents indispensables auxdites pièces d’identité seraient-ils les mêmes que ceux recommandés, jusque-là, pour la version ordinaire ? Sinon, quels en seraient les documents nécessaires? Quels seraient les délais de remise desdites pièces d’identité ? Quels frais devrait-on payer? Autant de questions qui restent sans réponses, alors que nous avons contacté, à trois reprises, un responsable du ministère de l’Intérieur pour avoir de plus amples informations et éclaircissements sur le sujet. Sauf qu’il n’a pas décroché et n’a donné aucun signe de vie…