Accueil Société Violence verbale et physique dans les espaces publics : Une question de culture et d’éducation

Violence verbale et physique dans les espaces publics : Une question de culture et d’éducation

 

Il n’est pas rare d’assister de temps à autre à des scènes de violence qui se déroulent en pleine rue et dans les espaces publics. Ces situations se déclenchent souvent pour des causes futiles et dégénèrent par la suite, prenant parfois des tournures plus graves.

Les agressions verbales, l’usage de gros mots, une série d’insultes et même des menaces, voire des agressions physiques sont devenus monnaie courante. Ce phénomène prend de plus en plus d’ampleur dans notre société. Qu’est-ce qui pousse les Tunisiens à devenir aussi violents et agressifs et comment expliquer ce comportement malsain et toxique ? Atef Labbadi, expert en psychologie (premier grade), et la chercheuse en sociologie Eya Ben Mansour nous décryptent ce fléau et expliquent les raisons de son ampleur.

La culture de la communication non violente est absente

«L’hygiène de vie, qui n’est pas tout à fait saine, le rythme frénétique de la vie quotidienne, ainsi que le relâchement solaire expliquent pourquoi les individus réagissent de manière violente. De plus, nous n’avons pas des relations saines de communication et nous n’avons pas appris à communiquer de manière non violente», souligne l’expert en psychologie. Il ajoute : «Sur le plan culturel, nous nous exprimons de façon exagérée, tant verbalement que physiquement (dans les gestes). Le passage à l’acte est courant et tout cela trouve ses origines dans l’éducation de relâchement. La communication non violente n’a pas été inculquée dans nos esprits. Notre langage est riche en gros mots, ce qui explique sa propagation. L’espace, aujourd’hui comme jadis, est aussi réduit, et le rythme de vie est devenu infernal. L’être humain, ne pouvant plus se contrôler, explose comme une cocotte minute. Le Tunisien a un système d’évacuation psychologique très faible, car nous ne prenons plus le temps de faire les choses à un rythme qui nous convient. Nous sommes constamment sollicités pour effectuer des tâches tout au long de la journée, ce qui a créé des individus stressés et violents qui passent à l’acte facilement».

Ancrée dans notre culture depuis longtemps

La chercheuse en sociologie, Eya Ben Mansour, ajoute que la violence verbale, notamment l’usage de gros mots et de grossièretés, est ancrée depuis longtemps dans notre culture. «Historiquement, nous sommes classés en tant que deuxième pays dans le monde qui s’exprime oralement et par écrit par des grossièretés et des gros mots, et ce, depuis l’époque romaine. Cela fait partie de la personnalité du Tunisien et même de notre culture, puisqu’on s’exprime et on exprime nos sentiments de révolte et de mécontentement dans les grandes épreuves, telles que les guerres jadis, par de gros mots. Même la poésie tunisienne n’était pas épargnée: connue spécialement sous le nom de «la poésie verte», notamment dans le sud tunisien, elle évoque les parties intimes de la femme de façon érotique. Le corps humain, que ce soit celui de la femme ou de l’homme, en particulier les organes génitaux, est trop sollicité pour exprimer et extérioriser ses sentiments chez les Tunisiens».

Le phénomène semble s’être amplifié

L’usage de ce «langage» est devenu très répandu, même dans les espaces publics. On le remarque souvent chez les jeunes et les adolescents, qui cherchent à s’affirmer, à affirmer leur identité et à prouver leur existence, explique l’experte en sociologie. Eya Ben Mansour ajoute que la situation économique et sociale a impacté le comportement du Tunisien, devenu individualiste, se détachant des codes et des valeurs du groupe et de la société qui lui ont été imposés pour affirmer sa propre personnalité en utilisant un langage «grossier», violent et agressif. «Ce qui nourrit encore plus ce comportement violent, que ce soit sur le plan physique ou verbal, c’est principalement l’éducation reçue par l’individu, son vécu, indépendamment de l’environnement dans lequel il vit», conclut la chercheuse en sociologie.

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