Accueil A la une Il était une fois la Stil… : Les «non-dits» du lait

Il était une fois la Stil… : Les «non-dits» du lait

 

Nous avons entendu bien des commentaires à propos de la «disparition de la Stil» du paysage laitier, sujet évoqué dernièrement par le Président de la République. Cette entreprise pionnière, en la disloquant, a laissé, effectivement, libre cours aux autres producteurs d’ouvrir le jeu et d’augmenter, de manière insupportable, les prix des laitages.

Jusqu’en 1998, en effet, année où nous avions atteint l’autosuffisance en lait, la Stil (Société tunisienne de l’industrie laitière) a régulé la demande du lait de boisson, dont les besoins ont commencé à s’amplifier avec l’amélioration de la ration alimentaire du Tunisien de plus en plus sensible à prévenir les maladies, pratiquer le sport et par conséquent se rabattre sur le lait qui, par tradition, n’était prescrit que pour les malades. Elle a eu recours, alors que la filière lait n’existait pas encore, à la poudre de lait pour satisfaire le marché, mais une fois l’autosuffisance atteinte, elle a fait en sorte que tout le lait qui lui était présenté  était pris en charge. Elle a également, pour ainsi dire, imposé une fourchette pour fixer les prix que les autres producteurs étaient obligés de prendre en considération.

Les non-dits

Pour le lait, elle avait mis en place une usine de production de lait en bouteilles (où est passée cette usine qui se trouvait au port ?) dont le prix du contenant était moins cher et qui concurrençait le produit emballé dans l’actuel emballage. Cela générait des économies substantielles à l’Etat en matière de subventions.  

Les lobbies ont tout fait pour annihiler cette initiative (on ne voit même plus de lait en bouteilles), pour que cette  usine coule depuis les premiers jours. Un «ingénieur» a été surpris en train de saboter la production en coupant le système devant chasser les bulles d’air qui se forment après avoir versé du lait dans la bouteille, pour éviter la détérioration du produit. On n’a  jamais su la suite de cette affaire et comment il a été sanctionné.

Pire que cela, on a tout fait pour multiplier les articles utilisant cet emballage qui coûte plus cher que n’importe quel autre, ce qui occasionne une sortie de devises extrêmement importante. Pourtant, on aurait pu utiliser pour ce genre de dérivés des bouteilles en verre ou en plastique alimentaire qui reviennent de loin moins chères et auraient fait tourner les usines de verre tunisiennes.

Dans le monde entier, on est revenu au verre.  Par économie et par souci de conserver le goût du lait? Dans les pays les plus développés, on a choisi des emballages qui coûtent moins cher et qui offrent le moyen de faire des économies importantes. Sur ces mêmes colonnes, nous avions rendu compte et cité des exemples qui auraient pu influencer considérablement les coûts de cette filière. Lorsque des pays comme le Canada ou la Hollande emballent leur lait dans de simples sachets en plastique ou dans des bouteilles en verre, pourquoi un pays comme le nôtre s’offre-t-il  le luxe de payer des emballages qui coûtent cher et qu’on jette  à la poubelle ? Tout le monde s’adonne à ce genre de calculs. Sauf chez nous. Dites pourquoi. Parce que les lobbies sont les plus forts.

Des PDG limogés !

Deux présidents-directeurs généraux ont été limogés parce que le premier voulait lancer un rayon de fabrication de margarine. Des essais très concluants ont eu lieu. Les produits de base ont été choisis : l’huile provenant des grignons d’olives et d’une huile végétale.

Au lendemain d’une séance de dégustation, le président-directeur général a été remercié et, quelques semaines après, nous avons vu apparaître sur le marché de la margarine. Le projet a été tout simplement siphonné, retiré à la STIL et quelqu’un d’autre s’en est emparé. Le second PDG a, également, conduit une initiative pour lancer du lait agrémenté de jus de fruits.

Élargir la gamme c’est amortir les coûts d’une société qui a été obligée à une certaine période de jouer un rôle social qui lui a coûté cher. Les emballages allaient être commandés et voilà que ce PDG, lui aussi, a été révoqué !

Des concurrents s’emparèrent du projet. Pourquoi, comment, personne ne le sait.

Autant conclure que tout projet en mesure de relancer cette société était immédiatement contré, parce que tout simplement on avait décidé de la liquider.

Un président-directeur général a été accusé d’avoir acheté de la poudre de lait à la date de péremption dépassée, a fait en sorte de manipuler les étiquettes et de l’introduire dans le pays. Personne ne sait ce qu’il est devenu et comment s’est terminée cette affaire.

Le lait déclassé

De grosses quantités de lait «déclassé» pour «non conformité» avec le lait à vendre en tant que «lait de consommation» sont dirigées vers les fabricants de dérivés, telles que les fromageries. Cette pratique pénalise le petit producteur et fait l’affaire des fabricants de dérivés qui rapportent plus. Personne n’en a parlé et c’est toujours le fourrage, les aliments pour bétail et autres excuses pour expliquer les problèmes de ces petits producteurs. «Mon lait est de bonne qualité, mais on m’oblige à le vendre à une fromagerie à un coût moins élevé», nous a assuré un petit producteur. «Cela leur permet de gagner plus et c’est nous qui sommes les perdants», se plaint-il.

La liquidation de la Stil n’est qu’un maillon d‘une vaste opération de mainmise sur des entreprises bien choisies. Nous n’en dirons pas plus, puisqu’on se propose de lancer des enquêtes pour lever le voile sur ces complots (il n’y a pas d’autres mots), qui ont eu lieu et qui ont touché des entreprises qui avaient joué un rôle pionnier dans l’économie nationale.

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