Tous les challenges socioéconomiques et environnementaux dépendent de l’autonomisation et du renforcement des acquis de la femme, en général, et celle rurale, en particulier ! Il semble même que la femme a été à l’origine de l’invention de l’agriculture !
L’Histoire montre qu’il y a dix mille ans, à la fin de l’ère glacière, l’homme avait poursuivi son activité vitale de chasseur, alors que la femme s’est chargée de cultiver la terre et de gérer les ressources naturelles et énergétiques. Aujourd’hui encore, son rôle dans la garantie et la préservation de l’alimentation et de la gestion des énergies perdure. Il devient même colossal, d’où l’impératif de le renforcer en misant sur son intégration et sur son implication dans les nouveaux défis planétaires.
C’est du moins la principale conclusion qui ressort des travaux de l’atelier régional, organisé mardi dernier à Tunis, par Cawtar, en collaboration avec Prima, Union pour la Méditerranée (UPM) et la Fondation Femmes euro-méditerranéennes, et ce, à l’occasion de la célébration de la Journée de la Méditerranée. Cet atelier, qui s’inscrit dans le cadre de la COP 28, a pris pour thème : «La femme rurale au cœur du WEFE NEXUS : eau, énergie, alimentation et écosystèmes ». L’idée étant de mettre à nu la situation contextuelle qui s’offre à l’humanité et qui place cette dernière face à moult défis colossaux en raison, notamment, des répercussions redoutables des changements climatiques sur les ressources et, par conséquent, sur la vie sur terre.
Femme rurale : acteur de développement
Dans la région méditerranéenne, les politiques socioéconomiques, environnementales et énergétiques demeurent disparates, en dépit des angoisses communes. Les spécialistes ne cessent, pourtant, d’aviser sur l’indispensable changement des paradigmes en faveur d’une économie durable car verte, amie de l’environnement, qui ne peut être réalisée sans l’apport considérable de la femme rurale.
Certes, la femme rurale se heurte, dans son parcours, à des obstacles de taille dont l’analphabétisme, le sexisme, la dépendance à l’autorité machiste ; autant de bâtons mis dans la roue qui vouent la femme au statut de victime. « Or, la femme rurale est un acteur de développement et doit être reconnue comme tel. Pour ce, il convient d’œuvrer pour son autonomisation, l’accroissement de sa résilience aux changements climatiques, ainsi que pour son accès aux financements », souligne M. Mounir Majdoub, expert en planification économique et ex-ministre de l’Environnement et du Développement durable.
Assurer l’égalité des chances entre les genres serait, indéniablement, la première marche à franchir pour une gouvernance que l’on veut inclusive, participative et performante. Néanmoins, en dépit des slogans longtemps scandés, beaucoup reste à faire, aussi bien dans le contexte national que celui, régional méditerranéen. « Aussi, convient-il de convaincre la population méditerranéenne de l’impératif du changement, lequel sera fondé sur l’égalité des chances notamment l’égalité d’accès aux financements tout comme celle de la production », recommande M. Moôtaz Abadi, représentant de l’UPM. A ces changements climatiques doit correspondre le changement des paradigmes car, d’après une étude réalisée sur les défis socioéconomiques, environnementaux et énergétiques, l’humanité risque — à défaut d’un nouveau modèle dans ce sens — de subir de grands problèmes dont la pénurie d’eau, de l’énergie et de l’alimentation. « Pour changer pour le mieux, nous devons planifier savamment, mettre en place des politiques de gestion des ressources et surtout intégrer plus de 55% de la société à savoir la femme dans les nouveaux challenges », poursuit M. Abadi.
Précaution et proportionnalité !
Soutenant cette approche, Mme Soukeina Bouraoui, présidente de Cawtar, évoque le rôle crucial des organisations internationales à mettre les multinationales et les capitalistes face à leurs responsabilités, à leurs missions, dont l’engagement pour garantir aux femmes rurales une vie meilleure. Et de poursuivre, « une finalité qui implique d’abord, la reconnaissance de leur rôle, de leur mérite. Les multinationales sont vivement appelées à renforcer le savoir-faire des femmes rurales en garantissant leur accès aux financements et à l’éducation financière ».
