La Direction générale des impôts serre la vis autour de l’impôt forfaitaire. Loin de désigner ses bénéficiaires à la vindicte populaire, le département a lancé la chasse aux faux forfaitaires. Son objectif : démêler le bon grain de l’ivraie.
Le régime forfaitaire a, de tout temps, suscité le courroux des “bons contribuables”. Car, il est perçu comme une source d’iniquité fiscale, voire un foyer d’évasion fiscale. Et ce sont “les faux forfaitaires”, qui, en abusant illégitimement de ce régime et en parasitant un système d’impôt dédié aux acteurs économiques de petite taille, sont à l’origine de cette idée. Même s’il y a une part de vérité là-dedans, le régime forfaitaire a été avant tout pensé et conçu pour alléger le fardeau fiscal des micro-entreprises et petits métiers. Et l’administration fiscale le défend bec et ongles, tant qu’il bénéficie aux ayants droit. “Notre tissu économique est composé en majorité de petits exploitants. Le régime forfaitaire est conçu de façon à prendre en considération cette catégorie fragile d’acteurs économiques. Selon le législateur, un patenté peut bénéficier du régime forfaitaire, pendant une période pouvant s’étendre jusqu’à 6 ans, au bout de laquelle il bascule automatiquement vers le régime réel s’il ne présente pas les preuves irréfutables qu’il est toujours éligible à ce régime, c’est-à-dire que son chiffre d’affaires n’excède pas les 100.000 dinars. On sait qu’après 3 ou 4 ans, un commerçant acquiert de la solidité financière qui lui permet de passer au régime réel. Mais par souci de flexibilité, cette durée a été fixée à 6 ans”, a fait savoir Mme Fatiha Gharbi, directrice générale des Impôts au ministère des Finances, lors d’un entretien accordé à La Presse. Elle a ajouté, en ce sens, que plus de 51% des bénéficiaires du régime forfaitaire sont des petits métiers, notamment des épiciers, des chauffeurs de taxi collectif, de louage, etc.
Traquer les faux forfaitaires
Selon la responsable, 2022 était l’année où la direction des impôts est revenue à la charge, pour lancer une vaste opération de ratissage, visant à traquer les faux forfaitaires et les acteurs informels, mais aussi à réévaluer le véritable poids économique de chaque déclarant. Une opération qui, malgré le manque de moyens et surtout de ressources humaines, a porté ses fruits. “Cette campagne nous a rassurés. Elle sera renouvelée l’année prochaine, car le tissu fiscal est un tissu évolutif. Son objectif est de repérer ceux qui opèrent dans l’informel et tous ceux qui passent sous les radars du fisc ”, a-t-elle ajouté. En effet, Mme Gharbi se targue des résultats obtenus : le nombre des contribuables soumis au régime forfaitaire a sensiblement baissé pour passer de plus de 411.000 à environ 321.000, tandis que le montant payé a presque doublé entre 2020 et 2023 pour atteindre les 91 millions de dinars. “ Nous avons pu réaliser ces résultats en dépit des déclarations d’existence qui se chiffrent à quelques dizaines de milliers. La courbe baisse”, se réjouit Mme Gharbi. Et la directrice de renchérir : “En effet, cette opération de ratissage a permis d’apurer le fichier fiscal et de fermer près de 27.000 patentes dont les détenteurs n’ont pas déclaré leurs activités depuis plus de 10 ans. Nous avons également pu repérer les personnes physiques non patentées. Il faut savoir qu’avec le peu de moyens dont nous disposons, nous avons optimisé nos interventions. Nous avons agi en tenant compte de l’équité fiscale, mais aussi de la conjoncture économique”. La responsable a précisé, qu’outre le durcissement de l’octroi du régime forfaitaire, l’administration fiscale a procédé à l’extension de la liste négative des activités exclues du bénéfice de ce régime. L’intensification des opérations de contrôle des factures sur la voie publique a permis, également, d’intercepter près de 28.000 véhicules. “Nous sommes des travailleurs de l’ombre. Ceux qui devaient passer vers le régime réel ont pu bénéficier de quelques mesures d’accompagnement que nous avons mises à leur disposition. En tout cas, il y a le régime réel simplifié qui n’est pas aussi contraignant”, a-t-elle tenu à préciser. Mauvaise nouvelle pour les contrevenants à la loi : la direction générale des impôts a signé 9 conventions avec des institutions et des entreprises publiques, notamment le RNE, la Bourse de Tunis et la Cnss, dont l’objectif est de faciliter le recoupement des données de chacune d’elles. “D’autres conventions vont suivre. Aujourd’hui, un évadé fiscal peut être facilement détecté grâce à l’interopérabilité des bases de données de ces diverses institutions. Par exemple, il peut être repéré lors de l’achat d’un bien immobilier ou suite à un placement boursier ”, a-t-elle expliqué. Désormais, l’étau se resserre autour des fraudeurs fiscaux et il est désormais possible de tomber dans les rets du fisc.