Aussi, l’intégration de la question de genre est-elle capitale dans le changement des paradigmes tout comme — d’ailleurs — celle de deux principes-clefs à savoir la précaution et la proportionnalité. Il n’est plus judicieux, selon Mme Bouraoui, de croire en la suprématie de la science, laquelle faisait semblant d’avoir une solution à tout ! L’heure est plutôt à la prise des précautions, du moment où l’on encourt un risque fâcheux. D’un autre côté, mieux vaut penser à respecter le vivant et de ne pas en abuser, car cela relève de la préservation de la biodiversité, de l’humanité, de la planète entière et de demain.
Prima et son approche Nexus
Vu l’importance du challenge, plusieurs organisations et institutions internationales s’activent dans le but de pousser les décideurs à substituer le présent-ancien modèle socio-économique et de gestion des ressources et des énergies par un modèle green tout en dotant la femme de la place qui lui revient. Parmi ces organisations et institutions figure le Partenariat pour la recherche et l’innovation dans la région méditerranéenne (Prima). Ce Partenariat a pour mission d’établir de nouveaux systèmes agroalimentaires dans la région ; des systèmes que l’on veut durables, respectueux de l’environnement et qui tiennent compte du principe de la préservation des ressources naturelles et énergétiques dont les ressources hydriques.
Jusqu’à nos jours, Prima a financé 202 projets de recherche et d’innovation dans la région via une enveloppe de l’ordre de 285,7 millions d’euros dont 142,67 millions d’euros provenant de l’UE. « Prima apporte un coup de pouce aux chercheurs pour mettre en place l’approche NEXUS en Méditerranée. Une approche qui compte aussi sur l’intégration de la femme dont le rôle est central en matière de gestion des ressources », explique Mme Antonella Otino, cheffe des projets à Prima. Faire face à l’inégalité des genres représente un maillon fort dans la lutte pour la durabilité et la résilience dans la région méditerranéenne, mais aussi dans l’instauration des meilleures pratiques pour une transition verte bien fondée.
Le concept NEXUS, établi par Prima, converge, en effet, vers le relèvement des défis voire des objectifs de développement durable, tout en évitant les trade-offs ou les « compromis » tels qu’ils ont été expliqués par M. Ali Rhouma, haut-responsable des projets de Prima. Si les défis développementaux relatifs à la période 2030- 2050 impliquent plus d’eau, plus d’énergie et plus d’alimentation comme l’exige, d’ailleurs, le développement démographique mondial, tout en préservant l’écosystème, cela mène immanquablement aux choix les plus épineux.
S’agissant des ressources hydriques, le choix semble quasi impossible, surtout que le secteur agricole consomme, à lui seul, 70% des ressources en eau. « Pour augmenter la production agricole, il faut augmenter la consommation du secteur en eau, au détriment des autres secteurs. Sinon, opter pour les pesticides dont l’impact sur l’environnement est des plus redoutables. Pour réduire l’émission du gaz à effet de serre, il convient de passer à l’hydrogène vert et donc à une utilisation plus importante d’eau. Le recours même aux énergies renouvelables dont l’énergie solaire incite, indirectement, au gaspillage de l’eau. Tous ces trade-offs devraient être évités via une bonne gestion des ressources. Cette dernière nécessite immanquablement la collaboration infaillible entre les différents secteurs et les différentes institutions de gouvernance non seulement à l’échelle nationale mais aussi à l’échelle régionale », souligne M. Rhouma.
Afin de faciliter le passage d’un système de tension à un système de convergence, NEXUS identifie les éventuels trade-offs et apporte aux institutions de gouvernance les outils de transition vers l’économie verte.